Après les faits divers, qui priment toujours sur le marché de l’information spectaculaire, c’est toujours le même message rassurant que délivrent les experts médiatiques : la reprise se confirme, la zone euro va de mieux en mieux. On oublie la crise politique en Grèce, en Italie, au Portugal, en Espagne… On passe vite sur le taux de chômage – plus de 12{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} pour tous les pays de la zone – et on nous promet, au mieux, une croissance inférieure à 1{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}, un chômage stabilisé et une austérité sans fin.

Ceux qui, comme nous, dénoncent une situation périlleuse et intolérable, se voient opposer deux répliques. L’une est gouailleuse : la fin de l’euro est la marotte des prophètes de malheur, démentis par le fait que la monnaie unique tient le coup !  L’autre est catastrophée : l’effondrement de la zone euro provoquerait des maux bien pires que ceux que nous subissons aujourd’hui. Les gouailleurs devraient prêter attention aux innombrables fragilités qui menacent une monnaie qui est elle-même facteur de crise. Mais c’est aux catastrophistes que trois économistes (1) apportent des réponses solidement étayées tout en montrant aux citoyens comment une zone monétaire peut être dissoute, dans l’intérêt de la France et pour le bien de tous les pays victimes des thérapies de choc.

Jacques Sapir, Philippe Murer et Cédric Durand rappellent que la crise de liquidité est la conséquence d’une crise de compétitivité induite par le taux de change de l’euro et qui entraîne une crise de solvabilité des pays en déficit commercial. Cette crise souligne l’impossibilité d’une politique monétaire unique en raison de la divergence croissante des économies nationales de la zone – qui ne serait pas résolue par un « saut fédéral » qui entraînerait pour l’Allemagne d’insupportables sacrifices financiers. Même si l’explosion de la zone est différée par le laisser-faire des oligarchies nationales et par les techniques de la Banque centrale européenne, il est essentiel d’anticiper la fin de l’euro qui peut se produire selon trois scénarios.

Les simulations effectuées montrent les effets d’une explosion sur la dette, les taux de change, l’industrie, l’emploi et l’inflation en fonction des différents choix de politique économique qui pourraient être faits. Ces études démontrent qu’une explosion non-contrôlée n’est pas souhaitable car elle plongerait l’Europe dans le chaos du chacun pour soi en matière de dévaluation et de défaut sur la dette. Faut-il dès lors constituer deux zones monétaires, l’une pour le Nord, l’autre pour le Sud ? Cette solution de repli est vouée à l’échec car elle ne permettrait pas de sauver l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce.

Il faut donc préparer une dissolution contrôlée par les gouvernements décidés à sortir leur pays de la crise et fixant de manière concertée les nouvelles parités monétaires. Il est en effet essentiel que l’euro soit dissous pour que toutes les dettes des Etats, aujourd’hui comptées en euro, soient immédiatement libellées en francs, en lires, en drachmes, en pesetas, en escudos selon les règles du droit international. Les citoyens n’auront pas à souffrir d’une dette remboursée en monnaie fortement dévaluée, qui sera à l’abri des tempêtes spéculatives puisqu’un contrôle des changes devra être institué dès que la dissolution sera prononcée. Ces dévaluations redonneront une forte compétitivité aux industries nationales, ramèneront une très forte croissance dans tous les pays libérés de la monnaie unique (entre 15 et 20{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} sur trois ans au Sud) qui entraîneront une forte baisse du chômage. En France, des millions de personnes (entre 1 et 2,5 millions) retrouveront un emploi dans les trois ans – ce qui résoudra automatiquement le faux « problème des retraites ». Ces perspectives seraient confortées ou améliorées si, comme le souhaite la Nouvelle Action royaliste, les autorités politiques décident la nationalisation du crédit et celle des secteurs-clés dans le cadre d’un plan de reconstruction.

La dissolution concertée de l’euro en vue de la création d’une monnaie commune est une hypothèse dédaignée par les cercles oligarchiques. C’est en se voilant la face qu’on crée des situations incontrôlables.

***

(1)    Fondation Res Publica : Les scenarii de dissolution de l’euro, Une étude de Jacques Sapir et Philippe Murer avec la contribution de Cédric Durand. Septembre 2013

 

Editorial du numéro 1041 de « Royaliste » – 2013

Partagez

1 Commentaire

  1. OLIVIER COMTE

    Après le droit naturel ,opposé aux ennemis de la liberté qui défendaient l’ action politique, nous connaissons une économie naturelle qui doit échapper à la volonté politique.
    Cette économie naturelle n’est pas le capitalisme mais le libéralisme financier seul but de l’ Union Européenne.
    La financiarisation de l’ économie et le fédéralisme européen
    sont des dogmes impitoyables qui ne souffrent pas la discussion.
    Ces belles certitudes s’ appuient sur des forces politiques puissantes.

    Au delà de ce marais, l’ analyse de Bertrand Renouvin nous fait apercevoir la terre ferme. Deux moyens d’ action sont clairement proposés: le contrôle des changes et la nationalisation du crédit. La question est de trouver des forces politiques qui soutiendraient et seraient prêtes à diriger ces politiques.

    Qui veut nationaliser le crédit? Les nationalisations de la Libération ont vite tourné à l’ Etatisation. Les nationalisations de la gauche unie ne furent qu’une étatisation, sans véritable volonté politique. Le PS retrouvait la pente naturelle de la SFIO et le PCF renonçait pratiquement à sa lutte contre le CME pour conserver ses municipalités.

    Le PS est prisonnier de son renoncement politique, sous des
    chants européens, et de son alliance avec des écologistes parasitaires et doctrinaires. Le PCF n’ existe plus et les fascistes ont toujours respecté les structures capitalistes. L’ UMP est devenue une armée de généraux.
    De nombreux citoyens veulent une rupture économique mais aucun parti n’ est actuellement capable de conduire les Français vers une rupture politique. Une politique d’ union pour réaliser cette rupture n’ est pas une acrobatie verbale
    mais un but incertain.