Vichy, Londres et la France : un entretien avec la rédaction de « Royaliste »

Jan 29, 2018 | La guerre, la Résistance et la Déportation | 23 commentaires

 

Vichy, Londres et la France couvRoyaliste : Cela fait longtemps que tu dénonces dans nos colonnes le discours officiel sur la culpabilité de la France pour les crimes commis sur le sol métropolitain pendant l’Occupation…

Bertrand Renouvin : Moins que je ne le pensais ! Je n’ai pas réagi au discours que Jacques Chirac a prononcé le 16 juillet 1995. Cela tient au fait que « Royaliste » ne paraît pas pendant l’été mais aussi à la réserve que j’ai longtemps observée – et que nous avons longtemps observée à « Royaliste » – quant aux débats sur la Résistance et la Déportation.

Royaliste : Précise !

Bertrand Renouvin : Nous nous inscrivons dans la filiation gaullienne, nous nous voulons fidèles à l’esprit de la Résistance mais le passé tragique et glorieux de la France ne retentit pas chez nous de façon obsessionnelle. Nous ne nous sommes pas érigés en gardiens de je ne sais quelle « pureté » résistante et nous n’aimons pas qu’on joue aux Résistants dans le combat actuel contre Berlin, Francfort et Bruxelles. Alors, parfois, les sentiments de gêne, de malaise, à l’écoute des discours officiels sur l’Occupation restent muets, parce qu’on a peur de ne pas employer les mots qui conviennent, parce qu’on attend des réactions autorisées.

J’ajoute que j’ai toujours été soucieux de bien distinguer ma mémoire familiale et mon engagement politique et j’ai veillé à ne pas surcharger la Nouvelle Action royaliste d’évocations de la Deuxième Guerre mondiale. Ma bibliothèque personnelle sur la période 1939-1945 est d’ailleurs fort modeste et je mesure l’ampleur de mes ignorances quand je lis Jacques Sapir, Laurent Henninger et Jean-Philippe Immarigeon !

Royaliste : Pourtant, tu as fini par intervenir !

Bertrand Renouvin : Oui. Peu à peu, je me suis aperçu que le discours de Jacques Chirac en juillet 1995 avait officiellement fondé le nouveau discours sur l’Occupation, repris par Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre, répété à Auschwitz par Jacques Chirac le 27 janvier 2005, puis par François Hollande et Emmanuel Macron.  L’analyse des discours fait apparaître un durcissement de l’accusation portée contre la France : dans le discours chiraquien, il y a un « balancement circonspect » comme on dit à Sciences Po, qui fait encore la part belle à la France libre. Mais cette part s’est réduite au fil du temps et Emmanuel Macron affirme clairement le 16 juillet 2017 que Vichy, « c’était le gouvernement et l’administration de la France », accusant de lâcheté ceux qui contesteraient cette vérité « implacable, irrévocable ». Je suis donc intervenu à plusieurs reprises pour récuser les propos officiels et pour contester les conséquences juridiques que le Conseil d’Etat a tirées du discours présidentiel de 1995.

Royaliste : Jacques Chirac et ses successeurs ont-ils vraiment fabriqué cette « vérité » ?

Bertrand Renouvin : Il faudra attendre l’ouverture des archives pour savoir comment les trois textes que je récuse ont été fabriqués à l’Elysée. D’ordinaire, le président de la République fixe une ligne générale, les conseillers rédigent un texte que le président retouche et complète. Il est hautement probable que Jacques Chirac, François Hollande et Emmanuel Macron ne sont pas plongés dans les ouvrages savants et dans les archives inexploitées pour y découvrir la nouvelle « vérité » historique et la révéler aux Français. Ils ont senti l’air du temps et finalement accrédité l’opinion qui était devenue peu à peu dominante dans les médias.

Royaliste : Quels sont les signes de ce changement dans l’air du temps ?

Bertrand Renouvin : Dès 1947, Albert Camus dénonçait dans Combat « l’accusation générale » portée contre la Résistance et quarante ans plus tard Vladimir Jankélévitch écrivait dans « L’imprescriptible » : « demain la Résistance devra se justifier pour avoir résisté ». Au lendemain de la guerre, les rescapés de la Collaboration dénonçaient le « résistancialisme » et diffusaient les thèses de Paul Rassinier, le premier négationniste. Puis on inventa le « mythe des quarante millions de Résistants » pour s’en indigner et disqualifier la France combattante comme Pierre Laborie l’a démontré. Les grands médias, surtout ceux classés à gauche, ont utilisé Le chagrin et la pitié à partir de 1971 et ont pris au sérieux le mauvais livre qui faisait de Jean Moulin un agent soviétique. Il y eut le scandaleux procès médiatique intenté à Raymond Aubrac et de nombreux journalistes se donnèrent pour mission de révéler à la France son passé collaborationniste – comme si Pétain, Laval, Darnand et tant d’autres n’avaient pas été jugés et condamnés au terme de procès publics ! Des résistants douteux, des Français ignobles, une France pétainiste vautrée dans la Collaboration et de Gaulle inventant le mensonge d’une France résistante : telle était la pensée correcte à partir des années quatre-vingt. Le cinéma porte la trace des transformations profondes de l’esprit du temps : il suffit de comparer Bourvil et de Funès qui se jouent des Allemands dans La grande vadrouille, sorti sur les écrans en 1966 et Robert Lamoureux dans Mais où est donc passée la septième compagnie ?, film centré sur la déroute militaire de 1940, sorti en 1973 … et qui a eu un très grand succès en Allemagne.

Royaliste : Tu dénonces à la fin de ton livre une opération de blanchiment de l’Allemagne…

Bertrand Renouvin : J’ai beaucoup hésité avant d’écrire cette conclusion et il faudrait écrire tout un livre sur cette question. J’ai revu récemment Marie-Octobre. On y évoque les Allemands et la Gestapo tout comme on en parlait dans ma jeunesse. Depuis des années, on préfère parler des nazis comme si le peuple allemand et la Wehrmacht ne comptaient pour rien dans les crimes de guerre et dans les crimes contre l’humanité. La bonne Allemagne du prétendu couple franco-allemand ne saurait être soupçonnée ! J’ai voulu croire à la réconciliation franco-allemande. Mais nous devons aujourd’hui répondre à une double provocation : la brutalité allemande depuis que Berlin pilote l’euro et le discours sur notre culpabilité collective – celle de la France et des Français – qui fait ressurgir la culpabilité allemande pour les crimes commis en Europe entre 1933 et 1945.

Royaliste : Comme toujours, l’histoire a été retravaillée selon des enjeux politiques…

Bertrand Renouvin : …et comme toujours, sans le moindre complot, sans le moindre chef d’orchestre clandestin ! Des intellectuels veulent combattre le nationalisme pour dépasser les nations et ils s’en prennent à la nation française. Françoise Giroud, lance dans « L’Express » Le Chagrin et la pitié. Bernard-Henri Lévy, dans L’Idéologie française, publié en 1981, donne le ton pour plus de trente années. Des journalistes soucieux d’être dans la note ont suivi. Il y a eu des historiens complaisants pour les thèses à la mode qui ont glosé sur le passé vichyste qui ne passe pas… Tout cela s’est développé après le départ du général de Gaulle et surtout quand le parti européiste réunissant des élites de droite et de gauche a pris le dessus. Discréditer la Résistance, cela permet de ruiner le prestige des gaullistes et des communistes et d’en finir avec ce qu’on appelle le « roman national ». Jacques Chirac, liquidateur du gaullisme, profite de ce travail idéologique et lui donne en 1995 le statut de vérité historique. A sa suite, François Hollande et Emmanuel Macron piétinent l’histoire de France avec une audace d’autant plus grande qu’ils ne trouvent plus beaucoup de contradicteurs.

Royaliste : Dans son discours de juillet 2017, Emmanuel Macron dit que « tous les historiens » affirment que la France s’est rendue coupable de la déportation des Juifs.

Bertrand Renouvin : C’est faux. Mais Jean-Louis Crémieux-Brilhac est mort le 8 avril 2015. Il ne peut pas répondre. Mais Pierre Laborie est mort le 16 mai 2017. Il ne peut pas répondre. Et les rédacteurs de discours, comme les historiens du courant dominant, ne connaissent pas ou négligent l’œuvre à tous égards magistrale de René Cassin. Je ne suis pas historien de métier, ni juriste. Mais quand Jean-François Colosimo m’a demandé d’écrire un court texte sur Vichy, Londres et la France en juillet dernier, j’ai accepté de faire une mise au point, au sens strict : celle-ci n’apporte rien de neuf sur le plan juridique et aucune révélation historique. Dès le mois de mai 1940, il est acquis que Pétain a trahi la patrie et l’armée française au combat puis profité d’un coup d’Etat organisé par Laval. René Cassin donne à la France libre une démonstration implacable de l’illégalité de Vichy. Cette démonstration est ignorée ou enterrée par des considérations sur la conjoncture mais elle est irréfutée. Il faut donc la remettre sous le nez des accusateurs de la France.

Royaliste : Tu réaffirmes aussi l’illégitimité de Vichy…

Bertrand Renouvin : On ne peut pas dire que « Vichy c’est la France » sans avoir donné une claire définition de la France. Or les accusateurs se taisent sur ce point capital. Je rappelle que la France c’est une histoire et un droit – l’histoire d’un Etat national unifié et souverain qui s’est donné des principes juridiques fondamentaux. Vichy installe une tyrannie sur une nation démembrée, viole tous les principes du droit, supprime les libertés publiques dans la soumission immédiate à l’Allemagne. A Londres, le général de Gaulle est légitime à l’instant où il engage le combat pour l’indépendance nationale. C’est pour cela qu’il incarne la France et qu’il peut se proclamer à bon droit le garant du retour à la légalité constitutionnelle.

***

Entretien publié dans le numéro 1137 de « Royaliste » – 2018

 

 

 

 

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23 Commentaires

  1. Urvoy

    Cher Monsieur,

    Lecteur depuis un certain temps de votre blog, en train de lire votre Londres, Vichy et la France, je ne peux vous dire à quel point cette lecture est un baume. Non pas que le sujet soit gai, mais ce rappel parfaitement étayé des données du problème de la politique française des dernières décennies et de ce qu’il faut bien appeler sa trahison de la France est porteur d’espoir et d’avenir. Je suis moi-même le petit-fils d’un grand résistant, tué en 1944, et ne supporte plus cet effort très méthodique, et donc très suspect (à mon humble avis) de délégitimation de la France Libre. En moi-même, je fais le pari que cela n’aura qu’un temps, que la France reviendra et que tous ces gens devront rendre des comptes, au minimum devant le jugement de l’Histoire.

  2. Tanné

    Merci pour le livre très pédagogique. Une question: quelles furent les attendus et les conclusions des juges lors du procès Pétain ? En effet il est rare d’entendre évoquer les conclusions du procès Pétain par les historiens de cette période.

    Cordialement

  3. Maurris Karl

    Bonjour,
    Je viens de terminer la lecture de votre récent ouvrage et j’attends avec impatience les réactions qu’il pourra susciter.

    Très étonné de constater que le discours de Jacques Chirac était bien plus « balancé » [un terme qui fait réfléchir] que ce que la mémoire commune en aurait retenu. Cet étonnement vient soutenir le sentiment d’incompréhension qui est le mien depuis la généralisation incontestée de la vulgate de 1995.

    Un regret de détail : je ne crois pas que votre livre comporte une référence renvoyant au texte de ce discours de J. Chirac : auriez-vous prévu d’y consacrer spécifiquement un billet sur votre blog ?

    Je relève dans le présent billet reprenant l’interview avec Royaliste ceci : « Il faudra attendre l’ouverture des archives pour savoir comment les trois textes que je récuse ont été fabriqués à l’Elysée. » Avons-nous le temps !? Pourquoi déjà ne pas citer le nom de Christine Albanel qui était alors la plume de J. Chirac.

    Concernant la déclaration de 1995, je viens de remarquer que des personnes comme Pierre Lefranc et Odile Rudelle (?) avaient exprimé leur désapprobation : puisse ce blog servir aussi à rendre visible ces positions afin de mieux saisir les différents enjeux et points de vue.

    pour finir, non pas tant par un hareng de la batlique, mais par le film Marie-Octobre auquel vous faites allusion : je me souviens bien de ce film, mais apparemment peu de sa fin puisque wikipedia – si pauvre concernant « notre » affaire cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_Jacques_Chirac_du_16_juillet_1995_au_V{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}C3{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}A9lodrome_d{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}27Hiver- rappelle :  » Mais le traître est finalement tué par Marie-Octobre, qui appelle ensuite la gendarmerie, après avoir déchiré la confession que le traître a été forcé d’écrire.  » …

  4. Maurris Karl

    Suite à mon précédent commentaire et en vue de futurs développements, on peut déjà se reporter au texte du discours de Jacques Chirac, Premier ministre, du 16 juillet 1995 (François Mitterrand étant président) : http://www.lhistoire.fr/discours-de-jacques-chirac-du-16-juillet-1995

    Le même site propose une analyse de l’historienne Annette Wieviorka (http://www.lhistoire.fr/analyse-du-discours-de-jacques-chirac-du-16-juillet-1995) qui est intéressante à bien des titres, mais qui omet un rappel précis de la dimension juridique ( certes de peu de poids pour mobiliser une opinion).

    L’été dernier le journal Libération publiait un bref entretien avec un autre historien, Sébastien Ledoux. Commençant par
    une déclaration de mélenchon, l’article se termine par un rappel de la position de Robert Badinter qui qualifia les propos tenus par Jacques Chirac en juillet 1995 de «mots irréparables» ayant conduit à une «confusion», estimant que «nous, Républicains, nous n’avons rien à voir avec le régime de Vichy».

    A vous lire cette confusion serait le fait de libéraux qui n’auraient pas pris une part significative à la résistance. Je relève toutefois ceci : « L’entrée au Panthéon de René Cassin a cependant été décidée par Valéry Giscard d’Estaing (décret du 23 avril 1981). S’agissait-il après les controverses sur l’enseignement de l’histoire et la suppression des célébrations du 11 Novembre et du 8 Mai, d’inaugurer un nouveau septennat par un geste de mémoire et, par là même, de tenter de réinscrire le Président dans la tradition politique française d’une référence forte à l’histoire ? »
    Dixit Garcia Patrick, « Jacques Chirac au Panthéon. Le transfert des cendres d’André Malraux (23 novembre 1996) », Sociétés & Représentations, 2001/2 (n° 12), p. 205-222. https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2001-2-page-205.htm

  5. Maurris Karl

    Jamais 2 sans 3 (ceci sera mon dernier commentaire ici avant longtemps) : pourquoi maintenant ? Oui, pourquoi proposer en 2018 un texte qui revient sur un discours de 1995 (autant dire la préhistoire pour les digital natives) ? Pourquoi pas, par hasard, en 2012 , en 2005…? Vous n’en soufflez,explicitement, mot.
    Ne croyant pas devoir communier dans une critique anti-allemande monolithique, j’aimerais citer un encart d’Anne-Cécile Robert dans Le Monde Diplo de juillet 2017 (une publication familière aux lecteurs de Royaliste !?) : La Cour constitutionnelle allemande s’est toujours montrée très critique à l’égard du manque de démocratie des institutions européennes. Depuis 1974 elle a adopté plusieurs décisions énonçant qu’aussi longtemps que les droits fondamentaux ne seront pas effectivement garantis par la Communauté puis l’Union, la ratification de tout nouveau traité européen sera soumise au strict respect de la SOUVERAINETÉ DU PEUPLE ALLEMAND…La ratification du traité de Lisbonne en 2009 s’est ainsi traduite par l’adoption d’une loi garantissant les prérogatives du Bundestag et du Bundesrat.
    ???
    Sur ce, je pars en vacances.

  6. Maurris Karl

    M’en remettant enfin (?) au Bon Dieu plutôt qu’à ses saints, c’est sur le site de l’Élysée que je suis allé retrouver le texte du discours d’Emmanuel Macron, qui commence quasiment par « mon cher Bibi » (!): http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique/

    Que dit notre honoré Manu ?

    « Je récuse les accommodements et les subtilités de ceux qui prétendent aujourd’hui que Vichy n’était pas la France, car Vichy ce n’était certes pas tous les Français, vous l’avez rappelé, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France. »…

    « Mais à côté de ces héros, il y avait bien Vichy, il y avait bien l’Etat français. Car la France de l’Etat français ne se substitua pas en une nuit à la France de la IIIème République. Ministres, fonctionnaires, agents, responsables économiques, cadres, professeurs, la IIIème République fournit à l’Etat du maréchal PETAIN la plus grande partie de son personnel. Chacun alors entama son chemin vers l’obéissance active ou passive, ou vers la Résistance. »…

    « Et je vais vous dire pourquoi il importe de ne pas nourrir cette idée. Je vais vous dire pourquoi il faut toujours que nous ayons à l’esprit que l’Etat français de PETAIN et LAVAL ne fut pas une aberration imprévisible née de circonstances exceptionnelles.

    C’est parce que Vichy dans sa doctrine fut le moment où purent enfin se donner libre cours ces vices qui, déjà, entachaient la IIIème République : le racisme et l’antisémitisme. »

    Ou encore l’expéditif : « nous ne cèderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme »

    Jupiter cite Eluard ; que ne chante-t-il Aragon ? Trop communiste ? pourtant la Rose et le Réséda eut fait merveille .
    « le réséda, lui, est une fleur liée au racisme et à l’ostracisme ; son autre nom est la gaude, plante tinctoriale, dont on extrayait, depuis le Moyen-Âge, la couleur jaune….la gaude est appelée Herbo dei Jusions, car “elle donne la couleur jaune que les juifs étaient obligés de porter autrefois dans ce pays, » http://www.louisaragon-elsatriolet.org/spip.php?article656

  7. René Fiévet

    Karl Morris,

    Tout ceci montre qu’Emmanuel Macron, notre chef de l’Etat, ne sait pas ce que c’est qu’un Etat. C’est aussi simple que cela. En fait, il confond d’une part l’Etat, personne morale, et d’autre part l’appareil d’Etat, qui représente l’ensemble des moyens humains et matériels que met en œuvre un Etat pour exercer ses prérogatives souveraines. C’est ce que j’appelle, dans un de mes textes, une conception naturaliste de l’Etat. Effectivement, dans cette dernière conception, il n’y a aucune difficulté pour postuler la continuité entre la IIIème République et l’Etat français de Pétain : ce sont les mêmes fonctionnaires, ce sont les mêmes bâtiments, donc c’est le même Etat…

    Même si je ne devrais pas le citer en référence dans ce contexte (car il fut un antisémite, proche des idées de la Révolution nationale), le grand juriste Georges Burdeau a écrit une phrase célèbre : « l’État n’a qu’une seule réalité, et elle est conceptuelle. » Un Etat, c’est une idée. Et c’est sur cette idée que se fonde la citoyenneté, c’est à dire l’acceptation du monopole de la violence symbolique. De Gaulle, les gaullistes, et les résistants étaient des républicains, et ils n’ont pas accepté d’être les « citoyens » de l’Etat français de Vichy. L’Etat républicain, c’est une idée. Une idée intolérante, qui n’accepte pas la souillure.

    On a pu remarquer qu’Emmanuel Macron, pour sa photo officielle, a mis en exergue les Mémoires de guerre du Général de Gaulle. Le livre est ouvert, pour bien montrer qu’il l’a lu. Mais qu’a-t-il compris à ce livre, si intensément politique ? Citons ce passage d’anthologie, quand De Gaulle relate son arrivée à Paris le 25 août 1944. Il ignore superbement les résistants qui l’attendent à l’Hôtel de Ville pour se diriger directement vers le Ministère de la Guerre : « Immédiatement, je suis saisi par l’impression que rien n’a changé à l’intérieur de ces lieux vénérables… Dans la cour, un peloton de la garde républicaine rend les honneurs, comme autrefois. Le vestibule, l’escalier, les décors d’armures sont tout juste tels qu’ils étaient. Voici, en personne, les huissiers qui naguère faisaient le service… Pas un meuble, pas une tapisserie, pas un rideau, n’ont été déplacés. Sur la table, le téléphone est resté à la même place… Rien n’y manque, excepté l’État. Il m’appartient de l’y remettre. Aussi, je m’y suis d’abord installé. »

    Tout est dit. Mais que peut y comprendre Emmanuel Macron ? Il est encore jeune (à peine 40 ans), et il a été soumis depuis son enfance à cette vulgate mémorielle, et historiquement correcte, que nous subissons depuis maintenant 30 ans. Ce n’est pas de sa faute. Lors de l’intronisation de Macron, Laurent Fabius, peut-être avec une certaine perfidie, a cité une formule de Chateaubriand : « Pour être l’homme de son pays, il faut être l’homme de son temps ». Personne ne peut contester cette dernière qualité à Emmanuel Macron.

  8. René Fiévet

    Vraiment désolé: mon message s’adresse à Maurris Karl (et non Karl Morris). Aussi, au deuxième paragraphe, il faut lire « violence légitime », et non « violence symbolique ».

  9. Maurris Karl

    Étonné, honoré par votre interpellation. Et aussi troublé du fait de votre deuxième commentaire ; à cause du double lapsus dont il rend compte ( mais dont je ne saurais rien dire).

    Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous écrivez. Et j’ignorais tout de Georges Burdeau .

    Avant les élection présidentielles de 2017 Henry Rousso commentait des déclarations de Marine Le Pen à propos du Vel d’Hiv : https://www.huffingtonpost.fr/henry-rousso/le-pen-vel-dhiv-vichy_a_22034882/
    Ces commentaires glissent malheureusement un peu trop rapidement sur les considérations de droit constitutionnel, et de théorie du droit, mais ont l’avantage de rappeler l’importance des conditions d’énonciations de tout discours.

    C’était en 2017. Dimanche dernier, l’admirable Simone Veil et son discret mari étaient encryptés au Panthéon. Par hasard j’ai entendu quelques phrases de notre Président. Un ton insupportable de curé (pour le peu que j’en ai entendu) ! Où il fut de surcroit question d’un « vent mauvais »…???

    je profite du présent commentaire pour indiquer ici une récente décision du Conseil d’État que d’aucuns pourront (?) examiner au regard des décisions précédentes de cette institution. Le 13 avril 2018 le Conseil publiait une décision prise suite à la séance du 30 mars.

    Il y est rappelé ceci :
     » 4. Ainsi que l’expriment ces dispositions, la France libre et la France combattante et, par la suite, le Comité français de la libération nationale et le Gouvernement provisoire de la République française, ont été, à compter du 16 juin 1940, dépositaires de la souveraineté nationale et ont assuré la continuité de la République. Il s’ensuit que les documents qui émanent de ces institutions et de leurs dirigeants et représentants procèdent de l’activité de l’Etat et constituent, dès lors, des archives publiques.

    5. Est sans incidence à cet égard la circonstance que les faits et agissements de l’autorité de fait se disant « gouvernement de l’Etat français » et de l’administration française qui en dépendait engagent la responsabilité de la puissance publique, le débiteur de cette responsabilité ne pouvant être que l’Etat. N’y fait pas davantage obstacle la circonstance que doivent être regardés comme des archives publiques les documents procédant de l’activité politique et administrative de cette autorité de fait. »
    …???

  10. Maurris Karl

    Avec Dalloz, sur lequel on ne s’assoit que faute de mieux : « Rappelons que la Cour de cassation a jugé, de son côté, il y a quelques mois, que les documents de Philippe Pétain, « alors chef de l’État français » étaient des archives publiques. »

    https://www.dalloz-actualite.fr/flash/des-juin-1940-de-gaulle-etait-l-etat#.WzvSmboyXcs

    Il est curieux, piquant, scandaleux…que ni Dalloz ni la Cour de Cassation ne prennent de précaution dans l’usage de l’expression « l’État français ».

    Par une ironie de l’Histoire la décision de la Cour s’attarde particulièrement sur un tapuscrit de l’appel du général de Gaulle dont certains paragraphes ont été seulement cochés ou surlignés par Philippe Pétain ( sans annotation personnelle de P.P.) https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/217_22_36142.html

  11. René Fiévet

    Maurris Karl,
    (1) Je suis un peu décontenancé quand vous me dites que vous n’êtes pas sûr d’avoir tout compris ce que j’avais écrit. Je ne voulais dire qu’une chose : l’Etat est un concept, une idée. C’est une construction politique et morale qui est au fondement même de notre conception de la citoyenneté. Or, de nos jours, on a malheureusement tendance à confondre l’Etat avec ses seules manifestations tangibles. D’où mon exemple tiré des Mémoires de Guerre du Général de Gaulle.
    (2) Je viens de lire le texte d’Henry Rousso que je ne connaissais pas. C’est un texte intelligent, très représentatif de la vulgate historico-mémorielle ultra dominante depuis une trentaine d’années. Les anglo-saxons ont une expression pour décrire ce phénomène : « history with an intention ». Cette école historique part d’une idée fausse, totalement fausse, qui est une sorte de sophisme : parce que nous sommes historiens, parce que nous avons beaucoup travaillé sur cette période, parce que nous avons découvert des choses qu’on ne connaissait pas, parce que nous avons mis fin au mythe résistancialiste des années 50-60, nous avons changé la place du régime de Vichy dans notre histoire. Nous lui avons redonné une existence qu’il n’avait pas, et nous avons mis fin au mythe de la parenthèse : Vichy, c’était la France. Et si vous osez dire le contraire, vous êtes un révisionniste, presqu’un négationiste (je n’exagère pas : c’est bien ce qu’écrit Henry Rousso dans son texte, avec tout l’aplomb de celui qui sait déjà que personne ne viendra le contredire sur ce sujet dans les grands médias nationaux). Comme vous avez pu le constater, ces historiens tiennent le « haut du pavé » médiatique sur tout ce qui concerne l’histoire de cette période. Il y a quelques années, l’historien Pierre Laborie, récemment décédé, a écrit un excellent livre sur cette question : « Le chagrin et le venin ».
    (3) Il n’y a rien de bien nouveau dans cette jurisprudence récente du Conseil d’Etat en ce qui concerne la question des archives nationales, même s’il est réconfortant de voir rappeler par cette haute juridiction que l’ordonnance du 9 août 1944 a toujours force de loi en 2018 (je finissais par avoir des doutes …). Cet arrêt du 13 avril 2018 est donc tout à fait logique s’agissant des documents relatifs au Général de Gaulle. Pour ce qui concerne les documents relatifs au Maréchal Pétain (fin du paragraphe 4 de l’arrêt et aussi arrêt de la Cour de Cassation du 22 février 2017), il faut bien comprendre que l’ordonnance de 1944 à réintégré dans le corps juridique de la République tous les actes ordinaires pris sous l’égide du régime de Vichy entre 1940 et 1944. Tout simplement parce que ces actes n’étaient pas répréhensibles et n’avaient été guidés que par « la bonne marche des services », pour reprendre l’expression de René Cassin. La République a donc réincorporé tous ces actes dans ce qu’on appelle la continuité juridique, avec le régime de responsabilité qui s’y attache. Selon cette logique, il me semble que tous les documents publics relatifs à cette période 1940-44, émanant de « l’autorité de fait », doivent être traités de la même façon que n’importe quel autre document public. Je ne vois pas où est le problème. Il n’en va pas de même en ce qui concerne la législation d’exception du régime de Vichy, c’est-à-dire les actes répréhensibles du point de vue de la République (la législation raciste et antisémite notamment). L’Ordonnance de 1944 déclare ces actes nuls et non avenus, en précisant que cette nullité doit être expressément constatée. Toute la question est de savoir quel est le régime de responsabilité qui s’attache à ces actes car, évidemment, le fait que ces actes ont été déclarés nuls et non avenus ne veut pas dire qu’ils n’ont pas existé et qu’ils n’ont pas créé de dommages. C’est même tout le contraire. Il se trouve que l’ordonnance du 9 août 1944 est totalement muette sur le sujet. Il faut donc s’en remettre à la jurisprudence du Conseil d’État. En 1946, à l’instigation de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat, il a été jugé que la responsabilité pour faute de l’Etat ne pouvait être engagée du fait de ces actes (arrêt Ganascia). Ces actes étaient donc exclus de la continuité juridique et il fallait s’en remettre à des lois de réparation à caractère général pour indemniser les victimes. Ce faisant, le Conseil d’Etat avait très précisément interprété le sens de l‘Ordonnance de 1944, puisque c’était justement René Cassin qui en avait été le rédacteur. Comme on le sait, ce dispositif a parfaitement bien fonctionné pendant près de 50 ans, jusqu’à ce qu’intervienne, hélas, l’arrêt Papon de 2002, qui est un complet renversement de cette jurisprudence : la législation d’exception de Vichy est réintégrée dans la continuité juridique et permet d’engager la responsabilité pour faute de la République du fait des conséquences dommageables de ces actes. Surtout n’allez pas croire que cette jurisprudence avait pour objet de soigner les plaies et soulager les victimes : dans un arrêt de février 2009, le Conseil d’Etat a clairement indiqué que plus rien ne pouvait être fait au titre de la réparation des dommages, et que sa nouvelle jurisprudence n’avait pour seul et unique objet que d’établir la faute l’Etat Républicain au titre des actes commis par le régime de Vichy. En d’autres termes (et excusez-moi d’avoir été si long), l’arrêt du Conseil d’Etat, dans le paragraphe 5 que vous citez, est parfaitement logique et cohérent, et nullement contradictoire avec ce qui précède. Hélas !

  12. Maurris Karl

    Bonjour,
    Ayant remarqué la sortie récente d’un ouvrage sur Pierre Pucheux, de Gilles Antonowics (L’énigme Pierre Pucheux) j’étais curieux de savoir qui était le préfacier de cet ouvrage, Jean-Marc Berlière. De fil en aiguille je suis arrivé sur le site d’une association fondée en 2016 : l’ Association « Pour une Histoire Scientifique et Critique de l’Occupation ( HSCO).
    Or, tout récemment, en date du 19 octobre 2018, J-M. Berlière a publié sur le blog de l’HSCO une Lettre aux amis de la police (et de la gendarmerie !) – 2018/n° 3 .[https://hscofrance.files.wordpress.com/2018/10/lettre-aux-amis-de-la-police-2018-3.pdf]

    On ne sait trop ce que l’auteur pense de la responsabilité de la République. D’un côté il semble qu’il n’y ait pas pour lui de rupture entre la IIIéme République et l’État Français (issu du 10 juillet 1940). D’un autre côté, il écrit aussi : « l’administration et les forces de l’ordre françaises sont soumises, en Zone occupée, à l’autorité des autorités allemandes et doivent appliquer —sans possibilité de négociation ou de discussion—les ordonnances allemandes qui vont aller en s’aggravant du recensement au port de l’étoile ».

    …à suivre…

    • René Fiévet

      « à suivre … » nous dit Maurris Karl. Mais il me semble que tout ceci est maintenant bien documenté. Dans la zone occupée, les Allemands pouvaient légiférer par ordonnances et pouvaient réquisitionner la police française « pour combattre leurs ennemis ». C’était l’application pure et simple de la Convention de la Haye de 1907 sur l’administration des territoires occupés. Il se trouve que les Nazis en ont fait dès le début une application abusive, notamment en ce qui concerne les juifs qui, selon leur logique démoniaque, étaient considérés comme leurs ennemis (voir le livre de l’historien Alain Michel : « « Vichy et les Juifs »).
      Une des conséquences de tout ceci, c’est que la police française a été réquisitionnée par les Allemands pour effectuer la Rafle du Vel d’Hiv. Il n’y a pas eu de négociation. Contrairement à ce qu’on nous dit, et nous répète, depuis des années et des années, les autorités de Vichy n’ont ni prêté, ni proposé leur concours aux Allemands pour cette opération. Ce n’était même pas un sujet de négociation. La négociation entre Vichy et les Allemands a porté sur autre chose (la distinction entre juifs étrangers et juifs français).
      En revanche, la rafle effectuée en zone Sud en août 1942 (dont on parle rarement) engage pleinement la responsabilité du gouvernement de Vichy.
      Maurris Karl a bien raison de lire ce qu’écrit Jean Marc Berlière. C’est une excellente référence sur ces questions, et un antidote à la doxa paxtonienne.

  13. Maurris Karl

    @René Fievet
    Je crois être plutôt en accord avec votre position…mais sans l’assurance qui vous soutient.
    Ainsi, dans votre commentaire du 07 juillet vous écriviez : « Comme on le sait, ce dispositif a parfaitement bien fonctionné pendant près de 50 ans, jusqu’à ce qu’intervienne, hélas, l’arrêt Papon de 2002, qui est un complet renversement de cette jurisprudence « . Ce dispositif a-t-il si bien fonctionné que cela ?

    J’avais suivi les discussions ayant cours sur le site d’Alain Michel. Vous y étiez intervenu. F. Delpla y avait fait une courte apparition.

    Votre dernier commentaire m’encourage à lire ce qu’écrit Jean Marc Berlière. Vous ajoutez : « C’est une excellente référence sur ces questions, et un antidote à la doxa paxtonienne. » Mais avez-vous pris garde que J.M. Berlière parle de « doxa gaullo-paxtonienne » ?
    Cette étrange expression m’inspire quelque appréhension. ( d’autant que les faits auxquels le HSCO s’est pour l’instant affronté ne relèvent que d’actions exécutées (sic) par des résistants communistes).

  14. René Fiévet

    Maurris Karl,
    Je me fais un plaisir de vous répondre sur ces questions très importantes.
    Oui, on peut dire que le dispositif mis en place par René Cassin à la suite de l’ordonnance du 9 août 1944 a bien fonctionné. Quand les spécialistes se sont penchés sur la question à la fin des années 1990, ils ont conclu que tout ce qui pouvait être fait en matière d’indemnisation liés aux conséquences dommageables (déportations, spoliations) des lois d’exception de Vichy avait été fait. Je crois savoir qu’il y a eu quelques difficultés d’ordre jurisprudentiel dans les années 50, et que le Conseil d’Etat a eu parfois des hésitations et des états d’âme quand il s’agissait de faire le départ entre ce qui relevait de la responsabilité de l’Etat, et ce qui relevait des lois d’exception de Vichy. Mais en aucun cas, la responsabilité pour faute de l’Etat républicain n’a été mise en cause. Jusqu’à l’arrêt Papon de 2002 …
    Quand J-M Berlière parle de la « doxa gaullo-paxtonienne », il fait référence à la condamnation sans appel, sans nuance, sans rémission du régime de Vichy. Mais il s’agit de deux condamnations de nature bien différente. La condamnation gaulliste est d’ordre strictement politique, liée à la raison d’Etat (le refus de l’armistice et de pactiser avec l’ennemi quand celui-ci occupe une partie du territoire national). On notera que cette condamnation politique ne s’accompagne pas forcément d’une condamnation morale. Dans un passage très intéressant de ses Mémoires de Guerre, De Gaulle fait la part des choses. En substance, à propos des collaborateurs, il dit ceci : « Oui, ces hommes ont trahi leur pays, et ils ont payé pour leurs fautes. Mais en dépit de leurs fautes, il n’en reste pas moins que jamais ces hommes n’ont renié leur pays. L’histoire jugera, conclut-il. » C’est tout le drame de la Collaboration : ces hommes pensaient sincèrement servir leur pays.
    La condamnation paxtonienne ne concerne que le sort réservé aux Juifs pendant cette période. Selon les paxtoniens, rien ne peut diminuer, nuancer, amodier la responsabilité du gouvernement de Vichy, notamment dans la mise en œuvre de la Solution finale. Au contraire, disent-ils, la politique de collaboration du Gouvernement de Vichy n’a fait qu’aggraver le sort des Juifs. Mais dans ces conditions, comment expliquer que 75{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} des Juifs français aient survécu à cette période, ce qui singularise la France par rapport aux autres pays sous domination nazie ? C’est ce qu’on appelle le « paradoxe français », mis à jour depuis très longtemps par les historiens de l’Holocauste. Les anti-paxtoniens considèrent qu’il faut avoir une approche plus nuancée des choses et admettre que le fait qu’il y ait eu un armistice et un gouvernement français prétendant continuer d’exercer sa souveraineté sur le territoire, notamment sur la population, a au bout du compte contribué à protéger les Juifs français. Comme vous le savez, cette protection s’est faite au prix du déshonneur, puisque le gouvernement de Vichy a sacrifié les Juifs étrangers. Comme l’écrit l’historien Alain Michel, le Gouvernement de Vichy était certes antisémite, mais il était encore plus xénophobe qu’antisémite.

    PS. On notera que la doxa paxtonienne s’accomode fort bien de considérer que le régime de Vichy était l’autorité légale et légitime sur le territoire français. Au contraire, cela permet d’encore mieux établir la culpabilité de la France. Inutile de dire que ce n’est pas précisément le point de vue de la « doxa gaulliste ».

  15. Maurris Karl

    En janvier 2018, les éditions Guillaume de Roux publiaient un livre de François Broche intitulé Vel’d’hiv’ 16 juillet 42 où était la France ?

    P.57 citation du blog de B. Renouvin .

    Le livre balaye large en rappelant les positions prises par de multiples personnalités politiques, par différents historiens depuis la guerre jusqu’à aujourd’hui. L’auteur rappelle notamment la surprenante ligne gaulliste adoptée par Marine Le Pen [Ce dernier rappel me laisse un drôle de sentiment, car la constance et la fermeté de ces positions ne sont pas examinées ]

  16. Maurris Karl

    Au terme de son émission de ce jour, Finky annonçait le thème de la prochaine diffusion de Répliques : De Gaulle, Pétain, la France
    Un brin inquiet par les propos qui seront tenus à la lecture de la présentation de l’émission à venir (https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/en-direct )
    On y relève ceci :  » Le Gaullisme et le pétainisme sont-ils pour le salut même de la nation, définitivement irréconciliables ? »
    Il faut certes bien aguicher le chaland !

  17. Maurris Karl

    Mon avant-dernier post enfonçait, je viens de m’en apercevoir, une porte ouverte ; navrant labeur de l’huissier que de se transporter d’un lieu à un autre où, toutefois, il lui arrive de recueillir de précieux propos : https://www.youtube.com/watch?v=5P00wogKFwM

  18. Maurris Karl

    Répliques…n’a peut-être jamais mieux porté son nom qu’aujourd’hui : ça gronde , ça tremble, cela se répète. Des blocs s’affrontent, des forces géologiques s’ébrouent, les eaux montent dans les puits, troubles, et s’en retirent. On compte les morts.
    Lazare sent ; Eric le maintient au tombeau.

  19. Maurris Karl

    Loin de l’actualité et des mesures qu’elle réclamerait, j’ai lu le livre, évoqué plus-haut- de Gilles Antonowicz : L’énigme Pierre Pucheu. J’en suis ébranlé.

    Si l’on peut discuter, et j’espère que cela se fera (?), les analyses de l’auteur, un point, capital, à lui seul résumerait mon trouble : alors qu’il s’apprêtait à entériner l’exécution de la condamnation à mort de Pucheu, De Gaulle, qui avait de l’estime pour l’homme, avait pris l’engagement de veiller sur le sort et l’éducation de ses enfants. Or, Gilles Antonowicz affirme avec assurance que le Général n’en a rien fait. Si une vision réaliste de l’Histoire peut éventuellement justifier la décision prise par De Gaulle (exécution immédiate de Pucheu, non report du procès à la Libération après accès aux éléments du dossier) celui-ci ne sort pas grandi par cet …abandon.( sauf à faire l’hypothèse, digne d’un conte de fée, d’une action bienfaitrice, discrète, effectuée à distance par d’anonymes et puissants intermédiaires ?).
    Or ce procès Pucheu, tel que compris par Antonowicz, semble construire la légitimité du parcours du Général depuis le 18 juin, bien plus que les analyses juridiques de Cassin et allii.

    Sur les tribunaux spéciaux il est également instructif de regarder au delà du Rhin (wikipedia!?) : « En 1956, le Tribunal constitutionnel fédéral a accordé aux membres du Volksgerichtshof le « privilège du juge » (Richterprivileg) selon lequel personne ne pouvait être condamné en raison d’une infraction à la loi ou d’autres délits pénaux, s’il s’en était tenu aux lois alors en vigueur et n’avait pas reconnu le caractère criminel de son action. En 1991, le ministère public de Berlin a définitivement arrêté les procédures d’enquête, bien que le Bundestag, le 25 janvier 1985, ait qualifié à l’unanimité le Tribunal du peuple d’« instrument de terreur ayant servi à l’imposition du despotisme national-socialiste ». C’est seulement en 1988 que les jugements du Tribunal du peuple et des autres cours spéciales ont été abolis par une loi. » Le nul et non avenu advenant plus ou moins entièrement et plus ou moins vite ici ou là.

  20. Maurris Karl

    Au hasard d’une mise en ordre des fichiers de mon ordinateur, je trouve un lien vers L’avenir des lois de Vichy de Jean-Pierre Le Crom. On y trouvera quelques précisions quant au processus de transition législatif du régime de Vichy au régime provisoire de la Libération. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00190968/document