A la gauche de la gauche oligarchique, la monarchie élective est régulièrement dénoncée et il y eut quelques piques en ce sens lors du remaniement ministériel. Aux rédacteurs de Mediapart et aux militants du Parti de gauche qui nous lisent régulièrement, je veux annoncer une nouvelle qui va les étonner : la monarchie élective est morte.

Quand ? Elle est entrée en agonie pendant le second mandat de Jacques Chirac et trépassé en 2007 quand Nicolas Sarkozy a pris le pouvoir. Comment ? Par l’effet conjugué du quinquennat et du remplacement du gouvernement républicain par la gouvernance oligarchique. Il y a en effet incompatibilité entre la République, qui a pour principe l’intérêt général, et l’oligarchie où quelques-uns servent leurs intérêts et ceux de groupes privés. Je rappelle ces définitions pour proposer une analyse qui va faire bondir nos amis de la vraie gauche : la monarchie élective est républicaine car, malgré des ambiguïtés et des paradoxes cent fois soulignés ici même, l’intérêt général n’y est pas perdu de vue. Je dirai même plus : la monarchie élective est également démocratique alors que l’oligarchie est un attentat permanent contre la République et contre la démocratie, avec pour crime inaugural le viol de la souveraineté populaire exprimée lors du référendum de 2005.

Et que s’est-il passé après le second tour des municipales ? Les résultats de ces élections locales ont été interprétés par les médias et les sondeurs comme un vote-sanction de la gauche au pouvoir et François Hollande a décidé de congédier le chef du gouvernement et de désigner pour Matignon un homme auquel il a immédiatement fixé, par voie de télévision, un programme législatif.

Ce comportement est d’une remarquable inconséquence : si le corps électoral appelé à désigner des conseillers municipaux a sanctionné la politique de la gauche, François Hollande, qui commande en réalité au pouvoir exécutif et à la majorité parlementaire, était beaucoup plus responsable de ce désaveu que Jean-Marc Ayrault. Ce n’était pas le Premier ministre en titre qu’il fallait démissionner, mais le Premier ministre de fait qui aurait dû démissionner. Ce n’est pas la monarchie élective qui est à dénoncer, mais une autocratie qui consiste à tirer des urnes les conclusions utiles à une stratégie personnelle : illégalité manifeste commise par un président dont la légitimité démocratique est mise en cause.

Ce comportement est dangereux. Si les socialistes subissent une défaite aux élections européennes, sur un programme qui sera évidemment celui de François Hollande et de Manuel Valls, il faudra que les deux têtes de l’exécutif tirent toutes les conséquences d’un scrutin qui, cette fois, sera national. Bien entendu, François Hollande déciderait au soir de la probable défaite de ne pas tenir compte du résultat pour lui-même et invoquerait la lettre de la Constitution. Pendant quelques jours, il reviendrait alors dans la légalité sans admettre son illégitimité manifeste.

Surtout, il faut dénoncer l’inversion permanente des principes de notre Constitution. Avec Nicolas Sarkozy puis François Hollande, le président de la République est Premier ministre et le gouvernement est responsable devant le chef de l’Etat, qui a l’initiative des lois – tant que la majorité parlementaire existe et décide de se plier aux injonctions venues de l’Elysée et relayée par Matignon. Cette autocratie est relative car il existe un contrôle de constitutionnalité mais nous ne sommes plus dans le parlementarisme rationalisé qui était l’une des caractéristiques de la Constitution de 1958 et le principe de séparation des pouvoirs n’est plus respecté.

Le retour à la monarchie élective permettrait de restaurer la fonction arbitrale du président de la République. Le Premier ministre retrouverait alors son rôle constitutionnel et le gouvernement, responsable devant le Parlement, serait en mesure de déterminer et conduire la politique de la nation. Les élections locales seraient considérées comme telles. J’ajoute qu’une présidence arbitrale pourrait renouer avec la pratique du référendum – par exemple sur le projet de Partenariat transatlantique. Que nos amis de gauche y réfléchissent : c’est en restaurant la Constitution gaullienne que nous rétablirons le parlementarisme et la démocratie.

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Editorial du numéro 1054 de « Royaliste » – 2014

 

 

Bertrand RENOUVIN

 

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2 Commentaires

  1. Hélène Nouaille

    Heureusement que je vous lis ce soir, j’ai le moral très bas pour mon pays.
    Un seul reproche : je vous trouve très optimiste sur le contrôle de constitutionnalité, qui s’est déconsidéré en 2005. Il ne joue pas son rôle, aucune illusion sur le sujet.
    Aux citoyens de réagir. Mais quand et comment ?

  2. CRIBIER

    Revenir à la situation d’avant la réforme du quinquennat, pour prétendre résoudre le problème institutionnel de la France serait un leurre.

    Ce qui importe est de restaurer, ou plutôt d’instaurer l’esprit de la Constitution gaullienne.

    Car dans sa pratique, même pendant le septennat, et hormis les périodes de cohabitation ou à certains moments de la Présidence du Général de Gaulle, la Constitution n’a jamais été réellement celle, d’une monarchie élective parlementaire, mais plutôt celle d’une monarchie élective présidentielle, dès lors que le Chef de l’Etat élu au suffrage universel direct depuis 1962, et soutenu par un parti politique, disposait à l’Assemblée nationale d’une majorité parlementaire pour exercer personnellement le pouvoir.

    Il ne s’agit donc pas de restaurer la Constitution gaullienne pour rétablir le parlementarisme et la démocratie, mais d’y changer ses vices de fonctionnement en s’attaquant aux causes de ses dysfonctionnements.

    Il est donc nécessaire premièrement d’identifier ces vices et deuxièmement de trouver les solutions pour y remédier.

    Pour identifier ces vices, il faut revenir aux principes qui constituent l’esprit de la Constitution gaullienne :

    – le Chef de l’Etat est un garant et un arbitre dans nos institutions, il doit donc être indépendant de tout parti politique et de toute majorité parlementaire pour exercer cette magistrature suprême.

    – le Chef de l’Etat est constitutionnellement irresponsable politiquement, il ne peut donc avoir seul l’initiative des lois au sein du pouvoir exécutif, il appartient donc au gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la nation dont il est seul responsable (article 20 de la Constitution), mais sous la vigilance, l’arbitrage, les conseils ou recommandations, les avertissements du Chef de l’Etat, qui est dans son rôle de garant et d’arbitre.

    – les partis politiques et groupements politiques ne font que concourir à l’expression du suffrage selon l’article 4 de notre Constitution.

    Il est donc clair que ce qui est en cause, relève essentiellement du rôle abusif joué par les partis politiques dans nos institutions.

    Il faut donc libérer la Présidence de la République des partis politiques, de sorte que le Chef de l’Etat ne puisse en être le représentant ou le leader, tel un 1er ministre dans une démocratie parlementaire.

    Pour cela, il serait nécessaire de changer les modalités de l’élection du Chef de l’Etat par toute sorte de moyens, tels :

    – le candidat ne pourrait avoir appartenu à un parti politique ou y avoir exercé des responsabilités pendant une certaine durée ( 5ans par exemple, avant l’élection
    présidentielle, le temps d’une législature) pour se mettre ainsi « en réserve de la République » au sens de la res-publica, du Bien commun, donc de la France.

    – les primaires au sein des partis politiques seraient nulles et non avenues, par contre une primaire nationale serait organisée entre les différents candidats potentiels.

    – le candidat pour se présenter devrait recueillir non pas un certain nombre de signatures parmi les élus en place, mais parmi les citoyens électeurs et de manière représentative sur l’ensemble du territoire.

    – il n’y aurait pas de campagne électorale à proprement parler, organisée par les partis politiques. C’est l’Etat et son administration qui s’en chargerait dans le cadre de la loi.
    Les différents candidats disposeraient à égalité, d’un temps médiatique pour s’exprimer avant les élections et de moyens financiers, pour faire imprimer leur déclaration qui seraient distribuées par voie postale comme les professions de foi actuelles avant toute élection.
    L’Etat organiserait les primaires nationales.

    – le débat ne porterait que sur les pouvoirs exercés par le Chef de l’Etat, sa vision de la France, sa manière d’arbitrer (en matière de défense nationale, de politique étrangère, de souveraineté, de justice, de liberté …).

    Enfin, il faudrait renforcer les pouvoirs d’arbitrage et de garant du Chef de l’Etat (qu’il s’agisse du recours au référendum, de la dissolution de l’assemblée nationale, du droit d’un véto suspensif sur les lois, du retour à la présidence du Conseil de la magistrature et même de la coprésidence du Conseil constitutionnel, du dualisme pour la responsabilité devant le Chef de l’Etat et le Parlement des ministres relevant de son autorité constitutionnelle : défense, affaires étrangères, intérieur, justice).

    Le système ainsi rééquilibré, où le gouvernement serait pleinement responsable et le Parlement libéré d’une certaine tutelle de l’Elysée, le calendrier électoral pourrait à nouveau faire primer chronologiquement les élections législatives sur l’élection présidentielle revenue à 7 ans, pour demeurer indépendante des contingences électorales et un système de représentation plus proportionnel, pourrait être envisagé au Parlement.

    Bien entendu, une monarchie royale parlementaire, épousant cette Constitution gaullienne ainsi revisitée, permettrait de disposer en permanence et pour le bien de l’Etat, au service de tous les Français, d’un garant et d’un arbitre, selon notre histoire millénaire.