Marine Le Pen : La rentière du malheur

Fév 27, 2012 | Res Publica | 2 commentaires

En octobre dernier, Gaël Brustier appelait au combat qui permettrait « d’en finir une bonne fois avec cette famille de rentiers du malheur que sont les Le Pen » (1). Bien vu ! La rente du capital familial permet de nourrir une ambition politique qui gonfle en même temps que les malheurs de la nation. De père en fille, la stratégie est la même : jouer le rôle du tribun de la plèbe. Le père voulait simplement jouir de la peur qu’il inspirait aux bourgeois de droite et de gauche mais ne désirait pas le pouvoir. La fille veut participer à un gouvernement dans quelques années sans rien renier de ses convictions nationalistes. La différence entre Jean-Marie et Marine, c’est que l’héritière a renoncé aux provocations verbales, pris ses distances avec le libéralisme économique et déployé un grand nombre de parapluies.

Marine Le Pen s’avance couverte de citations et parsème ses discours de solides références. Il y a du Paul Valéry, du Karl Polanyi, du Maurice Allais, du Marcel Gauchet … On invoque Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Jean-Luc Gréau…Lectures considérables ! Volant d’un auteur à l’autre, sautant des pages, elle a saisi le lien entre les thèses des économistes hétérodoxes et le patriotisme français et vu tout le parti qu’elle pourrait tirer du thème protectionniste et du rejet de l’euro, associés à une condamnation des élites. Il y a un an (2), voulant saisir la plus infime chance d’évolution, j’avais souhaité qu’on laisse Marine Le Pen exposer complètement son programme et qu’on le prenne au sérieux. C’est fait. Sous l’apparence d’une proximité avec des œuvres majeures, perce une classique manœuvre de récupération et de manipulation. Si l’on reprend une thèse, il faut accepter sa cohérence interne ou dire ce que l’on rejette. Si l’on cite un auteur, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’indiquer les points de désaccord. Marine Le Pen n’a pas cette honnêteté. Elle brandit sa panoplie de références pour enjoliver sa propagande extrémiste et lier dans un même programme nationaliste le protectionnisme et la xénophobie, la laïcité et la dénonciation de l’islam. Cette recherche d’une efficacité électorale maximale conduit à sacrifier la tradition française, l’intérêt national et les principes fondamentaux de la République.

Le droit du sol est inscrit dans la tradition juridique française depuis 1515. C’est le droit d’une France francisante, soucieuse d’associer toujours plus de citoyens à son projet historique. Le Front national veut supprimer ce droit au nom d’une conception ethnique de la nationalité qui assignerait définitivement l’étranger à son statut, avant qu’on trouve le moyen de l’expulser. Cet attentat contre la tradition républicaine serait facteur de violents affrontements politiques, d’insécurité sociale et d’affaiblissement démographique. Tant que Marine Le Pen ne se prononcera pas pour l’inscription du droit du sol à l’article 1 de la Constitution, nous la combattrons.

La préférence nationale est une illusion qui provoquerait le développement du travail clandestin comme l’a montré Jacques Sapir, que Marine Le Pen aime tant citer. Tant qu’elle ne renoncera pas à cette prétendue « priorité nationale », nous la combattrons.

La laïcité invoquée par le Front national ne sert qu’à l’offensive contre les musulmans. Tant que Marine Le Pen ne respectera pas la loi de 1905, conçue et appliquée dans un souci d’apaisement, nous la combattrons.

Le nationalisme ethnique est facteur de division et de haine dans notre peuple que Marine Le Pen dit vouloir protéger. La xénophobie est compatible – Sarkozy l’a démontré – avec les intérêts de la droite oligarchique qui redoute plus que tout le durcissement de la lutte de classe. Les partisans de la protection économique et de la sortie de l’euro démontrent les faiblesses des propositions de Marine Le Pen, et la récusent (3). Vouloir la guerre ethnoculturelle, c’est nier radicalement le souci politique et la possibilité, pour la France, de jouer un rôle majeur dans les affaires du monde.

***

(1) Cf. sa tribune : http://www.marianne2.fr/Marine-Le-Pen-vote-Montebourg-la-strategie-des-Possedees-de-Loudun_a211378.html

(2) Voir l’éditorial du n° 984 : « Une femme du 21ème siècle ».

(3) Cf. Jacques Nikonoff, La confrontation, Argumentaire anti-FN, Le Temps des Cerises, 2012.

Editorial du numéro 1008 de « Royaliste » – 2012

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2 Commentaires

  1. de Mezeray

    Après correction d’une faute d’orthographe et d’autres m’on sans doute échappé:

    Cher Monsieur,

    Je me permets ces quelques réflexions après la lecture de votre article.

    Le droit du sol dites-vous est inscrit dans la tradition française depuis 1515, soit, mais la tradition n’est pas comme le Coran auquel on ne peut changer une virgule!La situation a je crois changé depuis le règne de ce monarque qui ne brilla pas par son génie, elle est d’autant plus grave que ce peuple que l’on a rendu amnésique ne sait plus qui il est, qu’il a perdu ses repaires et tous ses “antivirus”, réduit à l’état pitoyable de consommateur.
    Ouvrons grandes les portes de ce pays et déclarons que tous ceux qui veulent s’y installer le peuvent, à quoi servira-t-il alors d’être français si la France et ses traditions auxquelles vous tenez disparaissent.
    Venez dans nos chères banlieues, j’y enseigne et vous comprendrez mieux alors que sans rejeter l’étranger en tant que personne digne de respect, l’on peut remettre en cause l’immigration massive qui sera bientôt économiquement et sociologiquement intenable. Ne peut-on de plus se poser la question des transferts de population et des remplacement des peuples si chers aux gouvernants communistes, au Petit Père des Peuples et à Tito entre autres ainsi qu’aux Chinois, confer le Tibet. Nous serons bientôt des Ouïgours et je suis bien triste en pensant à mes ancêtres vendéens et autres qui ont contribué à construire ce beau pays de France dont nous ne laisserons pas grand chose de bien aux générations qui viennent, nous ses usufruitiers gaspilleurs et ineptes.

    Regretter l’expansion de l’islam que je respecte tout à fait et je m’entends très bien avec certaines (surtout) de mes élèves musulmanes avec lesquelles je partage bien des idées, ne signifie pas que l’on soit islamophobe! Je pense seulement qu’ historiquement le catholicisme et je ne suis malheureusement qu’une catholique historique, a contribué à notre civilisation. Au Koweit, les députés nouvellement élus ont décidé d’interdire toute construction d’églises après avoir hésité à détruire celles déjà existantes. Je leur reconnais ce droit, ils savent qui ils sont et ce en quoi ils croient.
    Nous ne voulons pas d’un nationalisme post révolutionnaire, mais il n’est pas interdit d’aimer ce pays, son art, sa culture, son histoire et de les respecter pour ce sang de nos ancêtres qui coule dans nos veines. Si ce pays attire tant de monde, à part les avantages sociaux qu’il offre, c’est peut-être aussi parce qu’il fut grand. Savoir qui nous sommes et d’où nous venons sans agressivité, mais en étant sûrs de nous éviterait même les âges de fer et le sang versé. Oublions l’utopie des sociétés multiculturelles, les utopies se révèlent souvent meurtrières. J’attends que vous me citiez l’exemple d’une seule d’entre elles qui ait réussi et dans laquelle aucune des communautés n’ait pris l’ascendant sur les autres.

    Je regrette de vous voir réagir par l’anathème, la culpabilisation, la morale comme on le fait généralement dans cette société, plutôt que par la réflexion intelligente dont vous êtes habituellement plus coutumier. Ne pas adhérer au front national, ne pas accepter toutes ses idées ne signifie pas pour autant qu’il est interdit de réfléchir sans les rejeter a priori aux questions qu’il soulève. Evitons de jouer ce petit jeu trop répandu dans les cercles journalistiques et politiques manipulateurs, malhonnêtes et incultes, petit jeu qui vise à empêcher de penser. Ma ration quotidienne des émissions de France Culture me suffisent et lorsque je vous lis, j’ai envie de m’abreuver à une autre source!

    Une résistante de l’intérieur

    Vive le roi!

  2. admin

    Madame,

    Dans l’article que vous critiquez, je me suis placé ni sur la plan moral ni sur le plan religieux car je suis le porte-parole d’un mouvement politique qui respecte le principe de laïcité et la distinction des domaines politique et religieux.
    Le droit du sol n’est pas à respecter parce c’est une vieille tradition mais parce qu’il permet l’intégration rapide des étrangers. Abroger le droit du sol, c’est assigner pour toujours les étrangers à leur statut.
    Le thème de « l’invasion immigrée » ne tient pas devant devant les faits démographiques : les Français continuent à faire beaucoup d’enfants et les femmes immigrées manifestent d’abord leur volonté d’intégration en contrôlant les naissances. Je vous renvoie aux analyses d’Emmanuel Todd et aux publications de l’INED : on ne peut pas fonder une analyse politique et démographique sur une expérience personnelle.
    Je ne commenterai pas vos opinions sur le catholicisme et l’islam. Notre point de vue laïc nous interdit tout engagement pour ou contre une religion. A « Royaliste », nous nous efforçons simplement de mieux faire connaître les sociétés différentes de la nôtre et de présenter les débats entre théologiens. Vous trouverez sur ce blog quelques échos de ce travail.
    Je reste attentif à vos commentaires.

    Bertrand Renouvin