Nous avons souvent dit, à l’intention de l’extrême droite, que la nation devait être défendue contre le nationalisme. Il nous faut aussi souligner que l’internationale doit être pensée et construite contre le vieil internationalisme des socialistes et des communistes, qui subsiste dans la gauche d’aujourd’hui. La Deuxième Internationale a éclaté lorsque les partis socialistes ont voté, en 1914, les crédits de guerre. La Troisième Internationale a été dissoute par Staline en 1943 parce qu’il fallait mener contre l’Allemagne une guerre patriotique.

L’internationalisme des partis a cédé devant les réalités nationales. Cet échec n’a pas été assumé par la gauche, qui a reporté sur l’Europe des traités sa nostalgie des avant-guerres et fabriqué une mythologie pauvre du « dépassement » des nations. Oubliant que les Internationales socialiste et communiste invoquaient la solidarité ouvrière, le Parti socialiste a pactisé avec les idéologues du marché et les artisans du capitalisme financier tandis que la Gauche socialiste, animée par d’anciens partisans de la Quatrième Internationale trotskyste, tenait le discours du fédéralisme européen. La soumission des hollandistes aux organes européens est manifeste mais il faut aussi dénoncer le Front de gauche qui continue de plaider pour une « monnaie unique » de plus en plus destructrice des hommes et des sociétés.

La critique ne suffit pas. Il nous faut réfléchir à ce que pourrait être, après l’explosion de l’usine à gaz européiste, l’internationale des nations – car il ne saurait être question de repli nationaliste. L’Union européenne sera à reconstruire sous forme d’une alliance confédérale des Etats de notre continent ;  il faudra mettre au point un nouveau système monétaire européen articulant les monnaies nationales et s’accorder sur un traité de sécurité collective dont la France pourrait prendre l’initiative en sortant de l’OTAN. Cette Confédération aurait à concevoir des programmes de développement industriel et de coopération scientifique et technique, dans le souci d’une écologie authentique.

A l’échelle mondiale, il faudrait réorganiser les relations entre les Etats selon les principes énoncés dans deux textes fondamentaux. La Déclaration de Philadelphie (1) du 10 mai 1944 proclame que « le travail n’est pas une marchandise » ; elle stipule que tous les programmes économiques et financiers doivent être appréciés selon le principe de justice sociale ; elle affirme que les politiques nationales doivent viser le plein emploi, la participation aux « fruits du progrès en matière de salaires et de gains, de durée du travail et autres conditions du travail, et un salaire minimum vital pour tous ceux qui ont un emploi et ont besoin d’une telle protection.. » ; elle prévoit l’extension des mesures de sécurité sociale… Appliquer ces dispositions, c’est ruiner la mondialisation ultralibérale.

La Charte de La Havane (2) du 24 mars 1948 n’avait pas été ratifiée par le Congrès américain mais il serait urgent de reprendre ses principes, qui sont particulièrement utiles à notre temps : la prévention du chômage et du sous-emploi est « une condition nécessaire pour […] le développement des échanges internationaux, et, par conséquent, pour assurer le bien-être de tous les autres pays » ;  « les Etats membres chercheront à éviter les mesures qui auraient pour effet de mettre en difficulté la balance des paiements d’autres pays » ce qui signifie que la politique d’exportation à outrance est condamnée car l’équilibre des balances des paiements doit être préservé, au besoin par des « mesures de protection en faveur des Etats membres exposés à une pression inflationniste ou déflationniste extérieure. »

Un nouveau système monétaire international devrait être défini et installé, pour en finir avec les taux de change flottants et stabiliser les échanges…

Ce sont là des projets à long terme, qui exigent des ruptures fondatrices et qui n’iront pas sans affrontements, non-militaires, avec les puissances qui tirent parti du chaos mondialisé. La France peut jouer un rôle majeur dans la réorganisation de l’Europe et du monde, à condition qu’elle donne congé aux élites qui ont failli.

***

(1)  Cf. Alain Supiot, L’esprit de Philadelphie, Seuil, 2010.

(2) Cf. l’article de Jacques Nikonoff dans « Royaliste » numéro 964, page 4

Editorial du numéro 1039 de « Royaliste » – 2013

 

 

 

 

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4 Commentaires

  1. Jacques Payen

    Donner, en 50 brèves lignes, lumineuses, l’ossature éthique d’une refondation de l’Internationale des nations… J’avoue mon adhésion enthousiaste.
    Utopie contre utopie, cette flèche dans le ciel me parait davantage portée et porteuse que celle, éreintée, d’un prochain État d’Europe.

    Nb: ceux qui parmi nous ont une pratique de prière devraient intensément se mobiliser pour que syndicalistes, dirigeants de partis, élus, hauts-fonctionnaires, ministres, entrepreneur , citoyens, et hommes d’État auto-proclamés de notre pays lisent et méditent « L’esprit de Philadelphie » de M. Supiot.

  2. bouillot

    Tout cela est bien bon mais on n’est plus en 1943 ou en 1948.

    Ce n’est pas avec du vieux que l’on fait du neuf. A mon avis.

    • Jacques Payen

       » le passé est un prologue » La Tempête.

    • Gérard

      Nous sommes actuellement dans du vieux, dans de l’archaïque poussiéreux paré des plumes factices de la modernité. Impossible de faire pire !

      Ce n’est pas parce qu’une idée a été émise il y a plus de cinquante ans qu’elle est vieille pour autant.

      Notre pays a deux mille ans d’Histoire et certaines leçons pluri-séculaires sont toujours d’actualité.

      Combien de « brillantes » théories, fraîchement émises par nos politiciens bavards et reprises à satiété par des médias en quête inlassable de nouveauté, sont déjà obsolètes et promises à la momification…