Les atouts de la France – 2008

Avr 28, 2008 | Res Publica

Préparons nous à recevoir une bonne nouvelle : le « retour de l’Etat » devrait être bientôt annoncé par voie d’éditoriaux inspirés dans les quotidiens et magazines qui diffusent le prêt-à-penser.

Déjà depuis l’automne, des sommités – genre Nicolas Baverez – et des journaux au-dessus de tout soupçon (Le Figaro) expriment l’attente impatiente et parfois angoissée d’une intervention des Etats pour empêcher le déchainement des catastrophes bancaires, monétaires, alimentaires… C’est un bon réflexe mais nous savons bien qu’il n’y a pas de « retour » de l’Etat pour cette bonne raison qu’il n’était pas « parti ». Ni aux Etats-Unis. Ni en Chine. Et nous le voyons naître et s’affirmer en Russie. Ces Etats ne sont pas identiques au modèle européen de démocratie parlementaire stabilisée et symbolisée par un pouvoir arbitral – souvent respublicain-royal ou monarchique-respublicain. Mais le débat des prochains mois portera moins sur le mode de gouvernement, démocratique ou non, que sur la forme étatique en tant que telle.

L’Etat, sommairement défini comme puissance administrative légalement autorisée à organiser la nation, a été négligé et dénigré par les tenants de l’idéologie dominante depuis un bon quart de siècle. Ce rejet n’a pas empêché la puissance publique d’opérer, malgré le démantèlement engagé à partir de 1986. Evoquer le « retour » de l’Etat, c’est mépriser la formidable capacité de résistance de cette construction multiséculaire et des fonctionnaires qui ne se cantonnent pas dans la défense de leur corps et de leur statut.

Comme l’Etat est toujours l’Etat d’une nation, certains seront tentés de célébrer le « retour de l’Etat-nation ». Je n’apprécie guère ce concept qui peut laisser croire que l’Etat résorbe la nation. Il faut maintenir le jeu dialectique entre l’Etat, au sens administratif du terme, la nation, dans sa continuité juridico-historique et le pouvoir politique démocratiquement désigné.

Cela permet d’articuler les trois modalités de la souveraineté – populaire, nationale, étatique – et de mieux comprendre tout ce que la Constitution gaullienne comportait de positif, pour la théorie comme dans la pratique.

Cela permet aussi de saisir, hors de l’héritage étatique, les prodigieuses richesses de la France nation par rapport à d’autres nations plus récentes ou terriblement bousculées par l’histoire.

Cela permet enfin de reconnaître les formidables capacités du peuple français et cette volonté de vivre et de bien vivre qui le rend capable d’échapper aux pesanteurs historiques et de surmonter les épreuves du moment.

Méditée ou spontanée, cette résistance aux malheurs s’achève souvent dans une révolution – je pense aux révolutions réussies du 20ème siècle français, celle de 1944-1946 et celle de 1958-1962.

Nous sommes depuis 1995 dans l’attente d’une nouvelle révolution, économique et sociale. Elle ne sera pas trop difficile à réussir grâce à nos atouts : une révolution politique déjà accomplie ; une Constitution certes maltraitée mais qu’on peut très vite rétablir ; des fonctionnaires qui seront, comme naguère, les relais efficaces de la renaissance à tous les niveaux et dans tous les domaines ; des capacités intellectuelles et des richesses matérielles que la plupart des pays étrangers nous envient.

Nous savons que tout est bloqué parce que, dans les milieux dirigeants, personne ne souhaite se faire l’agent de cette révolution. Il y a là une énigme. Les dirigeants de gauche – même lorsqu’ils disent que la France est en situation prérévolutionnaire – ont renoncé à mobiliser les classes moyennes et populaires ainsi que les intellectuels – généralement non médiatiques – qui ont déjà tracé le programme de la révolution espérée. Les dirigeants sensés de la droite s’en tiennent à la vulgate ultralibérale et consentent, résignés, aux destructions qu’elle engendre. Les insensés qui sont aux commandes depuis mai dernier lancent contre les droits sociaux des attaques d’une violence inouïe (la Carte Familles nombreuses) mais si mal préparées qu’elles sont suivies de retraits piteux. Pour les oligarques, cette guerre de classe est suicidaire mais le peuple français en subira les effets tant que personne n’aura le courage, le simple courage, de prendre en mains nos atouts et de relever le défi.

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Editorial du numéro 925 de « Royaliste » – 2008

 

 

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