Mots clés
écologie, Emmanuel Macron, Eric Zemmour, frontières, immigration, référendum, souveraineté, traité du Touquet, travailleurs détachés
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Tout candidat à une fonction éminente publie la liste de ses priorités, à la manière d’un ménage qui dresse la liste des courses à faire avant de partir au marché. Tout est important, dans les priorités comme dans les achats à faire ! La différence, c’est qu’on peut acheter tout le nécessaire en une heure ou deux alors que les priorités économiques, sociales, environnementales… se chevauchent, s’opposent ou se heurtent à des obstacles imprévus quand on tente de les traduire dans les faits.
L’idée d’un référendum sur l’environnement lancée par Emmanuel Macron donne un exemple caricatural de ce type de débat. L’urgence écologique est ou devrait être une évidence mais l’inscription de quelques mots dans notre Constitution ne changera rien au cours désastreux des choses. Après avoir dénoncé cette manœuvre politique, Éric Zemmour relance dans Le Figaro le vieux projet de référendum sur l’immigration face à la menace djihadiste et au “grand remplacement”. Alors que l’écologie serait la cause préférée des classes privilégiées, l’immigration serait le problème fondamental des classes populaires reléguées dans la France périphérique.
Comme c’est simple ! Hélas, cette simplicité relève du même illusionnisme que le projet de référendum sur l’environnement. Car Eric Zemmour se garde bien de formuler la question qui serait soumise au référendum. Demander au peuple français s’il est pour ou contre l’immigration n’apporterait aucune solution concrète, quelle que soit la réponse apportée, aux problèmes sur lesquels on légifère depuis des décennies. Une question plus précise aurait quant à elle toutes chances de provoquer la colère des xénophobes ou des sans-frontiéristes, voire des deux camps.
Cette critique ne signifie pas que la question de l’immigration est à éliminer de la liste des urgences où l’on trouve aussi la protection sociale, l’Éducation nationale pour laquelle Jacques Chirac envisageait un référendum, la Défense nationale, la politique étrangère… Il faut donc s’entendre sur la question-clé : celle qui permet de définir l’axe politique autour duquel il sera possible de relever les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés.
L’immigration n’est pas cette question-clé. Ou alors, il faut nous expliquer comment la fermeture complète des frontières et le renvoi de nombreux étrangers permettraient de renforcer notre armée, de retrouver nos capacités industrielles, de compenser les effets économiques de la crise sanitaire, de parvenir au plein emploi, et, comme on dit, de “sauver la planète” ou encore de préserver notre identité rongée par l’américanisation. Cependant, il est tout à fait possible de réorienter dès à présent la politique de l’immigration en prenant, par exemple, deux mesures que nous avons proposées et qui auraient l’avantage d’avoir des effets immédiats :
La dénonciation du traité du Touquet, qui empêche les migrants de passer en Angleterre et les oblige à demeurer sur le territoire français dans des conditions d’extrême précarité ;
La dénonciation de la circulaire sur les travailleurs détachés, qui est en train de détruire l’artisanat français.
Il va presque sans dire que ces deux mesures impliquent une politique étrangère résolue, capable de faire prévaloir nos intérêts sur ceux de Grande-Bretagne, et d’imposer notre volonté aux organes de l’Union européenne.
Et ce ne serait qu’un début car une politique cohérente en matière d’immigration ne peut être conçue et mise en œuvre dans un système économique qui privilégie la réduction des coûts et qui a besoin du travail précaire pour fonctionner. Il en est de même pour ce qui concerne la politique de l’environnement, incompatible avec l’ultralibéralisme.
En France, en Europe, aux Etats-Unis, nous sommes arrivés à un point où toute solution partielle est inopérante parce qu’il y a conjonction de tous les facteurs de crise. Les sempiternels débats entre mondialistes et nationalistes, entre xénophobes et immigrationnistes, entre industrialistes et anti-industrialistes sont et seront de plus en plus inopérants. Il faut une organisation européenne continentale et une coopération internationale en matière d’environnement. Il faut une politique de la frontière, qui n’est ni celle de la muraille, ni celle de l’espace indéfini. Il faut une nouvelle politique de développement industriel et agricole, pour notre pays, pour l’Europe, pour l’Afrique…
Le véritable débat devrait porter sur une question primordiale : qui décide de l’urgence, en fonction de laquelle les actions nécessaires seront hiérarchisées et coordonnées ? Face à la classe dirigeante qui impose depuis bientôt quatre décennies son programme de dérégulation généralisée, il faut s’appuyer sur le principe de souveraineté qui est à réaffirmer dans tous les domaines – militaire, monétaire, industriel, financier, commercial, migratoire…
Plus facile à dire qu’à faire ? Il est vrai que nous sommes bloqués : toute solution partielle condamne à l’échec les organisations politiques qui combinent le réformisme et la radicalité verbale ; la politique de souveraineté qui apporterait une réponse globale n’est aujourd’hui défendue par aucune organisation capable de prendre le pouvoir. Il suffirait d’un seul pour fédérer les énergies latentes…
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Editorial du numéro 1201 de « Royaliste » – Décembre 2020
2 commentaires
22 décembre 2020 à 20:28
L’urgence absolue ne serait-elle pas de s’opposer à la dérive autoritaire du gouvernement ?
https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes-politique-france/prise-dotages-de-nos-libertes
J’avais été scandalisé par la sortie d’Olivier Véran à l’Assemblée Nationale, quand les représentants de la Nation firent mine de vouloir conserver un droit de regard sur la poursuite du confinement, ses modalités.
Vous êtes étrangement très discret quant à l’actualité politico-sanitaire !?
24 décembre 2020 à 9:28
Bonjour,
Ayant mis hier la main sur un livre de Giorgio Agamben – Etat d’exception-, j’ai interrogé votre blog pour voir s’il avait déjà été évoqué. Eh bien oui, par jacques Sapir en 2016 :
« Jacques Sapir : La question de savoir si un état d’exception constitue la « fin » du droit a été posée depuis que ce dispositif est entré dans les Constitutions. Agamben nous invite donc, à la suite de sa lecture de Walter Benjamin, à refuser de voir en l’état d’exception une poursuite du Droit. Il s’agit pour lui d’un espace de non-loi. C’est le contraire de la position de Carl Schmitt qui, quant à lui, réintroduit l’état d’exception dans l’espace des normes du Droit. Il y a dans d’Agamben une grande force. Il est en effet difficile de réintroduire du Droit dans ce qui le fonde sans tomber dans les apories métaphysiques du Droit Naturel. Cependant, la critique d’Agamben n’est pas elle-même exempte de faiblesse. À vouloir séparer à tout prix la vie et le droit, à prétendre que c’est à la politique seule de combler le vide restant, il s’expose à une autre critique. Si une décision exceptionnelle doit être prise, par exemple face à une catastrophe naturelle, technologique ou économique, sur quelle base pourrait-elle être contestée? »
http://www.bertrand-renouvin.fr/jacques-sapir-entretien-accorde-a-royaliste-version-longue/