La mort de Daniel Bensaïd me fait de la peine. Nos relations avaient pourtant mal commencé. Entre la Ligue et notre jeune mouvement, les affrontements étaient violents et Daniel nous révéla lors de son premier Mercredi qu’il avait été le rédacteur d’une brochure sur «Les bandes armées du Capital » qui nous dénonçait comme des adversaires particulièrement retors !

Nous avions ri de bon cœur, d’autant plus détendus que nous venions de discuter de ce qui nous séparait après qu’il nous ait présenté sa Jeanne (1). Une Jeanne d’Arc entre la légitimité et l’insurrection : telle fut sa dédicace. Pendant notre débat, il avait volontiers reconnu la réalité nationale mais privilégiait la lutte des classes alors que je défendais l’inverse. Mais Jeanne faisait le lien entre nous, à la fois dans l’ordre de la réflexion politique et dans les combats quotidiens : nous étions ensemble dans la rue contre la xénophobie, pour l’égalité, pour la justice sociale.

Daniel est revenu nous présenter deux autres livres et nous nous sommes retrouvés sur le pavé parisien à de nombreuses reprises – contre l’agression de l’Otan en Yougoslavie et dans tous les mouvements sociaux depuis 1995. Comme mes camarades, je respectais le marxiste et le marxologue et j’appréciais le philosophe, familier de Charles Péguy et de Walter Benjamin. Il restera pour nous une figure exemplaire de l’intellectuel militant.

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(1) Daniel Bensaïd, Jeanne de guerre lasse, Gallimard, 1991.

Article publié dans le numéro 962 de « Royaliste » – 2010

 

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