Portugal : Un portrait du président Cavaco Silva – Mendo Henriques

Mar 14, 2016 | Billet invité

J’accueille avec plaisir et grand intérêt un article du professeur Mendo Henriques, de l’Université catholique portugaise, qui a bien voulu me confier la version française du texte publié initialement en portugais et que l’on trouvera sur cette même page. 

 

Le 9 mars, 2016 Cavaco Silva quitte le poste de président de la République portugaise. C’est un bon moment pour faire un bilan de son rôle politique de trente années

Je regarde le portrait présidentiel du prof. Cavaco Silva par un peintre à succès. Le tableau semble être une photographie et le personnage est photogénique. L’ancien président a dans sa main droite un stylo qui va écrire on ne sait pas quoi et la main gauche se pose sur deux livres : la Constitution de la République portugaise (1976) et La Richesse des nations, d’Adam Smith (1776). Un vieux et précieux encrier donne une note d’esthétique bourgeoise et un immense drapeau national portugais forme un fonds qui l’isole du monde. Nation, Constitution, la richesse, la plume et l’encrier. Le pouvoir est discret mais présent. Tout le reste – la réalité internationale, la langue et la culture, la nature et, surtout, les autres qui justifient qu’il y ait affaires d’Etat et République, ceux-là ne sont pas représentés. Ils sont littéralement obscènes.

Je ne doute pas que le prof. Cavaco Silva, cinq fois élu par le peuple et une fois vaincu, a endossé la révolution du 25 Avril. En 1974, le Portugal pluricontinental pouvait être riche, mais l’écrasante majorité des Portugais était pauvre. Contre la guerre, la pauvreté, l’analphabétisme, le manque d’infrastructures, l’émigration galopante et la mortalité infantile, le 25 Avril programmait les « 3 D » : décoloniser, démocratiser et développer. Presque un million de Portugais de l’Afrique ont été réintégrés; l’émigration a cessé; le système national de santé est né, l’éducation s’est démocratisée, on en a fini avec les «complexes Africains» et on  s’est mis en marche de convergence avec l’Europe. C’étaient les dix glorieuses années du général Eanes.

C’est dans ce contexte bénéfique que le prof. Cavaco Silva a été élu Premier ministre en 1984. Avec les gouvernements X, XI et XII, il a poursuivi la construction d’équipements : l’assainissement, les réseaux d’eau et d’énergie, les écoles et les hôpitaux, les installations culturelles, et en particulier les autoroutes. L’adhésion à l’Union européenne en 1986 semblait inévitable, mais a imposé un modèle de spécialisation économique au Portugal – tel le traité de Methuen de 1713, débattu  par Adam Smith – avec la promotion de secteurs économiques au détriment d’autres. Les pêches ont disparu, la marine marchande, une partie de l’agriculture, une grande partie de l’industrie traditionnelle, et la réparation des bateaux.

Les fonds européens – PEDIP I et PEDIP II, FEOGA – sont arrivés au fur et à mesure. On a fait la réforme fiscale de 1989. On a effectué les privatisations, en répartissant par des groupes nationaux les entreprises nationalisées dans la crise de 1974-75. La promesse de bien-être du 25 Avril a été poursuivie par une obstinée politique du béton qui, d’abord, a eu un effet multiplicateur sur l’économie. Le pont Vasco da Gama, le Centre culturel de Belém, le ANTT, TagusPark, l’organisation de l’Expo Universelle 98, seraient l’aboutissement de cette politique. Cavaco Silva, un homme de l’Algarve, a bien servi la capitale de la nation.

Cavaco Silva a cessé d’être premier ministre en 1995 et a perdu les élections présidentielles de 1996. Après, il a commencé à laisser tomber des avertissements sur ce qu’il a appelé le «monstre» qu’il a contribué à créer: une trop grande administration dans un pays où la société civile et les entreprises nationales étaient trop exiguës. Et aussi des avertissements que le Portugal était en train de diverger de l’Europe dans la richesse ; toujours la richesse qui est un moyen, et pas la prospérité ou la justice qui sont des fins et nécessitent de plus larges horizons.

Les gouvernements de Guterres (XIII et XIV) du PS ont suivi des politiques pro-cycliques, avec l’augmentation des investissements dans les travaux publics ; cependant, il n’y avait plus d’effets multiplicateurs. Lorsque l’iceberg de la corruption a émergé, Guterres est parti, déçu par ce qu’il a appelé le marais.  «Exilé» dans l’ONU dès 2005 il va peut-être accéder à la charge de secrétaire général en 2016. Barroso (XV) du PSD a déclaré « l’état de pénurie » national et a augmenté les impôts mais il a quitté son poste pour être président de la Commission européenne en 2004. Après le court gouvernement de Santana Lopes (XVI) José Socrates (XVII) du PS devient Premier ministre en 2006 et il préside à une augmentation exponentielle des dépenses et de la dette souveraine.

Cavaco Silva a été élu président en 2006. Le bilan du Portugal était décevant. Les dépenses publiques ont augmenté, mais pas la croissance; on avait la recherche scientifique mais pas de brevets : les exportations stagnaient ; l’instruction était déliée de la formation professionnelle ; la justice s’était dégradée. Dans cette ambiance de marais, la crise mondiale a déclenché la grande récession en 2008.

À la fin du gouvernement XVIII de José Sócrates et après des investissements successifs, le PIB moyen par habitant revenait à 70{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de la moyenne de  l’UE ; c’était revenir en 1974. La richesse avait été avalée par un endettement douloureux des familles, des entreprises et de l’État. Socrates partit en exil à Paris comme Afonso Costa, son homologue de la Première République.

On attendait alors un stimulus du prof. Cavaco Silva. Il aurait dû créer des ponts, appeler des gens, projeter le pays dans le monde de langue portugaise et en Europe. Rien de tout cela est arrivé. Seulement des discours de circonstance. Le stylo dans sa main droite n’a rien écrit. La promesse de la richesse n’a pas été accompagnée par une vision d’humanité, de citoyenneté, de justice, bref, de rêve d’un peuple. Le président Cavaco tombait dans une insignifiance monumentale. Je ne le critique pas isolément, mais je critique le Cavaco ou cavaquismo qui existe en chacun de nous.

Quand la dette a atteint les 120{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} du PIB annuel en mai 2011, les partis de l’arc de la gouvernance ont signé avec la Troïka un protocole d’accord pour prévenir la banqueroute. Le gouvernement de Passos Coelho (XIX), du PSD, a pratiqué l’austérité et ce fut une catastrophe. Les scandales de corruption ont continué et les banques BES et Banif ont déclaré leur faillite. Après un intermède du gouvernement de centre-droit en 2015, le gouvernement socialiste António Costa (XXI), avec le soutien du Bloc de Gauche et du Parti communiste, prend des timides mesures de remplacement du revenu des familles. Un point important : Costa ne cultive pas la haine, et il a invité Cavaco Silva pour son dernier Conseil des ministres le 3 mars, pour relancer l’économie de la mer.

Le 9 mars 2016 Cavaco Silva quitte le poste de président. Il ne laisse pas le Portugal comme le Titanic qui a coulé avec l’orchestre jouant, mais il le laisse comme le Tollan, un cargo qui a sombré dans le Tage, juste devant la Place du Commerce et qui est resté échoué pendant quatre années. Voilà ce qui arrive à ceux qui ne pensent qu’aux moyens sans se soucier des fins.

Mendo HENRIQUES

 

O retrato do presidente

Texto: Mendo Henriques · 8 Março, 2016

Estou a observar o retrato presidencial do prof. Cavaco Silva por um pintor de sucesso. O retrato é convencional, fotográfico nos pormenores e fotogénico no personagem. O ex-presidente tem na sua mão direita uma caneta que vai escrever não sabemos o quê e a mão esquerda assenta sobre A Constituição da República Portuguesa (1976) e A Riqueza das Nações, de Adam Smith (1776). Um tinteiro antigo e valioso dá uma nota de compostura estética burguesa enquanto uma gigantesca bandeira nacional forma um fundo que o isola do mundo. Nação, Constituição, riqueza, caneta e tinteiro. O poder é discreto mas presente. Tudo o mais – a realidade internacional, a língua como cultura, o ar livre e a natureza, e sobretudo os outros que justificam que haja estado e coisa pública, esses não são representados. São literalmente obscenos.

Não tenho dúvidas que o prof. Cavaco Silva, cinco vezes eleito pelo povo e uma vez derrotado, assumiu a revolução do 25 de Abril. Em 1974, Portugal pluricontinental poderia ser rico mas a esmagadora maioria dos portugueses era pobre. Contra a guerra, a pobreza, o analfabetismo, a falta de infraestruturas, a emigração galopante e a mortalidade infantil veio o programa dos 3 D’s, descolonizar, democratizar e desenvolver. Foram integrados quase 1 milhão de portugueses de África; cessou a emigração; ergueu-se um sistema de saúde, democratizou-se o ensino, terminaram os complexos africanos e convergiu-se com a Europa. Foram os 10 anos do General Eanes.

Foi neste quadro benéfico que o prof. Cavaco Silva rodou para a Figueira da Foz em 1984. Nos X, XI e XII governos, continuou a construção de equipamentos: saneamento, redes de água e energia, escolas e hospitais, equipamentos culturais e sobretudo autoestradas. A adesão à União Europeia em 1986 parecia incontornável mas impôs um padrão de especialização económica a Portugal — como o Tratado de Methuen — promovendo sectores à custa da destruição de outros. Foram-se as pescas, a marinha mercante, parte da agricultura, muito da indústria tradicional, e a reparação naval agonizou.

Os fundos europeus PEDIP I e PEDIP II, FEOGA chegavam. Surgiu a reforma fiscal de 1989. Vieram as privatizações que repartiram por grupos nacionais os bens nacionalizados em 1974-5. A promessa de bem-estar do 25 de Abril redundava na obstinada política do betão que, à data, teve um efeito multiplicador sobre a economia. A ponte Vasco da Gama, o C.C.Belém, o ANTT, TagusPark, a organização da Expo’98, tudo muito lisboeta, seria o culminar desta política. O algarvio Cavaco Silva serviu bem a capital do país.

Após o prof. Cavaco Silva deixar de ser primeiro-ministro em 1995 e perder as presidenciais de 1996, começou a deixar avisos sobre o que chamou o “monstro” que ajudou a criar: a administração demasiado grande num país em que a sociedade civil e as empresas nacionais eram demasiado exíguas. Começou a deixar avisos que estávamos a divergir da Europa em riqueza, sempre a riqueza que é um meio, e não a prosperidade e a justiça que são finalidades e que exigem horizontes mais largos.

Os governos do Eng.º Guterres (XIII e XIV) seguiram políticas pró-cíclicas, aumentando o investimento em obras públicas, mas já sem efeitos multiplicador benéfico. Quando emergiu o iceberg da corrupção, o eng.º Guterres foi-se embora, desiludido com o pântano e acabou “exilado” num cargo internacional em 2005. O Dr. Durão Barroso (XV governo) declarou o “estado de tanga” nacional e aumentou os impostos mas depois deixou o seu posto para aceder ao cargo de presidente da Comissão Europeia, em 2004. Após o curto governo do Dr. Santana Lopes (XVI) foi eleito o Eng.º Sócrates (XVII) que replicou as políticas do betão, aumentando o endividamento, com aumento exponencial de despesas.

Foi então Cavaco Silva eleito presidente em 2006. A despesa pública subira mas o crescimento descera. Os resultados eram frustrantes: investigava-se sem criar patentes: produzia-se sem aumentar as exportações; educava-se sem ligação com a formação profissional; cresciam os direitos mas degradava-se a justiça. Entretanto a crise mundial desencadeou a grande recessão em 2008.

No final do XVIII Governo de José Sócrates e após sucessivos investimentos mal formatados, regressávamos aos 70{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} da média do PIB per capita europeu de 1974. As riquezas foram engolidas por um endividamento penoso das famílias, das empresas e do Estado. O Eng.º Sócrates exilou-se para Paris, tal como o seu homólogo da I República, o Dr. Afonso Costa.

Esperava-se neste ambiente que o prof. Cavaco Silva apontasse caminhos, criasse pontes, chamasse pessoas, projectasse o país na lusofonia e na Europa. Nada disto se passou. Apenas discursos de contingência e de circunstância. A caneta ficou na mão direita sem nada escrever. A promessa de riqueza não foi acompanhada de qualquer visão de humanidade, de cidadania, de Justiça, de sonho para um povo. O prof. Cavaco foi caindo numa monumental insignificância. Não o critico propriamente a ele: critico o Cavaco ou o cavaquismo que existe em cada um de nós e de que temos de nos libertar.

De tal modo o endividamento cresceu que os partidos do famigerado arco da governação assinaram com a Troika, em Maio de 2011, o Memorando de Entendimento. O governo do Dr. Passos Coelho (XIX) foi o desastre que se sabe de austeridade. Continuaram os escândalos da corrupção e surgiram mais bancos rotos, BES, e Banif. E após um interlúdio governamental da PÁF em 2015, o governo do Dr. António Costa (XXI) com o apoio do BE e do PCP, está a tomar tímidas medidas de reposição dos rendimentos. Ponto importante: não cultiva ódios, pois convidou o prof. Cavaco Silva para o conselho de ministros sobre o Mar no dia 3 de Março.

A 9 de Março de 2016 o prof. Cavaco Silva deixa o cargo de presidente. Não deixa Portugal como o Titanic que se afundou com a orquestra a tocar mas deixa-o como o Tollan, encalhado, mais pobrezinho, mais nosso, mais encavacado. É o que sucede a quem só pensa em meios sem cuidar dos fins.

 

 

 

 

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