Le Parti, la CGT et la Pologne

Jan 14, 1982 | Chemins et distances

 

Inutile d’y aller par quatre chemins : le général Jaruzelski, gauleiter de la Pologne, dispose en France d’une officine de propagande qui n’est autre que la direction du Parti communiste. Je n’écris pas cela par facilité polémique, mais pour constater un fait vérifié par chacune des déclarations de Georges Marchais depuis le 13 décembre. Quelles que soient les précautions de style, celui-ci justifie, jour après jour, la répression antisyndicale, l’interdiction des grèves, et la transformation de la Pologne en camp de travail par une junte militaire qui sert les intérêts d’une puissance impérialiste.

Tout y est. Aucun élément ne manque dans cette trahison consciente de tous les idéaux et de tous les intérêts que le Parti communiste est censé représenter. Depuis longtemps, nous savons que ce parti n’est plus révolutionnaire et qu’il n’a jamais incarné qu’une partie de la tradition du mouvement ouvrier. Depuis le 13 décembre il est évident qu’il a trahi ce mouvement et qu’ii bafoue la tradition ouvrière, comme autrefois sous Staline.

COLLABORATION

Oh ! Bien sûr, le Parti communiste – et la C.G.T., qui le paraphrase – ne manqueront pas d’enrober leur propagande pro-russe de considérations élevées. MM. Marchais et Krasucki avancent un sens des « responsabilités » qui vient à point nommé leur boucher les yeux et les oreilles. Ils ne voient pas la Milice, ils n’entendent pas les appels des ouvriers polonais. Et M. Juquin peut bien déclarer que « ça lui brise le cœur » : il se console aisément avec la perspective d’une bonne « normalisation », tandis que son Secrétaire général ne voit aucune trace d’intervention soviétique en Pologne. Donc la situation pourrait être pire, donc il faut accepter ce qui est : un général qui met fin au « chaos », et qui empêche, par sa paternelle présence, le déferlement des chars russes. C’est très exactement la thèse de la junte polonaise, qui reprend les arguments de toute politique de répression sociale et de collaboration avec une puissance « protectrice ». Dans sa mémoire collective, sinon dans celle de son Secrétaire général, le Parti communiste pourrait facilement retrouver des analogies avec la situation de la France occupée. Pourtant il persiste. Donc il se déshonore sciemment et définitivement.

Que les militants communistes qui liront ces lignes n’y voient pas la trace d’un « anticommunisme primaire ». Plus que d’autres, nous avons le droit de les écrire parce que nous avons toujours refusé de considérer les communistes comme des Français de seconde zone. Plus encore : pendant des années, nous avons espéré que le P.C. changerait, en allant jusqu’au bout de la politique de déstalinisation et de dé-russification qu’il avait amorcée. Certes, nous ne nous faisions pas d’illusions : le P.C. demeurait, sous son masque libéral, une contre société bureaucratique dans ses méthodes et totalitaire dans son esprit. Pourtant, il y avait des signes encourageants, qu’il était de notre devoir de souligner : la reconnaissance du pluralisme partisan en 1964, la désapprobation (du bout des lèvres c’est vrai) de l’intervention russe en Tchécoslovaquie, le rapprochement avec les communistes italiens, la critique publique de l’Union soviétique et la dénonciation du Goulag nous donnaient l’espoir que le P.C. irait toujours plus loin dans la voie de la libéralisation et de la… « nationalisation » de sa politique. Oui, nous l’espérions, ce qui était tout de même moins scandaleux que la volonté, sans cesse affirmée par la droite, d’exclure de la communauté nationale un cinquième de ses membres.

Depuis 1978, cet espoir n’a cessé de décroître. Après la rupture de l’Union de la gauche, il y eut les attaques grossières contre le Parti socialiste, qui firent du P.C. un complice objectif de Giscard d’Estaing. Puis l’approbation de l’intervention soviétique en Afghanistan, exprimée par Marchais depuis Moscou, et les campagnes racistes de l’hiver dernier. Pourtant, après le 10 mai, nous avons regardé sans indignation l’entrée des communistes au gouvernement puisque ces représentants d’un parti en déroute faisaient figure de simples comparses.

QU’ILS PARTENT

Depuis le coup de force de Jaruzelski, il n’est plus possible de considérer cette participation communiste avec détachement. Et cela malgré les déclarations très « libérales » de M. Le Pors. Celui-ci est au gouvernement sur ordre du Parti, il se reniera et le quittera quand le Parti lui en donnera l’ordre. Il n’y a donc aucun intérêt à conserver au gouvernement des hommes qui ne servent pas leur pays, mais les intérêts d’un parti redevenu l’allié inconditionnel de l’Union soviétique.

Que les socialistes ne se fassent pas d’illusions : le P.C. se sert du Pouvoir pour effacer sa défaite, mais il ne peut refaire son identité que contre la gauche socialiste. Cela signifie que le P.C. quittera le gouvernement au moment qui lui sera le plus favorable, en avançant la nécessité de « défendre les intérêts des travailleurs trahis par la social-démocratie ». Cette tactique est évidente : les socialistes ne doivent pas y prêter la main mais au contraire prendre les devants et écarter les représentants de ce parti déshonoré. Tout autre calcul serait à terme dangereux, en particulier celui qui consiste à penser que la présence communiste au gouvernement garantit la paix sociale. Mieux vaut déclencher la crise au moment où les socialistes bénéficient d’un large crédit, que de la subir au moment où les effets de la désillusion se feront sentir. Il y a plus grave encore : si F. Mitterrand conservait des ministres communistes, il démontrerait que le Président de la République n’est plus libre de ses choix, mais un homme soumis à un chantage inacceptable.

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Editorial du numéro 351 de « Royaliste » – 14 janvier 1982

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