Comment un officier français, catholique, petit-fils du maréchal Foch, a-t-il pu devenir lieutenant-colonel dans l’Armée Rouge, décoré par le maréchal Joukov en personne ?

Nous sommes en 1945, sur le front de l’Est, et du bon côté. Le maréchal Joukov décore un officier : « Tovarich Kapitaine Foch, sur l’ordre du maréchal commandant le premier front de Biélorussie, je te remets l’Etoile de l’Ordre de la Guerre patriotique ».

La scène paraît banale. Tout de même, la décoration que le héros de Stalingrad épingle sur la veste de l’officier est l’équivalent de la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur pour faits de guerre. Il faut que le tovarich kapitaine soit vraiment un soldat courageux.

Il l’est. C’est un officier de carrière, excellent tacticien, qui a permis aux tankistes russes de remporter une belle victoire sur une compagnie de SS. Mais le plus étonnant, c’est que cet officier est français, récemment évadé d’un oflag poméranien. Il ne parle pas russe, il n’est pas communiste et quand il franchit les lignes on se demande pourquoi les soldats de l’Armée rouge ne l’ont pas arrêté comme espion, ou du moins comme suspect. Mais Henry Fournier-Foch inspire confiance, les Russes l’adoptent et le respectent dès qu’il a pu leur montrer ses talents militaires.

Commence alors une étrange et passionnante aventure, racontée avec humour dans un livre qui a valeur de document. Après l’assaut victorieux contre les SS, le capitaine (de l’Armée française) Foch est intégré à l’Armée rouge. Il rencontre Joukov, qui se prend d’amitié pour lui, et relate ses conversations avec ce stratège chaleureux. Il découvre l’enfer nazi en libérant un camp de juives hongroises, devient le gardien des soldats de l’armée allemande en déroute – des officiers italiens, des Français de la division Charlemagne – et récupère des alsaciens et lorrains embrigadés de force par les nazis.

Mais le communisme, le stalinisme ? Pas en première ligne, ni dans les arrières immédiats du front. Le capitaine Foch raconte sa joie de pouvoir assister, en compagnie de catholiques allemands, à la messe dite par un père jésuite français… dans le temple protestant de Wugarten.

Le livre vaut par ces moments de grâce et parce qu’il nous fait apercevoir, grâce aux portraits de quelques uns de ses soldats, l’armée russe sous l’armée rouge et, sous l’uniforme, le peuple russe, courageux, désordonné, magnifiquement émouvant, toujours porté sur les boissons fortes – y compris sous forme pharmaceutique.

Henry Fournier-Foch sera finalement promu Podpolkovnik (lieutenant-colonel) mais ses amis ne cesseront de l’appeler Tovarich Kapitaine.

***

(1) Henri Fournier-Foch, Tovarich Kapitaine Foch, Souvenirs de guerre. La Table ronde, 2001. Préface de Michel Mohrt.

Article publié dans le numéro 780 de « Royaliste »- 2001

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3 Commentaires

  1. Béghin Bernard

    J’ai lu le livre et j’adhère complètement à cette analyse .
    Je rajouterai simplement ceci; le général de Gaulle proposa des
    aviateurs français pour combattre sur le Front de l’Est avec les
    Soviétiques , ce fut « Normandie Niemen » et le succès que l’on leur
    connaît, mais cet homme là , Henry Fournier Foch, s’est intégré
    de lui même dans ce milieu qui aurait pu lui être hostile,ou fatal,
    et , pourtant, il s’en est admirablement tiré. Je ne suis pas sûr qu’il en ait été remercié à sa juste valeur

  2. Maurris Karl

    Ce billet date de 2001 ; fichtre, que viens-je y faire ? C’est que, lancé par le plaisir de la découverte je me suis demandé ce qu’il était advenu de cette belle figure après guerre. Or, le web, impitoyable, rapporte que notre héros aurait été moins heureux dans le choix de son camp dans les années barbouzes. il aurait eu quelques faiblesses pour l’ O.A.S. ( N.B. l’article le donne pour responsable de l’O.A.S. de la région de Blois, alors que dans l’articulet joint on peut lire qu’il ne se disait pas lui-même comme ayant exercé des responsabilités, du moins à Blois…) cf http://adimad.info/galerie/FOURNIERFOCH
    Par ailleurs sur le site Babelio on relève ceci : « De retour en France, j’ai tenté d’obtenir pour [mes quatre amis] quelque récompense. Malgré mes efforts – j’étais redevenu un modeste capitaine de l’armée française, sans titres de guerre ! – le résultat fut maigre.
    Quant à moi, je ne serai pas en France davantage récompensé ni même remercié. Dans l’Armée Rouge, j’ai été promu commandant (major) puis lieutenant-colonel (podpolkovnik) ; j’ai reçu trois décorations (deux Drapeaux rouges, l’Ordre de la Guerre patriotique). Mon dossier, contenant brevets et citations russes, en même temps qu’un nombre de renseignements des plus divers, remis par moi à l’E.MA.-2e Bureau (section russe), le 28 juillet 1945, a disparu. »

  3. robinet inox

    après avoir lu cet article, je suis très fier d’eux et aussi de notre nation qui a pris part à cette bataille