La frénésie réformatrice de l’exécutif ne pouvait pas épargner nos institutions. Le texte présenté par le Premier ministre le 4 avril a d’abord été analysé par la presse comme une réforme plus symbolique qu’historique. Pas historique, c’est certain. Pas  symbolique, cela reste à voir. Les quotidiens L’Opinion et le Monde, qui se sont procurés l’avant projet de loi constitutionnelle transmis en Conseil d’État, n’hésitent pas à affirmer que les droits du Parlement vont être « bridés » et « contraints ». Les tenants de la rigueur budgétaire aiment tailler dans les effectifs. Les parlementaires n’y échapperont pas. Leur nombre sera réduit de 30 {9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}. La nouvelle répartition, a assuré Edouard Philippe, « se ferait dans des conditions qui garantissent la représentation de tous les départements et territoires », ce que conteste le président du Sénat, qui bataille par ailleurs ferme contre la limitation du nombre des mandats, également inscrite dans la réforme. Privilégiant la défense du  « bout de gras » des élus,  il joue au maquignon avec le  gouvernement. Le projet de réforme a d’ailleurs été analysé comme un subtil compromis entre la volonté de respecter les engagements du candidat Macron et la nécessité de trouver un accord avec le Sénat pour espérer une adoption par le Congrès et éviter le recours à la procédure, toujours périlleuse, du référendum.

« La copie doit être améliorée », s’est contenté de déclarer Gérard Larcher au Figaro. Son opposition devrait pourtant être totale contre un texte qui renforce un peu plus la primauté des députés sur les sénateurs en permettant à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur la dernière version du texte votée par elle », en cas d’échec de la commission mixte paritaire. Le  gouvernement se réserve même le droit de déclarer recevables, ou pas les amendements déposés par le Sénat. C’est l’esprit même du bicaméralisme qui est mis a mal avec ce projet .

Le rôle des députés n’en sort pas pour autant renforcé Pour s’arroger plus de pouvoirs, le gouvernement veut étendre le champ des textes qu’il peut inscrire prioritairement à l’ordre du jour, aux « textes relatifs à la politique économique, sociale ou environnementale déclarés prioritaires par le gouvernement ». Efficacité et rapidité devront guider le travail des parlementaires, qui devront légiférer davantage en commission. Le vote du budget sera réduit de 70 à 50 jours.  Le droit d’amendement n’est plus limité comme cela était prévu initialement, mais les amendements devront être en lien direct avec le texte proposé, et de « portée normative ».

Michel Debré avait introduit dans nos institutions le parlementarisme rationalisé. Emmanuel Macron invente le parlementarisme ratatiné.

D’autres dispositions du projet de réforme sont en contradiction avec notre modèle républicain de démocratie représentative : la possibilité de saisir par voie de pétition la Chambre de la participation citoyenne qui remplacerait l’inutile Conseil économique social et environnemental ;  la définition large de la responsabilité pénale des ministres qui pourraient être mis en cause pour leur inaction et jugés par des magistrats et non des politiques après la suppression de la Cour de Justice de la République.

L’introduction dans la Constitution de la notion de spécificités liées à l’insularité de la Corse, et du « droit à la différentiation » s’inscrivent dans le droit fil des remises en cause de la nation liées à la course à l’échalote européenne.

L’introduction d’une dose de proportionnelle ne mettra certes pas en cause la stabilité de nos institutions.  Mais ce n’est pas avec ce cache-sexe qu’on rétablira une vraie représentation de nos concitoyens, ce que permettrait, sans nuire à la stabilité des institutions, l’élection d’un Sénat à la proportionnelle.

La réaffirmation de la responsabilité gouvernementale donnerait pour sa part aux élus le pouvoir d’exercer pleinement leur rôle de représentants de la nation.

Nos institutions n’ont pas besoin d’être réformées pour donner les mains libres à un gouvernement poursuivant un projet européiste et libéral contraire aux aspirations et aux intérêts du peuple français.  Elles ont besoin d’être rétablies dans leur esprit tel qu’il a été défini en 1958 et en 1962.

Laurent LAGADEC

 

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2 Commentaires

  1. Gérard

    Comment ne pas être d’accord avec ce billet.

    La macronie est une accélération du mouvement, déjà vertigineux, de plongée vers les abîmes de la fusion européiste et oligarcho-libérale.

    Toutes les « réformes » du technocrate ambitieux qui a investi le pouvoir vont dans ce sens.

    Quel est le sursaut qui va véritablement permettre enfin à la France de retrouver sa souveraineté et son indépendance ?
    On se prend à douter tant les vents sont contraires…

  2. citoyenvsclient774

    Les députés seraient prôches du burn out nous dit on.Cela est bien possible si l’on considère le grand nombre de réformes émanant du gouvernement et qui nécessitent de la part des députés un examen sérieux et approfondi.Leur travail est considérable du fait du rythme effréné de la « REFORME »tous azimuts voulue par le président de la République.Cela tourne même au harcèlement quand on sait la piètre qualité desdits projets de réforme gouvernementaux.Le seul mot d’ordre des actuels dirigeants de la Vème République :énormément de travail pour très peu d’effets bénéfiques et de résultats donc.Nous pourrons apprécier ces résultats au cours des années à venir.Malgré ce surmenage des députés comme celui des personnels de Matignon (qui préfèrent même quitter le navire d’après ce que l’on sait…)nos gouvernants entendent réduire de 30{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} le nombre de députés dans un pays dont la population ne cesse de s’accroître!Cela est pour le moins paradoxal :les députés devront faire plus avec moins de moyens humains !Le redécoupage des circonscriptions est sans doute une motivation (électorale) du gouvernement destinée à faire de l’assemblée nationale une simple chambre d’enregistrement aux ordres du pouvoir exécutif….Peut-être que la représentation nationale est devenue la variable d’ajustement de la vie politique française ?Peut-être que la France est devenue un petit pays sans ambition tant sur le plan économique que sur le plan politique ne méritant pas une large représentation nationale au service de l’intérêt général et des citoyens?Peut-être que la gouvernance nationale pourrait se réduire au pouvoir exécutif tandis que la députation deviendrait négligeable ?Tout cela est évidemment contraire au texte et à l’esprit de la constitution de 1958.Les équilibres entre les pouvoirs seraient rompus :le pouvoir exécutif serait assez nettement renforcé au détriment du pouvoir législatif.Plus grave :la démocratie est condamnée à se réduire comme une peau de chagrin.La fracture entre les citoyens et leurs représentants nationaux serait aggravée.Le lien entre les territoires et la représentation nationale serait encore distendu.