Affaires : les blanches colombes

Avr 16, 1990 | Partis politiques, intelligentsia, médias

Mots clefs : corruption | loi Royer

 

Dans la classe politique, on ne lave plus le linge sale en famille : on décide qu’il est blanc et qu’il l’a toujours été. Les citoyens sont priés d’admirer.

Un jour que le savant Cosinus alignait au tableau de complexes équations sur l’équilibre des corps en mouvement, sa bonne Scholastique s’étonna qu’on pût faire tant de calculs pour aboutir au chiffre zéro (1). Si la servante avisée observait aujourd’hui le calcul des équilibres politiques, elle tirerait de non moins étonnantes conclusions. Par exemple qu’une addition simplissime (1 + 1) peut elle aussi aboutir à zéro ; de même que des opérations à peine plus difficiles.

Si nous passons de l’arithmétique à l’analyse empirique, nous constatons en effet que l’affaire Nucci ajoutée à l’affaire Pasqua aboutit à l’absence d’affaire, et que la multiplication des fausses factures conduit à l’amnistie et au non-lieu. Sur le plan philosophique, on aurait tort d’interpréter cet effacement comme dicté par un désir de retour à l’origine, dans l’éclatante blancheur d’une inaugurale pureté. De même, la morale du pardon et du repentir ne saurait être sérieusement invoquée puisqu’il s’agit, en l’occurrence, de tout effacer pour mieux recommencer.

Car on recommencera, bien sûr, les manœuvres à la limite de la forfaiture. Et la corruption, déjà considérable, ne fera que croître. Certaines lois – notamment la loi Royer sur les grandes surfaces – la favorisent et la décentralisation n’a fait que l’approfondir et l’amplifier. Pourquoi se gêner ? Si on est pris, on sera amnistié. Quel que soit le sérieux des argumentations juridiques, et même s’il y a consensus entre la droite et la gauche sur le sujet, qui peut croire sérieusement que l’opinion publique peut être dupe ou complice de ces marchandages et de ces auto-purifications par quoi la justice se trouve bafouée ? Qui peut croire à la justice lorsque des auteurs de délits graves échappent aux tribunaux alors que des chapardeurs y sont immanquablement traînés ? Désormais, la classe politique ne pourra plus se plaindre du discrédit qui la frappe : elle l’alimente, elle le met en scène, elle lui donne force de loi. Inconscience redoutable, pour elle-même et pour la démocratie.

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(1) Christophe, L’idée fixe du savant Cosinus, Vllème chant, « Où il est question d’équilibre ».

Article publié dans le numéro 535 de « Royaliste » – 16 avril 1990.

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