Reprise : du mensonge à l’aveu

Sep 19, 2011 | Economie politique

Dans le désordre des déclarations contradictoires, des intentions proclamées, des aveux troublants et des décisions annoncées, tentons de faire le point (1).

D’abord, on nous a menti. L’annonce de la « reprise » n’était qu’une opération de propagande. Quatre ans après le début de la crise financière, les plans de relance ont été insuffisants et les promesses de régulation faites par les puissants n’ont pas été tenues, parce qu’ils n’avaient pas l’intention de les tenir. Ils ont sauvé les banques, provisoirement – pas leur système.

Mais les mensonges des dirigeants, répercutés avec complaisance par les principaux médias, sont maintenant dévoilés par certains des acteurs du jeu suicidaire dans lequel les peuples sont entraînés. La première, Christine Lagarde a dit fin août l’urgence d’une recapitalisation des banques dans cette « phase dangereuse » où se trouvent placés les Etats-Unis et maints pays de l’Union européenne. Les innombrables dénégations qui ont suivi cet avertissement n’atténuent en rien la gravité du problème.

Autre aveu : celui de la commission de contrôle du budget grec qui a annoncé le 31 août que la dette était désormais « hors de contrôle ». Les rapporteurs ont été déclarés incompétents mais nul ne peut ignorer les chiffres qui démontrent l’échec des prétendus plans de sauvetage de la Grèce. La récession atteindra au moins 4,5{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} à la fin de l’année, le taux de chômage est supérieur à 15{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}, le pays est en révolte permanente. La BCE, le FMI et la Commission européenne n’en continuent pas moins d’exiger la destruction de l’économie grecque par voie de privatisations massives et la paupérisation du peuple hellène – sans vouloir reconnaître que leurs prescriptions creusent la dette et aggravent la récession. Face à cette folie, la Grèce devra tôt au tard faire défaut et sortir de l’euro.

Mais cette folie est contagieuse puisque la rigueur budgétaire continue d’être présentée comme le remède à l’endettement des Etats européens. C’est une imposture : à Madrid, à Rome, à Paris, on essaie seulement de calmer les agences de notation bêtement érigées en arbitres du jeu. Comme la rigueur provoque la récession, les agences ne seront pas contentes et les spéculateurs continueront de chercher, dans la catastrophe générale, d’ultimes sources de profit. Il faudrait donc marier la rigueur et la relance et rétablir la fameuse « confiance » de peuples qui ont parfaitement compris, depuis trois ans, qu’on les sacrifiait au sauvetage des banques. On peut équilibrer les formules dans les communiqués des gouvernements et des rencontres internationales mais les impasses se multiplient et les contradictions s’aggravent.

Le salut par les euro-obligations ? L’Allemagne n’en veut pas et l’agence Standard & Poor’s a annoncé qu’elle leur donnerait une note infamante faute de garanties suffisantes.

Le sauvetage de la zone euro par la Banque centrale européenne ? Le rachat massif d’obligations d’Etat, au mépris des règles européennes, provoque de graves dissensions marquées par la démission de Jürgen Stark, le très orthodoxe économiste en chef de la BCE.

L’issue fédéraliste sous la forme d’une « gouvernance » européenne ? Il faudrait changer les traités. Techniquement, cela prendrait des années alors que la zone euro ne passera pas l’hiver. Politiquement, c’est impossible car la crise de l’euro a dissipé toutes les illusions sur la solidarité européenne.

On s’efforcera donc de détruire les systèmes de protection sociale pour séduire les agences de notation et calmer la spéculation. A en croire les éditorialistes de cour, cela se fera en France après l’élection présidentielle, quel que soit le vainqueur. Ils ont raison de dire que la gauche saura comme d’habitude faire preuve de « réalisme » – ce qui signifie qu’elle se soumettra avec empressement aux volontés allemandes. Mais ils ont tort de considérer, à l’instar d’Alain Minc, que la sagesse des deux principaux syndicats garantit la paix sociale. La France, qui connaît des mobilisations massives depuis 1995, ne restera pas à l’écart du mouvement mondial de contestation radicale de l’ultralibéralisme.

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(1) L’éclairage quotidien de la crise est donné par le blog de Paul Jorion : http://www.pauljorion.com/blog/

Editorial du numéro 996 de « Royaliste » – 2011

 

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