Opérations de propagande

Avr 12, 2009 | Chemins et distances

Le métier de citoyen – le vôtre, le mien – est difficile à exercer et la communication médiatique complique le travail d’information préalable au discernement. Notre attention est attirée par deux pôles antinomiques et nous risquons de vivre dans un clivage permanent qui augmente l’angoisse individuelle et collective. Nous en avons fait l’expérience début avril lors des sommets du G 20 à Londres et de l’OTAN à Strasbourg.

D’un côté le calme et les sourires des patrons de la « gouvernance » civile et militaire. De l’autre la colère des manifestants.

D’un côté les commentaires enthousiastes des journalistes qui célèbrent des mesures aussi fortes qu’inespérées face à la crise puis l’unité retrouvée de la « famille occidentale » sous l’égide de l’intelligent, du séduisant Barack Obama. De l’autre, la prolifération des dépêches concernant les fermetures d’usines, les retraites dorées des grands patrons et de rares évocations de l’échec de l’OTAN dans les Balkans, dix ans après la guerre d’agression menée contre la Serbie et le Monténégro.

On nous dira que le monde ne s’est pas fait en un jour et que la relance de la mondialisation heureuse demandera une ou deux années. Patience ! Confiance ! Le FMI a reçu 1 000 milliards de dollars pour lutter contre la crise… L’’OTAN va se réformer grâce à l’arrivée de militaires français… Dans tous les cas, il est inutile ou fâcheux de déranger les grands de ce monde qui sont à la manœuvre, de contredire les experts de la banque, de la bourse et de la stratégie militaire.

Qui croire ? Que faire ? Début avril, en pleine euphorie médiatique, beaucoup de citoyens ont sans doute été tentés de s’en remettre à la providentielle « gouvernance » – si sereine face à la négativité des altermondialistes et aux violences des anarchistes.

La force des médias, c’est la production de ces grands spectacles qui sont littéralement sidérants. Leur faiblesse, c’est de changer constamment de sujet afin de maintenir l’attention du téléspectateur en éveil. De réelles opérations de propagande en faveur du FMI et de l’OTAN seraient peut-être efficaces si elles s’étalaient sur toute l’année. Les pulsions de la communication sont inscrites dans le temps bref de l’événement. Nous subissons tous la forte attraction du pôle médiatique mais, de Londres à Strasbourg, elle n’aura produit ses effets que quatre jours. Quatre jours d’existence clivée, de doutes sur la « réalité vraie », d’angoisses provoquées par la difficulté à discerner l’essentiel et l’accidentel dans la masse des faits et des images.

Mais quatre jours seulement sur un mois ! Les citoyens que nous sommes ont eu le temps de retrouver des repères. Sous réserve d’inventaire complet, je vois cinq motifs d’inquiétude et de colère :

Le G 20 n’a rien dit de la crise monétaire qui menace : dans une zone euro en voie d’éclatement, nous risquons d’être les spectateurs et les victimes d’un jeu qui se déroule entre les Etats-Unis et la Chine ;

Si le FMI prête de l’argent aux pays en difficultés à condition que le gouvernement diminue le salaire des fonctionnaires, comme cela continue de se faire sous l’égide de M. Strauss-Kahn, la crise continuera de s’aggraver – faute de demande suffisante ;

La chasse aux traders et la dénonciation des paradis fiscaux laissent entier le problème des actifs toxiques : début avril, le FMI estimait qu’ils représentaient 4 000 milliards de dollars, soit le double de l’estimation faite… fin mars. On ne connaît toujours pas précisément l’ampleur de la catastrophe financière et le G 20 s’est bien gardé de préconiser la nationalisation du crédit – seul moyen de la juguler.

La dénonciation (hypocrite) du protectionnisme prouve enfin que le G 20 continue de croire que le remède à administrer de toute urgence est une maladie.

Quant au retour complet dans l’OTAN, nous vérifierons bientôt qu’il ne se passe rien à Norfolk et à Lisbonne – là où on envoie des officiers français comme pour s’en débarrasser – et que le président des Etats-Unis restera maître du jeu avec le soutien de M. Rasmussen, atlantiste inconditionnel que Nicolas Sarkozy a laissé élire au secrétariat général de l’organisation militaire américaine.

Soumission aux événements et aux puissants, dans tous les domaines. Ne nous laissons pas faire !

***

Editorial du numéro 946 de « Royaliste » – 2009

 

 

Partagez

0 commentaires