Ce Brexit qui vient – par Marc Sévrien
10 mardi Sep 2019
Écrit par Bertrand Renouvin dans Billet invité
Mots clés
Boris Johnson, guerre de Sécession, Royaume Uni, Traité de Lisbonne, Union européenne
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Le 21 juillet dernier, Boris Johnson est devenu le leader du parti conservateur et deux jours plus tard il a été nommé Premier ministre par la Reine Elisabeth II. Il a très vite formé un cabinet dont la composition a fait dire à la presse qu’on allait tout droit à un Brexit sans accord le 31 octobre prochain. Dès lors la presse française s’est déchaînée mettant en avant le dilettantisme du nouveau chef du gouvernement, évoquant la future implosion du Royaume-Uni avec en prime la reprise de la guerre civile en Irlande du Nord, la fuite des multinationales, l’effondrement de la City, la dégradation du PIB, déjà prédit après les résultats du référendum de 2016. La tenue de nouvelles élections parlementaires a été annoncée, les Tories n’ayant plus qu’une seule voie de majorité à la suite de la perte d’un siège lors d’une élection partielle au mois de juillet, la victoire des libéraux-démocrates démontrant une fois de plus que les électeurs britanniques ne veulent pas quitter l’Union Européenne. Il ne manque plus que les sept plaies d’Egypte et on aura définitivement fait le tour des fléaux à venir.
Comprenons-nous. Nul ne saurait nier que le Brexit ne se fera pas non sans difficulté, ni épreuves, ne serait-ce qu’avec le problème irlandais. Mais pour aussi importantes que soient ces questions, elles ne doivent pas faire oublier l’essentiel. La question du Brexit est au XXI° siècle pour l’Europe ce que fut au XIX° siècle la guerre de Sécession pour les Etats-Unis. En effet, celle-ci ne se fit pas au départ sur la question de l’esclavage car parmi les Etats fidèles à la Fédération, il y avait des Etats esclavagistes. Mais sur la question de savoir si un des Etats constitutifs de la Fédération était en droit ou non de la quitter. Les Etats-Unis constituaient-ils une association d’Etats souverains, ou bien ceux-ci faisaient-ils partie d’un ensemble qui les dépassait, le quitter s’assimilant à une trahison ? On sait que le Général Lee prit le commandement de l’armée confédérée non par adhésion à un système esclavagiste mais parce qu’il était virginien et que la Virginie, sa patrie, avait rejoint les Etats confédérés. On sait ce qu’il advint et la guerre de Sécession constitua le véritable acte de naissance des Etats-Unis d’Amérique.
Le Brexit à venir n’a évidemment que très peu de choses à voir avec la guerre de Sécession et en cas de départ britannique de l’Union Européenne, aucun conflit militaire ne s’engagera. Pourtant derrière les discussions sur le Brexit se pose la question de savoir si un Etat peut quitter l’U.E. Non pas sur un plan juridique car la réponse est naturellement positive, mais sur le plan politique. Pour les plus exaltés des européistes, rejeter l’Union c’est rejeter le sens de l’histoire. Dès lors l’Union qui en est le vecteur à l’échelle de l’Europe ne peut être remise en cause car ce serait aller contre l’histoire et cela forcément n’a pas de sens. D’ailleurs en 2007, lors de la négociation du Traité de Lisbonne, c’est à l’initiative de Nicolas Sarkozy qu’une procédure de sortie a été élaborée, contre l’avis de nombreux Etats. Qui pourrait bien vouloir quitter l’Union Européenne ? On a d’autant plus facilement cédé à ce caprice qu’on était persuadé qu’une telle situation ne se produirait jamais. N’est-ce pas le Président Macron qui a déclaré qu’il n’y aurait jamais de Frexit ?
Avec le Brexit, l’Union Européenne n’est plus qu’une organisation internationale de dimension régionale qu’il est possible de quitter quelles que soient les difficultés que cela entraîne. Or pour les tenants de l’Union, celle-ci transcende les différents Etats-membres. La proposition allemande de voir l’Union Européenne remplacer la France en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité en est une des traductions logiques. Mais, comme on ne peut pas faire la guerre au Royaume-Uni, il faut le punir, il faut qu’il paye et il faut faire preuve de la plus totale intransigeance. Dès lors toute perspective de renégocier quoi que ce soit est impossible. Boris Johnson le sait. Il peut dès lors se dire ouvert à la négociation tout en se préparant à un Brexit dur.
Lorsque le Brexit sera mis en oeuvre, le 31 octobre ou plus tard, le monde ne s’arrêtera pas de tourner. Une certaine conception de la construction européenne aura cependant du plomb dans l’aile, pour le moins.
Marc SEVRIEN
2 commentaires
13 septembre 2019 à 16:24
Sincèrement, j’ai du mal à comprendre le sens de ce texte. Pour l’heure, l’Union européenne est une construction d’Etats nations. Elle implique nécessairement la possibilité pour chaque Etat de se retirer de cette union, s’il le souhaite. Tout simplement au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le jour où nous aurons atteint le stade de l’union politique, transcendant les Etats nations, avec abandons de souveraineté librement consentis, les choses se présenteront évidemment de façon différente (y compris l’abandon par la France de son siège au conseil de sécurité des Nations Unies au profit d’un siège européen). Et alors, la comparaison avec la guerre de Sécession deviendra pertinente. Mais nous n’en sommes pas là. Nous en sommes même encore très loin.
Les Britanniques n’ont jamais voulu de l’Europe politique. Ce qui les intéressait, c’est l’accès au marché européen, et la transformation de ce marché en une vaste zone de libre-échange. C’est ce qu’avait très bien compris De Gaulle en 1963. La diplomatie britannique a remarquablement réussi entre 1973 et 2016, obtenant à peu près tout ce qu’elle souhaitait de l’Europe. Jusqu’à ce qu’elle bute sur la question de l’identité nationale, liée aux flux de population résultant du marché unique. D’où le Brexit, qui peut s’interpréter comme un refus populaire de l’Europe. Je vais très vite, mais je pense qu’on peut l’interpréter de cette façon.
Dès lors, dans la mesure où l’Europe s’est essentiellement construite sur le plan économique au cours de ces 50 dernières années, il me paraît évident que quitter l’Europe présente un coût économique. Comment pourrait-il en être autrement ? Il ne s’agit en rien d’une punition. J’ai même l’impression que l’Europe et Theresa May ont abouti au meilleur accord possible pour limiter le coût économique pour les Britanniques (en gros, le Brexit avec maintien du Royaume Uni dans l’union douanière dans l’attente de futurs accords commerciaux). Mais les Britanniques n’en veulent pas (car évidemment, ils perdraient leur autonomie au plan commercial) et ils semblent, pour l’instant, incapables de présenter des propositions alternatives aux Européens. Nous en sommes là.
Tout ceci pour dire que je ne partage pas la conclusion de Marc Sevrien : la position européenne dans cette affaire consiste justement à maintenir la pérennité d’une certaine conception de la construction européenne. Celle qui débouchera, un jour ou l’autre (mais je ne serai pas vivant pour le voir), sur l’Europe politique. C’était l’idée de De Gaulle : il voyait l’Europe comme un prolongement de la France (voir à ce sujet ses confidences à Peyrefitte dans « c’était De Gaulle » ).
12 juin 2020 à 22:11
Frexit maintenant ! Retrouvons notre souveraineté. Il sera toujours temps, plus tard, sur de nouvelles bases, solides et saines de refaire la « CECA » en nombre restreint donc raisonnable.