François Broche donne un récit saisissant (1) de la résistance opposée aux troupes de Rommel par la Première Brigade française libre dans le désert de Cyrénaïque. Nous voici au plus près des héros de Bir Hakeim.

Dans les milliers d’histoires individuelles de ceux qui vont faire l’Histoire, l’espérance n’est pas un vœu pieu. Elle se concentre dans une décision qui implique un engagement immédiat. Pierre Messmer est un jeune diplômé de l’Ecole coloniale, sous-lieutenant au 12ème régiment de tirailleurs sénégalais, qui quitte la métropole pour l’Angleterre. Félix Broche est officier d’active ; chargé de la défense de Tahiti en 1939, il forme le Bataillon du Pacifique après le ralliement du territoire à la France libre et rejoint la Palestine avec ses hommes. Prince géorgien exilé en France, officier de la Légion étrangère, Dimitri Amilakvari rejoint l’Angleterre après avoir combattu en Norvège. Tous vont se retrouver à Bir Hakeim sous les ordres du général Koenig en compagnie de Français venus de tous les coins du monde et de plusieurs centaines de Républicains espagnols, tous venus pour affronter les troupes allemandes et italiennes commandées par Rommel.

Pendant l’hiver 1942, l’Africa Korps menace à nouveau l’Egypte. Rattachée à la VIIIème armée britannique, la 1ère Brigade française libre et plusieurs autres unités prennent position à Bir Hakeim en février, dans un désert de cailloux et de sable où se trouve un vieux fort ottoman. Le général Koenig dispose son artillerie, s’entoure de vastes champs de mines, enterre ses matériels et fait creuser des trous individuels. Dans le même temps, il lance des opérations de reconnaissance et de harcèlement de l’ennemi qui lui permettent d’aguerrir ses troupes. Les Français libres seront prêts quand Rommel déclenche, dans la nuit du 25 au 26 mai, une offensive de grande envergure qui va devenir la bataille de Gazala.

A Bir Hakeim, l’affrontement commence le 26 mai. Grâce aux archives explorées et aux témoignages recueillis pendant près de cinquante ans, François Broche donne plus qu’un récit – une évocation précise et sensible où l’on entend la voix des soldats morts et de ceux qui avaient survécu et le terrible bruit de la guerre, sirènes des Stukas, fracas de bombes, cris des blessés, claquement des balles. De l’aube au crépuscule, on se bat dans la chaleur et la poussière, des Allemands et des Italiens grillent dans leurs chars, des bombardiers explosent, l’ennemi repoussé revient sans cesse. C’est que le feldmarschall Rommel, qui a fait reculer les Britanniques et se voit déjà à Alexandrie, ne peut laisser sur ses arrières des Français libres qui menaceraient ses lignes d’approvisionnement. Alors il s’acharne, après avoir évoqué la menace d’une extermination de tous les combattants du camp encerclé qui éprouvent, chaque jour un peu plus, les affres de la soif et de la faim.

Pourtant, nul ne songe à se rendre et, quand l’ordre d’évacuation est enfin donné, Koenig rassemble les hommes valides et les blessés pour tenter une sortie de vive force à travers les champs de mines et sous la mitraille allemande. Au prix de pertes importantes, les Français libres réussissent à rejoindre les lignes britanniques. L’état-major leur demandait de tenir quatre jours, ils se sont battus pendant seize jours, couvrant la retraite britannique, retardant l’Africa Korps et permettant sa défaite à El Alamein.

François Broche, fils du lieutenant-colonel Broche tué le 9 mai, à la veille de la sortie, cite dans la dernière page de son livre un ancien de Bir Hakeim : “chaque fois que j’y suis revenu, j’ai eu l’impression d’entrer dans une cathédrale invisible, où flotte l’âme de la France libre”.

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(1) François Broche, La cathédrale des sables, Bir Hakeim (26 mai-11 juin 1942), Belin, 2019.

Article publié dans le numéro 1177 de « Royaliste » – 18 novembre 2019

 

 

 

 

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