Chronique 53 : De Tulle à Bir Hakeim

Mai 18, 2012 | Chronique politique | 1 commentaire

Les hommages rendus par François Hollande à Marie Curie et à Jules Ferry, le 15 mai, inaugurent une série d’actes symboliques qu’il faut envisager avec sérieux. L’homme qui est devenu président de tous les Français doit établir un lien public et réfléchi à l’histoire de France. Après tant de manipulations du thème de l’identité nationale, nous avons besoin de retrouver le sens de notre aventure collective afin de pouvoir la prolonger – tant il est vrai que l’avenir se construit avec du passé reconnu et fidèlement transmis. François Mitterrand comprenait que le lien avec l’histoire renforce l’unité présente et c’est dans cet esprit qu’il avait célébré le millénaire de la France et le bicentenaire de la Révolution française. Puis nous avons été troublés par les discours sur l’Europe post-nationale – dont on mesure aujourd’hui la vacuité –, blessés par la volonté de culpabiliser la France et scandalisés par les expressions « identitaires » qui proliféraient à droite et à gauche.

Nous pouvons dépasser ce moment négatif si le président de la République inscrit son mandat dans la continuité de notre histoire nationale, célèbre ses grands hommes et le combat de son peuple pour la liberté. Bien entendu, l’alliance du pouvoir royal et du peuple français pour l’indépendance doit être soulignée mais je me garderai de toute proposition sur ce point : de même que la nation ne doit pas être abandonnée aux nationalistes, l’œuvre de la monarchie capétienne ne doit pas être laissée à l’appréciation des seuls royalistes. Pour ma part, je tiens à faire trois suggestions qui concernent la France et les Français pendant la Seconde guerre mondiale :

Régis Debray avait naguère proposé que Marc Bloch, historien admirable et résistant exemplaire, soit porté au Panthéon (1). Il faut que la cérémonie soit organisée sans tarder.

Nous nous souvenons, en ce mois de mai, du début de la bataille de Bir Hakeim. Les Français libres vont commémorer en juin leur victoire sur Rommel. Le président de la République ne saurait être absent des cérémonies qui vont marquer ce soixante-dixième anniversaire, à Paris et en Libye.

Corrézien d’adoption, François Hollande n’ignore rien des tueries qui ont jalonné l’itinéraire suivi par la division « Das Reich » en juin 1944. Partis de Montauban, en route vers le front de Normandie, les Allemands harcelés par la Résistance se vengèrent sauvagement à Tulle puis à Oradour. Que le président de la République refasse ce chemin, silencieusement, en compagnie de ceux qui mené des combats décisifs pour le succès du Débarquement et pour la libération, par leurs propres armes, de la patrie.

***

(1) Cf. Régis Debray, Rêverie de gauche, Flammarion, 2012, et mon article dans le numéro 1013 de « Royaliste ».

 

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1 Commentaire

  1. Olivier Comte

    « Le lien avec l’ histoire renforce l’ unité présente »
    Quelle belle et bonne formule. je suspecte M. Renouvin d’en être l’ auteur. Après avoir connu, rétrospectivement, M. Mitterrand comme une garniture peu appétissante de la IV° République, j’admirais l’ homme qui avait sacrifié sa carrière politique en s’opposant au coup d’ état du 13 mai et au coup de force gaulliste.
    Maintenant, trop de mauvais souvenirs obscurcissent ma mémoire du président Mitterrand.
    Le bicentenaire de la Révolution permit la publication de nombreux ouvrages scientifiques mais, pour la gauche, politique ou intellectuelle, cette célébration fut celle des fautes et crimes de la Révolution.
    Pour étendre le mot injustement attribué à Gide, si la Révolution
    fondatrice de la Nation est perverse, il est permis d ‘accepter le concept même de Nation comme pervers et l’on peut passera à la triste idéologie post-nationale.
    Je ne peux superposer ce lien avec l’ histoire et l’action anti-nationale du président Mitterrand.
    Je regrette que la période si riche de la Restauration (particulièrement pour l’ étude de l’ armée) n’ attire pas plus de recherches.
    Je me permets de signaler un livre qui peut nous aider à réfléchir
    sur la place des prochaines législatives dans notre histoire:
    THE BRITISH GENERAL ELECTION OF 1950 du professeur H.G. NICHOLAS
    (Oxford). Ce n’est pas une proposition paradoxale.