Non à la guerre d’Obama !

Déc 6, 2009 | Chemins et distances

Le président des Etats-Unis a décidé d’envoyer trente mille hommes supplémentaires en Afghanistan. Il s’agit de finir le travail. L’expression favorite de George W. Bush est abjecte : la guerre n’est pas un « job » comme un autre. Elle signifie que Barack Obama est dans la logique de son prédécesseur -celle de l’imbécillité meurtrière, couronnée de surcroît par l’attribution d’un prix Nobel de la Paix.

La guerre des Américains en Afghanistan est perdue. Le constat est vieux de trois ans. Cette guerre est perdue parce que les Américains n’ont ni compris, ni aimé l’Afghanistan. Ils agissent comme s’ils étaient partout en territoire ennemi. Ils bombardent et tirent aveuglément, provoquant la haine de la population.

Cette stratégie absurde trouve son origine dans une absurdité : détruire des groupes terroristes avec les moyens employés lors de la guerre du Vietnam, au lieu de les éliminer par les actions spéciales. Or nul n’ignore que les hommes d’Al Qaeda ne sont qu’une petite composante de l’insurrection.

La défaite des Américains n’est pas seulement due à leur bêtise militaire : elle tient au fait qu’ils n’ont pu établir en Afghanistan un gouvernement légitime. Incapable de lutter contre la corruption, soutenu par les pires seigneurs de la guerre, Ahmed Karzaï a été réélu dans des conditions qui affaiblissent encore son autorité (1).

Face à l’échec politique et à la défaite militaire, le président des Etats-Unis tente de réagir par l’afghanisation du conflit sous l’égide du général McChrystal. L’objectif annoncé est l’effet des échecs antérieurs : les Américains veulent confier à un pouvoir totalement discrédité la gestion (j’emploie ce mot à dessein) d’une guerre civile qui va s’élargir et s’intensifier lorsque les troupes étrangères auront quitté le pays. Dans l’immédiat, Barack Obama a placé le commandant en chef américain dans un piège : il envoie des troupes fraîches et annonce une intensification des combats mais déclare en même temps que le mouvement de retrait aura lieu dans 18 mois. Passer à l’offensive pour battre rapidement en retraite : voilà qui va inciter les insurgés à attendre que passe le gros de l’orage et ceux qui pactisent avec le gouvernement à réviser leur position…

Comment les Américains peuvent-ils réussir en 18 mois ce qu’ils ont raté depuis leur arrivée à Kaboul en 2002 : une armée nationale dévouée à un gouvernement légitime, la conquête des cœurs, le ralliement des insurgés, l’élimination des terroristes – sans oublier la destruction des bases ennemies au Pakistan ? Grâce à une conduite intelligente des opérations (selon les prescriptions des stratèges français) il faudrait plusieurs années, voire une ou deux décennies, pour obtenir au prix de combats meurtriers une relative stabilité politique et militaire. Dans 18 mois, le président des Etats-Unis sera confronté au choix qu’il a repoussé : partir dans l’humiliation ou s’enfoncer dans le bourbier.

La France, l’Armée française, le peuple français sont pris dans ce piège sanglant. Il ne fallait pas s’engager militairement dans ce conflit mais agir en vue d’une solution politique. Or Nicolas Sarkozy a transformé nos soldats en supplétifs des Américains dans une guerre dont il n’a discuté ni la conduite, ni les objectifs. A West Point, le 1er décembre, Barack Obama a mis la France et les autres membres de l’OTAN devant le fait accompli : nous sommes dans le piège, nous allons nous y enfermer plus encore en envoyant de nouvelles troupes. Il est vrai que le supposé président n’a pas encore donné de réponse ferme. Mais il n’a pas opposé le refus catégorique qu’il exprimait voici peu : il s’agit de préparer une opinion massivement hostile à l’envoi de troupes supplémentaires à une décision positive qui sera prise en janvier…

A moins que, dès le début de l’année prochaine, les partis et mouvements d’opposition appellent les Français à descendre dans la rue.

***

(1) Pour une analyse complète, cf. Jean-Dominique Merchet, Mourir pour l’Afghanistan, Ed. Jacob Duvernet, 2008, ainsi que les études de Michel Goya et de Jacques Sapir consultables sur mon blog.

 

Editorial du numéro 959 de Royaliste – 2009.

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