Pharaon le Petit – Nicolas Sarkozy 2006

Jan 15, 2006 | Res Publica

Nicolas Sarkozy n’a pas – n’a jamais eu de pensée politique. Il serait donc absurde de le créditer d’une quelconque réflexion sur notre Constitution.

Le président de l’UMP s’est contenté de lancer quelques formules destinées à montrer, dans tous les domaines, sa volonté de rupture. Le candidat à la présidence rompt effectivement avec la conception gaullienne mais ce serait trop lui accorder que de le ranger parmi les antigaullistes.

Il y avait naguère des antigaullistes raisonnés, qui défendaient le régime présidentiel ou le régime d’assemblée contre la monarchie élective instituée entre 1958 et 1962. Nous rejetions leurs arguments, sans nier que ces doctrines constitutionnelles puisaient loin dans l’histoire. Et puis il arrivait que les plus farouches des opposants aux institutions de la 5ème République en viennent à reconnaître la raison d’être de la 5ème République – qui leur permit de demeurer longtemps aux affaires. Ainsi François Mitterrand et ses amis socialistes…

Nicolas Sarkozy ne peut pas être rangé parmi ces antigaullistes parce qu’il ne peut s’opposer à ce qu’il ne connaît pas ni défendre ce dont il se moque : la tradition gaullienne authentique – le contraire du chiraquisme – la tradition de la droite parlementaire, respectueuse de la séparation des pouvoirs, la tradition de la gauche républicaine qui se réfère à un système de représentation nationale faiblement arbitré.

Plus de deux siècles de débats et d’expériences parfois tragiques sont aujourd’hui ignorés, ce qui n’est pas seulement fâcheux pour le candidat déclaré : comme pour la plupart des oligarques, son dédain pour les idées politiques est le signe d’un parfait mépris des citoyens appelés à voter en 2007. Le peuple n’est pas digne d’être invité au débat et, d’ailleurs, un candidat n’a pas besoin de débattre : il suffit d’une bonne« communication », sous forme de slogans efficaces.

Cette conception aristocratique de l’action politique se manifeste dans les inepties proférées par le président de l’UMP. « Plutôt qu’un président qui préside, je veux un président-leader » a-t-il fièrement déclaré. Etranger au lexique constitutionnel, le mot « leader » doit être traduit par chef – en l’occurrence Chef Suprême ou Lider Màximo si l’on tient à utiliser une langue étrangère.

De fait, la suite des propos de Nicolas Sarkozy montre que l’homme est partisan d’une présidence qui romprait totalement avec la lettre et l’esprit de la 5ème République : ce Chef Suprême devra en effet « s’engager non seulement sur les grandes options, mais aussi sur tout ce qui concerne la vie quotidienne des Français ». Cette capacité d’intervention illimitée fait craindre un présidence omnipotente et omnisciente qui détruirait notre architecture institutionnelle, déjà sérieusement ébranlée par le quinquennat : Nicolas Sarkozy dit clairement que le président de la République ne doit plus être un arbitre et que les pouvoirs du Premier ministre seront ceux d’un chef de cabinet qui « coordonne » l’action du gouvernement au lieu de la diriger – sans que l’hypothèse d’une cohabitation soit un instant envisagée.

S’esquisse ainsi un régime autoritaire dont la nature est masquée par une extension fictive des pouvoirs de la représentation nationale – devant laquelle le chef de l’Etat pourrait s’exprimer. En outre, le Parlement se verrait reconnaître le droit d’ « adopter des résolutions. C’est-à-dire des textes de portée politique non normatifs ». Au mépris du peuple, s’ajoute le mépris des représentants de la nation, invités à faire des proclamations sans conséquences.

L’établissement de ce régime autoritaire impliquerait une réforme constitutionnelle portant sur l’article 5 (retrait de la référence à l’arbitrage) sur le premier alinéa de l’article 20 qui dispose que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » et sur l’article 21 (« Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement »).

Ayant fait sauter toutes les médiations, Pharaon le Petit disposerait alors des pleins pouvoirs sans que le peuple soit consulté sur cette dérive autocratique puisque le futur candidat a annoncé la suppression du référendum.

Inacceptable, le sarkozysme est cependant logique : seul un régime autoritaire peut réaliser le programme ultralibéral dans sa totalité.

***

 

Editorial du numéro 874 de « Royaliste » – 2006

 

Partagez

0 commentaires