Guerre sociale : l’offensive Macron

Avr 15, 2018 | la lutte des classes

 

La guerre sociale s’intensifie. L’Elysée cherche une victoire définitive contre les organisations syndicales afin d’imposer aux Français l’anti-modèle social voulu par le capitalisme financier et dicté par la Commission européenne.

Quant à Emmanuel Macron, ce n’est pas Jupiter qu’il faut évoquer mais Janus le dieu à double face. Sur la scène mondiale, l’homme n’est que le supplétif des Etats-Unis et de l’Otan. Sur l’estrade bruxelloise, il n’est que le commis de la Commission européenne, qui exécute avec zèle ses directives – aujourd’hui celle de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. S’humiliant devant Trump, s’abaissant devant Juncker, Emmanuel Macron abaisse la France et humilie les Français.

Dans l’arène nationale, ce n’est toujours pas Jupiter qu’on voit se déplacer, des Bernardins à l’école primaire de Berd’huis, mais un bretteur habile qui a entrepris de terrasser ses adversaires les uns après les autres. Pour ses rivaux politiques, c’est fait : Fillon est cadavérisé, Hamon est à terre, Le Pen a été sévèrement étrillée et Mélenchon tenu à distance. Tout en menant une opération de séduction des « religieux » réduits à des communautés sur le mode étatsunien, Emmanuel Macron s’attaque aux bastions syndicaux en commençant par la SNCF. But : mater la CGT et Sud, avant de s’attaquer aux résistances syndicales de la fonction publique et de laisser le champ libre au syndicalisme de collaboration – à la CFDT. Notons que dans la « bataille du rail », Laurent Berger est bien embêté : il ne peut pas lancer le processus de négociations-reddition dans lequel sa confédération excelle, car la CFDT-cheminots est résolument engagée dans la lutte aux côtés de la CGT et de Sud-Rail.

Comme l’Elysée redoute que les étudiants et les lycéens rejoignent les syndicalistes comme en 2006 et en 2010, le gouvernement envoie la police dans les facultés occupées pour liquider le mouvement de contestation. But : favoriser dans l’université le syndicalisme gestionnaire que tente d’installer la FAGE qui est une annexe de la CFDT.

Si le syndicalisme de résistance est battu à la SNCF, dans la fonction publique générale et dans la fonction publique hospitalière, Emmanuel Macron pourra continuer à mettre en œuvre un programme qui repose sur trois convictions : défense inconditionnelle du libre-échange, adhésion résolue au système de l’euro-mark, promotion du travail individualisé à l’extrême sur le modèle d’Uber. Comme l’expliquait Frédéric Farah dans nos colonnes (« Royaliste » N° 1133) Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, comme la Commission de Bruxelles, est totalement soumis à la logique du capitalisme financier : puisque les capitaux passent les frontières quand ils veulent pour se placer où ils veulent, il faut adapter le travail et la protection sociale qui sont fixés sur le territoire national, à cette mobilité.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre la phrase prononcée par Emmanuel Macron lors de son entretien avec Jean-Pierre Pernaut le 12 avril : « les riches n’ont pas besoin de Président, ils se défendent très bien tout seuls ». Les riches étrangers – le Capital financier – n’ont pas besoin de président de la République, ni de la France car ils se déplacent dans le monde au vu des critères de rentabilité. Mais les riches de nationalité française ont besoin d’Emmanuel Macron – la preuve c’est qu’ils l’ont financé – parce que c’est lui qui fait voter les lois qui favorisent les fortunes mobilières, qui organisent la privatisation par étapes de la protection sociale et qui réduisent l’Etat social à un filet minimum de sécurité. Quoi qu’il en dise, Emmanuel Macron est et demeurera le président des riches. Les discours sur la compétitivité et sur l’attractivité sont faits pour enrober cette soumission totale au capitalisme financier : on invoque une logique économique supposée inflexible pour faire accepter les ordonnances qui flexibilisent le travail et qui dynamitent les services publics.

Fabriqué par la Commission, l’argumentaire n’est pas plus nouveau que l’idéologie ultralibérale. Tout cela a été débité avec plus ou moins d’aisance par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Emmanuel Macron y ajoute une touche d’intellectualité, en faisant recycler ses vieilles notes de cours par ses scribes. Ayant démontré sa supériorité conceptuelle, le « président Wikipédia » comme le surnomme Gaël Brustier dans « Marianne » (13-19 avril) peut développer une empathie tous azimuts : après avoir dit aux catholiques combien il appréciait le supplément d’âme qu’ils apportaient et combien il apprécierait que l’Eglise soit « En Marche » avec lui, il a remercié les retraités de s’être laissé taxer – comme s’ils pouvaient s’y opposer ! Qu’importe : le bretteur s’est mué en moraliste, goûtant au plus haut point que, chez nos bons vieux de France, l’esprit de sacrifice l’ait emporté sur l’esprit de jouissance.

C’est ainsi selon ces mots d’ordre et ces procédés que la macronie mène sa guerre sociale totale. Il ne faut rien lui céder.

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Article publié dans le numéro 1134 de « Royaliste » – 2018

 

 

 

 

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