Dans un admirable article publié par « Le Monde » du 15 décembre, Mona Ozouf explique pourquoi il faut faire entrer au Panthéon trois héros de la Résistance.

 

Les gloires de la Grande-Bretagne sont à Westminster alors que les Grands hommes de l’histoire de France sont à Saint-Denis, au Panthéon et aux Invalides. Tel est l’effet de nos tourmentes religieuses et politiques, qui n’ont pas épargné le temple de la Montagne Sainte-Geneviève : Mirabeau y entra puis sortit, comme Marat de ce lieu où la messe est tantôt célébrée, tantôt proscrite.

Mona Ozouf, qui rappelle ces guerres intestines, estime que nous vivons une époque apaisée qui devrait faciliter les entrées au Panthéon… mais qui complique les choix : « dans une société de plus en plus homogène, où toutes les autorités, prêtre, maître d’école, père de famille ont décliné, il est plus difficile encore de désigner et de reconnaître la grandeur ». Le rejet des hiérarchies conduit certains citoyens à faire campagne pour des Français modestes au nom d’une conception de l’égalité qui bannit les personnages et les actes exemplaires – sans prendre garde à la déification compensatoire des vedettes du sport et du cinéma.

C’est se tromper gravement sur les héros. Mona Ozouf reprend la définition de Régis Debray – le héros est un homme ordinaire qui accomplit des choses extraordinaires – et la précise : « le héros, en effet, n’est pas exempt de petitesses ordinaires ; mais il est celui qui obéit en lui à la part supérieure de lui-même ; en quoi il est un exemple, et une invite à chercher, en nous aussi, cette part supérieure ». Il faut donc défendre et promouvoir la faculté d’admirer. « Sans elle, écrit Mona Ozouf, ni éducation, ni même apprentissage possibles. Sans elle, nul dévouement à une cause quelconque. Et sans elle, peu de bonheur puisqu’elle est aussi une joie ». D’où la proposition de l’éminente historienne : faire entrer au Panthéon trois résistants, trois figures particulièrement exemplaires du combat contre l’Occupant : « La première, Geneviève Anthonioz de Gaulle (1920-2002), c’est bien sûr Ravensbrück, mais aussi ATD Quart Monde et le combat pour les déshérités : une figure de la fraternité. La deuxième, Germaine Tillion (1907-2008), c’est Ravensbrück encore, mais aussi, chez la grande anthropologue du peuple berbère, la recherche d’une commune humanité : une figure de l’égalité. Le troisième, Pierre Brossolette (1903-1944), c’est le suicide héroïque, mais aussi l’engagement sans faiblesse de l’intellectuel ennemi de tous les totalitarismes : une figure de la liberté ».

J’approuve, en suggérant qu’à ces trois héros on joigne Marc Bloch, combattant des deux guerres mondiales fusillé par les Allemands.

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Dans un article publié par Le Monde du 18 décembre 2013, Régis Debray suggère que Joséphine Baker soit portée au Panthéon :

« Des Folies-Bergère au suprême sanctuaire ? De la ceinture de bananes à la couronne de lauriers ? Profanation ! Le Front national accusera. Le burgrave gémira. La vertu hoquettera. Si le kitsch consiste, comme le dit Kundera, à  » se regarder dans le miroir du mensonge embellissant et – à – s’y reconnaître avec une satisfaction émue « , rien ne serait plus dépaysant, moins hypocrite et narcissique, que de hisser cette Américaine naturalisée en 1937, libertaire et gaulliste, croix de guerre et médaille de la Résistance, au cœur de la nation. Elle est à hauteur d’homme ».

Je signe pour Joséphine, moi aussi !

 

 

Article publié dans le numéro 1046 de « Royaliste » – 2013

 

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