Les couleurs nationales

Juin 20, 2011 | Res Publica

Ils font comme si la crise, en Europe et aux Etats-Unis, n’existait pas. A l’Elysée, nul n’ignore la situation dramatique de la zone euro mais on laisse faire. Au Parti socialiste, les présidentiables de l’aile droite vivent dans le déni de réalité puisque le programme officiel tient pour données de base le libre-échange et l’euro. La campagne électorale est conçue par rapport à Marine Le Pen : l’objectif de la droite est d’obtenir le résultat du 21 avril 2002 alors que la gauche veut évincer Nicolas Sarkozy pour triompher sans peine de la présidente du Front national. Personne, dans l’oligarchie, ne veut décider un changement radical de stratégie monétaire et commerciale qui marginaliserait l’égérie nationaliste.

Les « petits » candidats qui veulent affronter la crise par la sortie de l’euro et par la démondialisation sont marginalisés et parfois insultés – Alain Minc n’hésitant pas à les traiter de « connards ». Un mouvement social de grande ampleur, en écho aux Indignés portugais, espagnols et grecs, aurait donné du poids aux arguments des gaullistes et des socialistes patriotes. Mais le mouvement n’a pas pris et il faudra sans doute attendre la thérapie de choc postélectorale que préparent les oligarques de droite et de gauche pour qu’il y ait mobilisation générale.

Ce n’est pas une raison pour rester l’arme au pied. Il faut préparer le terrain en présentant les éléments du programme de redressement qui ont déjà été publiés dans nos colonnes et dans plusieurs ouvrages (1) tout en répliquant aux entreprises de récupération et de dénigrement.

Nous sommes confrontés à la récupération nationaliste. Marine Le Pen veut la sortie de l’euro et le protectionnisme tout en réclamant le durcissement de la législation xénophobe au nom d’une conception ethnique de la nation. Il est certes rentable de jouer sur les deux tableaux. Mais la présidente du Front national dénature le programme hétérodoxe par ses propositions simplistes et disqualifie par avance tout nouveau projet extérieur : on ne construit pas une politique étrangère sur un préjugé ethnique générateur de ségrégation et d’exclusion.

Nous sommes confrontés à l’hostilité des altermondialistes. L’attaque récemment portée contre les « démondialisateurs » par des membres de la direction d’ATTAC montre qu’il n’y a pas de compromis possible avec ceux qui haïssent les Etats nationaux (2). L’altermondialisme a échoué faute d’avoir pu inventer ce qu’il promettait : une alternative aux oligarchies occidentales, qui s’accommodaient fort bien de cette contestation confuse et inopérante qui rassemblait toutes les utopies, rouges et noires, qui ont échoué au siècle dernier.

Sur les trottoirs de la Bastille, lors de la tentative de lancement du mouvement français des Indignés, certains intervenants voulaient refaire le monde par l’autogestion, les monnaies locales, la solidarité internationale… Ces idées généreuses, source d’infinis bavardages, conduiraient à la violence si elles étaient appliquées parce que ces utopies libertaires et communisantes sont conçues dans la négation du système des médiations politiques. Il faut des Etats pour organiser l’internationale des nations, pour définir une politique monétaire, pour nationaliser les secteurs-clés, pour mettre en œuvre des plans de développement, pour organiser la juste répartition du revenu national.

Contre le repli nationaliste, contre les utopies mondialistes et altermondialistes, un nouvel internationalisme est à concevoir comme une coopération organisée par l’action concertée des Etats nationaux. Cette idée simple a l’avantage de correspondre aux mouvements révolutionnaires qui sont en cours : les différences sont fortes entre les révolutions arabes et les mouvements prérévolutionnaires européens mais en Tunisie, en Egypte, en Lybie… c’est le drapeau national que les foules insurgées brandissent, non le drapeau vert. En Espagne, en Grèce, au Portugal, en Islande, ce sont les couleurs nationales qui flottent, non les drapeaux rouges et noirs. Ne restons pas à l’écart de ces mouvements nationaux, démocratiques et populaires.

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(1) Outre le livre de Jacques Sapir présenté dans ce numéro, cf. Jacques Nikonoff, Sortons de l’euro ! Mille et une nuits, 2011.

(2) Cf. la réponse de Jacques Sapir publiée sur mon blog : https://bertrand-renouvin.fr/?p=3134

 

Editorial du numéro 994 de « Royaliste » – 2011

 

 

 

 

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