Nous sommes en train de vivre trois grandes peurs, qui gagnent ou perdent en intensité au rythme des événements quotidiens.

La peur de la catastrophe écologique provoquée par le changement climatique engendre de sourdes angoisses, des alarmes médiatiques suivies de publicités pour les grosses voitures et des prophéties apocalyptiques : la fin du monde en 2050 !

La peur de la catastrophe financière, sans cesse réactivée par les informations publiées hors des grands médias, nous conduit à envisager la fin d’un monde, celui du capitalisme financier, et de nouvelles souffrances qui succèderont à celles qu’il avait provoquées.

La peur de la guerre civile circule sur les réseaux sociaux, aiguillonnée par des polémistes irresponsables qui cherchent à déclencher le cycle de la provocation sanglante et de la vengeance.

Nous le savons : le pouvoir politique est fait pour conjurer les peurs collectives, pour mobiliser la société et l’économie contre les fausses fatalités catastrophiques, pour écarter le risque de guerre civile. Il faut le pouvoir symbolique du chef de l’Etat, il faut le pouvoir effectif du gouvernement pour que la collectivité retrouve son assurance. Or, nous observons depuis un an un phénomène aussi troublant que rare : depuis l’émeute du 1er décembre 2018, la “gouvernance” ultralibérale vit dans la peur. Peur de la révolte sociale amorcée par les Gilets jaunes. Peur de la grève générale. Peur de la crise financière qui révèlerait à tous ses responsabilités dans le maintien d’un système spéculatif voué à l’effondrement.

Le bloc oligarchique se sait fragile, haï, menacé. Sa peur de la révolte populaire se manifeste dans les déplacements de compagnies de CRS d’un bout à l’autre du territoire, pour parer des dangers imaginaires ou pour contenir de modestes protestations. Cette peur s’accompagne fort logiquement d’initiatives brouillonnes suivies de pertes de contrôle. Ainsi, Emmanuel Macron a relancé en septembre dernier le débat sur l’immigration pour stimuler la confrontation avec le Rassemblement national en vue des élections municipales. Pas de chance : c’est la polémique sur le voile qui a ressurgi, au cours de laquelle la “communication” élyséenne et gouvernementale a été confuse et finalement lamentable ! Ensuite, nous avons vu le Premier ministre et une partie du gouvernement se précipiter en Seine-Saint-Denis pour présenter vingt-trois mesures de renforcement des services de l’État. Vingt-trois mesures dérisoires puisque nul n’ignore que les pouvoirs publics ont perdu le contrôle de la situation dans ce département, qu’il s’agisse des affaires judiciaires, de l’immigration clandestine, de la scolarité ou du trafic de drogue.

Pourtant, la “gouvernance” a mis en place la réforme de l’allocation-chômage, qui est d’une violence inouïe. Pourtant, la destruction de la SNCF va se poursuivre par l’ouverture à la concurrence. Pourtant, le projet de réforme des retraites est maintenu au fil de tergiversations qui ne calment pas les inquiétudes. La “gouvernance” a peur, prend des mesures qui alimentent la peur ou révèle une impuissance – face aux enjeux écologiques, face à la crise financière, face à l’islamisme radical – qui accroît elle aussi la peur collective. Nous ne pouvons en rester là.

Il y a bien des manières de se libérer de la peur. La pire, c’est le défoulement violent dans le saccage puis dans le meurtre. L’engagement dans une formation politique est à tous points de vue préférable mais seul le Rassemblement national, qui se contente de gérer sa rente électorale, échappe pour le moment au discrédit qui frappe les partis. Rien n’est perdu cependant. C’est la dynamique de la lutte des classes qui peut changer les règles du jeu. Depuis un an, nous voyons la résignation et la peur se transformer en colère – et la colère en révolte. Les Gilets jaunes font école dans les bases syndicales – on parle couramment de “giletjaunisation” – et les foules qui envahissent les rues algériennes chiliennes, libanaises, sont exemplaires aux yeux de nombreux Français.

La grande révolte qui s’annonce prendra pleinement son sens – sa signification et sa direction – lorsque tout ce qui a été pensé depuis vingt ans en matière de souveraineté prendra la forme d’un projet accepté et partagé par tous ceux qui veulent reprendre le pouvoir confisqué par l’oligarchie et changer le cours de l’histoire.

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Editorial du numéro 1176 de « Royaliste » – 4 novembre 2019

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