Le rapport sénatorial de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure (1) est effrayant. Confronté à une menace djihadiste permanente, à l’agressivité des bandes de quartier, à la violence de l’ultragauche, trop peu nombreux et accablés par la procédure pénale, travaillant dans des locaux dégradés et avec des équipements usés, policiers et gendarmes subissent un épuisement physique et nerveux qui entraîne des démissions, des maladies psychosomatiques et des suicides. Grâce à leur hiérarchie militaire et à leur esprit de corps, les gendarmes résistent mieux que les policiers qui sont, quant à eux, confrontés aux faiblesses de leur formation initiale, au manque d’entraînement, aux conflits internes à la Police nationale, à la gestion inique des carrières et à d’épouvantables conditions de logement en région parisienne.

Comme la Police nationale est en relation avec une institution judiciaire délabrée et avec une administration pénitentiaire débordée, il est évident que tous les points de rupture sont atteints. C’est l’ensemble du système de protection des citoyens qui est en train de craquer, de même que l’ensemble du système de protection sociale, avec un personnel hospitalier qui est, lui aussi, trop peu nombreux et complètement épuisé.

A chaque manifestation de rue un peu voyante, à chaque rapport tonitruant, le gouvernement promet des réformes et injecte quelques crédits pour calmer le jeu. Mais c’est un jeu à la vie à la mort, qui se durcit. L’oligarchie, quel que soit son fondé de pouvoir, pratique l’injonction contradictoire. On fait de grands discours sur la « guerre contre le terrorisme » mais, hors paroles solennelles prononcées devant les cercueils des serviteurs de la patrie, on tient les hommes et les femmes chargés de la lutte concrète contre le djihadisme en parfait mépris. Mal équipés, mal protégés, mal logés, mal payés –  22 millions d’heures supplémentaires n’ont pas été payées aux policiers – on exige que les forces chargées de notre sécurité intérieure fassent toujours plus avec toujours moins. Ils n’en peuvent plus ? On compte sur leur dévouement au bien public et sur leur discipline.

Un pouvoir politique légitime peut demander aux policiers, aux juges, aux soldats, de se sacrifier pour le bien commun. Encore faut-il que les détenteurs de ce pouvoir se montrent bons serviteurs de ce bien commun et exemplaires dans leur comportement. Or la caste qui est aux commandes se sert des moyens de l’Etat pour détruire l’Etat par la réduction du nombre des fonctionnaires et par l’utilisation de techniques privées de gestion – étrangères par définition au souci de la res publica. Quant à l’exemplarité, elle n’est plus de mise. Emmanuel Macron et son épouse – qui n’est rien dans l’Etat- ne s’efforcent plus de cacher, comme leurs prédécesseurs, la jouissance que leur procure l’exercice du pouvoir, l’usage immodéré qu’ils font de leurs privilèges et leur mépris pour le commun des mortels.

La somme des injustices et des humiliations éprouvées dans l’ensemble de la fonction publique, qui s’ajoute aux injustices et aux humiliations subies par de très nombreux citoyens français, a provoqué jusqu’à présent des votes massifs de rejet, en faveur des populistes de droite et de gauche. Les faiblesses et les contradictions de la France insoumise, l’impasse lepéniste et le piétinement rageur de la droite façon Wauquiez reportent aux calendes grecques un grand règlement de compte électoral. Les défaites subies depuis septembre 2017 par les syndicats contestataires éloigne l’hypothèse d’un mouvement social assez puissant pour déclencher une grève générale.

Pourtant, de nombreux points de rupture sont atteints. Dès lors, la rupture effective peut se faire sous la forme d’un basculement généralisé dans la résignation. Elle peut aussi conduire à une insurrection pour la défense de la nation et le service de l’Etat, hors de tout cadre partisan et syndical, dans un contexte de désintégration européiste et de démondialisation. Il n’est pas dit que cela se fera. Mais il est nécessaire d’envisager cette possibilité et de se préparer à agir dans l’imprévu. Après tout, les Etats-Unis et une partie de l’Europe connaissent déjà des événements que, voici deux ans, les experts patentés tenaient pour improbables…

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(1)    Rapport disponible sur le site du Sénat.

Editorial du numéro 1149 de « Royaliste » – 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

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1 Commentaire

  1. Francois Gerlotto

    J’ai peur que la réaction la plus probable ne soit celle qui apparaît immanquablement partout où trois causes convergent : l’excès d’injustice, l’incapacité du pouvoir à agir (par faiblesse, par incompréhension, pas mépris…), la perte ou l’absence de cohésion nationale. Elle prend la forme de structures sociales « clandestines » de remplacement, destinées à protéger leurs membres, de qui elles exigent en contrepartie une fidélité sans faille. C’est comme cela que se sont créées les maffias dans l’Italie du 19ème siècle ; c’est un peu comme cela que fonctionnent de nos jours les réseaux des narcotrafiquants. Dans notre pays cela peut prendre aussi la forme du communautarisme avec tous ses dangers et ses aventures, surtout depuis qu’il peut s’appuyer sur des intégrismes religieux (salafisme, sectes américaines etc.) qui proposent un « manuel du communautariste » facile à apprendre et à appliquer. Ce serait la fin de notre nation.