Déni de démocratie – Après le référendum de 2005

Juin 20, 2005 | Union européenne

Du déni de réalité (1) il était logique que les oligarques en viennent au déni de démocratie.

La chose s’est faite, de manière très officielle, après la première réunion du Conseil européen réuni à Bruxelles. Peu après minuit, les présidents respectifs du Conseil européen (M. Juncker) de la Commission européenne (M. Barroso) et du Parlement européen ont tenu une conférence de presse portant sur les décisions qui venaient d’être prises quant à la ratification du « traité constitutionnel ».

Les propos tenus par ces messieurs pendant près d’une heure (2) sont hallucinants. Le communiqué officiel qui résume et édulcore les déclarations des trois personnalités précitées est en lui-même inquiétant : Nous estimons tous que le traité constitutionnel donne la bonne réponse à de nombreuses questions que les Européens se posent. Nous estimons donc que le processus de ratification doit continuer. Il n’y aura pas de meilleur traité, et donc il ne saurait y avoir, ne fût-ce que la perspective d’une renégociation.

Certes, le Conseil européen a tenu compte du rejet du texte par les électeurs français et hollandais mais ces deux référendums sont interprétés comme l’expression de « questions », d’ »interrogations » et de « peurs » dont il faut tenir compte en allongeant les délais de ratification par les autres pays et en ouvrant dans l’ensemble de l’Union européenne un vaste débat.

Les commentaires donnés par M. Juncker permettent de préciser l’analyse faite à Bruxelles. Pour le Conseil européen, les opposants au traité n’ont pas compris la « Constitution » car les critiques qu’ils formulaient trouvaient leur réponse dans la «Constitution » elle-même. Le président du Conseil européen a ajouté que les Français et les Hollandais qui ont voté Non s’opposaient à l’Europe existante et non à l’Europe selon sa future « Constitution » ! Et M. Barroso a conclu que les Français avaient voté « contre le contexte, et pas contre le texte », ce qui semble vouloir dire que nous avons sanctionné le président de la République – sans pour autant rejeter le traité.

Puisque le traité donne la « bonne réponse », puisque deux peuples ont répondu Non pour de mauvaises raisons ou parce qu’ils visaient autre chose, le Conseil européen a officiellement ouvert une « période de réflexion » qui sera marquée par un « débat mobilisateur » au cours duquel la Commission est appelé à jouer un « rôle particulier ».

Complexé par la démonstration qui vient d’être faite de ma profonde bêtise – celle de la majorité des Français qui a voté Non – j’ose pourtant écrire que nous allons être soumis à une intense opération de propagande destinée à éclairer des masses dont Valéry Giscard d’Estaing a fustigé l’imbécillité et l’incompétence dans une sévère admonestation que Le Monde (15 juin) a eu la bonté de nous donner à lire à la veille du Conseil européen.

Dans la nuit du 16 juin, les journalistes présents à la conférence de presse n’ont pas songé à demander au président du Conseil européen si les peuples français et hollandais seraient appelés à voter une seconde fois, comme naguère les Irlandais, afin d’apporter enfin la bonne réponse au traité qui est par définition la bonne réponse. Mais telle est bien l’intention des oligarques, puisqu’ils ont décidé que le débat aurait lieu dans les pays qui préparent un référendum comme dans ceux qui ont rejeté le traité.

Cela signifie que les référendums français et hollandais sont considérés comme des sondages d’opinion en grandeur nature, non comme des décisions de peuples souverains.

Nous sommes confrontés à de purs idéologues qui pensent détenir la vérité et qui veulent nous la faire admettre – sans voir que nous avons massivement rejeté l’ensemble du traité, parce qu’il contenait la vérité de l’ultralibéralisme.

Nous sommes confrontés à des oligarques mis en échec et qui choisissent la voie autoritaire – la seule qui leur permet de ne pas voir que le rejet du traité est celui de leur classe et de leurs intérêts de classe.

Le déni de démocratie de l’oligarchie, accompagné par un durcissement des mesures anti-sociales, nous conduit à un choc frontal. Il sera violent.

***

(1) cf. l’éditorial du n°862 « Ils n’ont rien compris ».

(2) Diffusion en direct sur « i-télévision ».

 

Editorial du numéro 863 – 2005

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