Qu’est-ce qu’un noble ?

Nov 4, 1996 | la lutte des classes

Un historien américain bouleverse la représentation habituelle de la noblesse et détruit nombre de préjugés sur l’organisation politique et sociale de la France capétienne.

Noblesse. Le mot évoque une série d’images et d’expressions qui n’ont pas changé depuis les polémiques de la période révolutionnaire : la particule et le sang bleu, l’hérédité et le privilège, le château et la cour, la richesse et l’arrogance. Le tout identifié à la monarchie, alors que la noblesse fut abolie lors de la Nuit du 4 Août par des députés monarchistes qui placèrent leur révolution égalitaire sous l’égide de Louis XVI…

Etrangers à nos querelles et à nos préjugés sociaux, un historien américain a récemment publié un passionnant ouvrage (1) qui déplace le débat. Pour Ellery Schalk, l’histoire de la noblesse française n’est pas seulement celle des changements de son statut social : c’est sont concept qui se transforme radicalement à la fin du 16ème siècle.

Multipliant les références savantes, Ellery Schalk montre que dans sa définition traditionnelle, unanimement acceptée au Moyen Age et à la Renaissance, la noblesse ne se prouve pas par l’ancienneté, ni par la transmission héréditaire, ni par la possession seigneuriale, ni par la particule : c’est tout simplement un métier, celui des armes. Le simple fantassin est un gentilhomme, comme le cavalier, et parler de la noblesse c’est tout simplement désigner l’armée du roi.

Dès lors, l’appartenance à la noblesse ne se prouve pas par des signes, des titres et des terres, mais par une vertu qui n’est autre que le courage. Le noble, c’est l’homme d’armes qui a le courage de se battre pour le roi, donc pour la justice, ce qui implique la défense des pauvres et des faibles.

Cette conception méritocratique de la noblesse cède le pas, entre 1 600 et 1 650, à une définition héréditaire : celle-ci correspond à la volonté royale de ruiner le fondement éthique de l’autonomie de l’armée – afin d’éviter l’apparition d’une caste militaire, dangereuse pour l’Etat – et de mettre au service du pouvoir politique un groupe civil et militaire étroitement contrôler, mais comblé de distinctions honorifiques.

Décidément, l’authenticité, comme la nostalgie, n’est plus ce qu’elle était. Elle n’a même jamais été authentique.

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(1) Ellery Schalk, L’épée et le sang, Champ Vallon, 1996.

Article publié dans le numéro 673 de « Royaliste » – 1996

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