L’Elysée ne veut pas célébrer la victoire de 1918. L’Elysée ne veut pas de défilé militaire et refuse de rendre hommage aux maréchaux vainqueurs – parmi lesquels il manque le général de Castelnau. Pour justifier cet effacement, trois explications misérables :

La commémoration a été négociée avec l’Allemagne, sans que l’on sache ce qui a été demandé ou exigé par Angela Merkel, invitée de marque le 11 Novembre. Veut-on, une nouvelle fois, marquer notre soumission à Berlin ?

La Grande Guerre a été faite « par des civils que l’on avait armés », ce qui est le propre d’une armée de citoyens dont le patriotisme héroïque est une nouvelle fois noyé dans la compassion victimaire.  Comme s’il n’y avait pas un lien essentiel entre les soldats de métier et les appelés ! Comme si les officiers de carrière ne s’étaient pas exposés autant que leurs soldats : le colonel Goya (1) rappelle que, dans l’infanterie, un officier sur quatre a été tué au combat et que 102 généraux sont morts pour la France. Veut-on briser le lien étroit qui unit la nation et son armée qui est aujourd’hui composée de soldats de métier ?

L’hommage aux Maréchaux était impossible en raison du cas Pétain. Il était pourtant facile de retrouver l’allocution prononcée par le général de Gaulle à Douaumont pour le cinquantième anniversaire de la bataille de Verdun, le 26 juin 1966.

Evoquant le vainqueur de Verdun, le Général prononça ces paroles : « Si, par malheur, en d’autres temps, dans l’extrême hiver de sa vie et au milieu d’événements excessifs, l’usure de l’âge mena le Maréchal Pétain à des défaillances condamnables, la gloire que, vingt-cinq ans plus tôt, il avait acquise à Verdun, puis gardée en conduisant ensuite l’armée française à la victoire, ne saurait être contestée, ni méconnue, par la patrie ». Lisant jusqu’aux dernières lignes cette allocution, les communicants élyséens auraient pu constater que, trois ans après la signature du traité de l’Elysée, le Général déclarait que la France était « prête encore » à la coopération avec l’Allemagne dans une Europe appelée à se réunir tout entière.

Ce refus de célébrer la victoire de la France en 1918 exprime l’état d’esprit d’une classe dirigeante composée de personnages fort diplômés et cultivés mais qui sont plongés dans un total abrutissement quand il s’agit d’évoquer les pages glorieuses de l’histoire de France. On leur a seriné dans leur jeunesse que le nationalisme c’était la guerre et que l’Europe – confondue avec l’Union européenne – garantissait la paix. On ne leur a pas appris que les impérialismes allemand et autrichien étaient responsables du déclenchement de la guerre en 1914 et ils ont oublié que c’est la dissuasion nucléaire, non « l’Europe », qui a empêché une troisième guerre mondiale. Emmanuel Macron ne manque jamais l’occasion de répercuter les préjugés historiques à la mode, lorsqu’il ose affirmer que « la France était à Vichy » et lorsqu’il reprend la thématique débile du « retour des années trente » pour lancer sa campagne électorale.

Nous sommes confrontés à une oligarchie qui ne prend même pas la peine de théoriser son choix post-national. Il lui suffit de l’imposer, en l’enrobant au besoin de déclarations d’amour à la France. L’atlantisme est consubstantiel à cette caste et l’idéologie supranationale se conjugue à la gestion des intérêts immédiats dans la fascination pour un « modèle allemand » … qui n’existe pas (2).

Il est vrai que les marques de soumission à Angela Merkel, aussi écœurantes soient-elles, peuvent paraître dérisoires depuis que la Chancelière est entrée en agonie politique. Dans l’espoir irréaliste de sauver les apparences du « couple franco-allemand », Emmanuel Macron est maintenant tenté de partager avec l’Allemagne notre force nucléaire de dissuasion. C’est inacceptable. Ne le laissons pas effacer la victoire de 1918, ni celle de 1945. Ne le laissons pas partager avec les Allemands l’arme qui assure la protection ultime de notre vie.

***

(1)    Je rendrai compte du livre du colonel Goya, Les vainqueurs, dans notre prochain numéro.

(2)    En pages 6 et 7, ma présentation du nouveau livre de Coralie Delaume.

 

 

 

 

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3 Commentaires

  1. Peter Henri

    Il est inexact de dire que les responsabilités du déclenchment de la guerre incombent seulement aux impérialismes allemand et autrichien;, c’est une vison manichéenne digne de la pire tradition de la révolution française et de l’aventure napoléonienne qui s’en suit jusqu’en 1815 qui faillit t tuer notre pays.  » la France soldat de l’idéal  » se gargarise un Clémenceau, ah bon à combien de millions de morts ? . Le principal responsable du déclenchement de la guerre t d’abord la Serbie ou plus exactement ses s services secrets qui ont laissé faire, l’attentat sanglant qui en inaugure d’autres. ensuite c’est l’engrenage du à la volonté de revanche de la France de sa stupide guerre de 1870, de certains milieux russes follement bellicistes, de Poincaré, en visite à Moscou, qui a fait quoi? Les archives sont muettes la dessus, pourqoi? ?? l’attitude ambiguë de l’Angleterre vis à vis de la puissance navale allemande et aussi bien sûr de l’Etat major allemand qui avait des plans tout prêts d’invasion, comme nous en avions avions en 1870. et même en 14 . Ce discours des tort s univoques qui sous tend la guerre totale , la montée aux extrêmes  » analysée par R. Girard , que le général de Gaulle approuvait pendant la première guerre mondiale comme partisan de la victoire totale, a conduit presque mécaniquement à la catastrophe de la revanche atroce et à notre affaiblissement lamentable entre les deux guerres.De Gaulle a enfin compris à Reims en 1962 avec Adenauer qu’il fallait arrêter de suicider l’Europe. Cela n’ôte rien à la piété que nous devons avoir pour nos soldats, leur courage , leur dévouement, mais cela ne nous autorise pas à ne pas dénoncer les ravages de la mauvaise conception du patriotisme républicain prolongeant celui carnivore de la révolution française, profondément nihiliste pour notre pauvre pays, la terre de du Bellay et de Ronsard, d’un véritable patriotisme pieux , de piété rejoignant l’Eneide. . Ce patriotisme violent a été bien analysé par Jean de Viguerie dans « les deux patries. » . Rendre hommage à nos soldats oui, rendre hommage à nos dirigeants après tout issus de cette tradition révolutionnaire, non et non. En France un seul a sauvé l’honneur pendant la guerre : Briand et peut être secrètement Painlevé. Les autres je les … En Europe, Benoit XV a sauvé l’honneur de l’Europe, si mal compris encore aujourd’hui , même de trop de clercs devenus otages justement de cette ambiguïté mortelle…..

    • Bertrand Renouvin

      Sur les responsabilités allemandes et autrichiennes dans le déclenchement de la Grande guerre, deux mises au point récentes : celle de François Cochet dans son ouvrage « La Grande guerre », celle de Dominic Lieven : « La fin de l’empire des tsars ». J’ai présenté ces deux livres sur ce blog.

  2. René Fiévet

    Je profite de ce texte de Bertrand Renouvin pour évoquer cette sorte d’hystérie collective qui a frappé la France, ou plutôt les médias, à propos de la déclaration de Macron sur le Maréchal Pétain. Personnellement, je ne vois rien de scandaleux dans ses propos, qui ne sont qu’un rappel pur et simple de notre histoire, et qui ne constituent en rien un hommage particulier et solennel, d’ordre mémoriel, au Maréchal Pétain. De ce point de vue, il est très en retrait du Général de Gaulle dont le discours de 1966 était un véritable hommage au général Pétain de la Grande Guerre. Emmanuel Macron s’est voulu historien, et ce fut son erreur : on ne lui demande pas d’être historien, mais d’inscrire certains épisodes de notre histoire dans la mémoire nationale. Et pour cela, il lui faut être sélectif.
    A ce titre, la personne du Maréchal Pétain se présente sous la forme d’une équation impossible. Peut-on rendre un hommage solennel aux grands chefs militaires français (les Joffre, Foch, Castelnau, Franchey d’Esperey, Fayolle) en omettant Philippe Pétain ? Evidemment non ! Certes, mémoire et histoire sont deux choses différentes et ne font pas toujours bon ménage. Toutefois, pour qu’une mémoire nationale soit à la fois forte, vivante et durable, elle doit s’ancrer dans la vérité de l’histoire. Elle ne peut pas reposer sur le mensonge, l’omission et la manipulation. C’est tout le problème que nous avons avec le Pétain de la Grande Guerre.
    A mon sens, il faut résoudre ce problème par l’évitement. Il ne faut plus célébrer les grands chefs militaires, mais plutôt rendre hommage au Poilu. Laissons les chefs militaires à l’histoire, où ils ont toute leur place, et mettons en exergue, dans notre mémoire nationale, la figure emblématique du Poilu. Celle-ci représente deux avantages : elle permet de célébrer la victoire (car le vrai vainqueur de 14-18, c’est le Poilu, ne l’oublions jamais !), mais aussi de rendre hommage aux victimes. Cela correspond aussi très bien à l’évolution de notre société, beaucoup moins respectueuse des hiérarchies et des chefs, moins portée à célébrer les héros, et plus sensible au malheur des hommes. Faut-il le regretter ? Je ne pense pas : Le 22 août 1914, il y eut, en seule journée, 25 à 27 000 morts dans l’armée française. Un chiffre effrayant, invraisemblable, qui donne le vertige. De nos jours, on n’accepterait plus une telle violence, et c’est tant mieux.