Union européenne : les complices de la CIA

Déc 13, 2014 | Union européenne

Les révélations contenues dans la petite partie publiée du rapport sur la torture pratiquée par la CIA provoquent aux Etats-Unis un choc qu’on espère salutaire. A quand un rapport complet sur les complices européens des tortionnaires ?   

Marine Le Pen a perdu une bonne occasion de se taire lorsqu’elle a repris la fable du terroriste qu’il faut faire avouer « avec les moyens qu’on peut » pour sauver des centaines de vies. Michel Terestchenko (1) a montré que le cas évoqué ne correspond à aucune expérience concrète – l’exception à la règle étant inutile. C’est seulement quand le respect du droit devient l’exception et la torture le principe que les tortionnaires peuvent être relativement efficaces. Mais alors l’action anti-terroriste devient terroriste, dans les actes et dans l’intention puisque la torture vise à installer un régime de terreur, frappé d’une évidente illégitimité. La présidente du Front national a tenté d’atténuer la portée de sa déclaration en affirmant qu’elle évoquait des moyens légaux. Mais la torture fut légalement pratiquée sous la présidence de George W. Bush…

Plutôt que de tenter de justifier l’injustifiable, il serait urgent de mettre en évidence la complicité nouée entre certains Etats européens et les tortionnaires américains. Il est établi que la Pologne, la Lituanie et la Roumanie ont accepté l’installation sur leur territoire de prisons secrètes de la CIA – respectivement situées à Kiejkuty, Antavilas et Bucarest. Il est par ailleurs établi que plusieurs Etats membres de l’Union européenne ont permis à la CIA de mener ses interrogatoires dans leurs propres bâtiments : ainsi l’Allemagne, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, le Royaume-Uni… Les dirigeants de l’Union, qui donnent volontiers des leçons de morale, feraient bien de commander un rapport sur les crimes – enlèvements, séquestrations, tortures – commis sur le territoire des Etats précités afin que ceux qui se sont rendus coupables de complicité puissent être jugés.

Les dirigeants de l’Union européenne pourraient aussi demander au gouvernement des Etats-Unis pourquoi le centre de détentions illégales et de torture de Guantanamo n’a pas été fermé.  Ils pourraient demander pourquoi le Patriot act de 2001 n’a pas été aboli – cette loi antiterroriste crée notamment le statut de « combattant illégal » qui permet la détention sans inculpation et sans limites de toute personne soupçonnée de projet terroriste. Ils pourraient également s’assurer que tous les centres de détention de la CIA en Europe ont été effectivement fermés…

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(1)   Michel Terestchenko, Du bon usage de la torture – ou comment les démocraties justifient l’injustifiable, La Découverte, 2008 – et notre article dans le numéro 941 de « Royaliste ».

Article publié dans le numéro 1068 de « Royaliste » – 2014

 

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