Volkswagen : fin de « modèle »

Oct 1, 2015 | Economie politique

Mots clefs : Allemagne | Brésil | écologie | euro | fraude

Volkswagen c’est l’Auto en tant que telle – Das Auto. Et l’auto, c’est la gloire de l’industrie allemande qui est la projection parfaite de l’Allemagne : qualité, compétitivité, respectabilité. Illusion : l’Allemagne est un pays capitaliste comme les autres.

L’Allemagne, c’est le pays qui a voulu faire croire qu’il avait fondé sa prospérité sur la vertu. Une vertu que ses voisins laxistes pouvaient atteindre en se modelant sur la rigueur exemplaire du gouvernement allemand, des lois allemandes, de l’industrie allemande, du travail allemand. Dans la petite Europe des traités, les élites ont repris la leçon, répétées jusqu’à complète soumission, sans prendre garde aux informations montrant que le capitalisme allemand était aussi pourri et pollueur que ses autres déclinaisons.

Dans la mère-patrie allemande, Volkswagen connut en 2005 son premier scandale, provoqué par les malversations du directeur des ressources humaines de Skoda, de quelques comparses et du directeur du personnel de VW, le social-démocrate Peter Harz, auteur en 2002 du programme antisocial mis en œuvre par le social-démocrate Gerhard Schroeder.

Au Brésil, Volkswagen fait l’objet d’une plainte de syndicats et de militants des droits de l’homme pour avoir collaboré de 1964 à 1985 avec la dictature militaire : des employés étaient arrêtés et torturés dans une usine proche de Sao Paulo et d’autres ont été persécutés après avoir été dénoncés à la police par des dirigeants de la firme.

Aux Etats-Unis, le constructeur allemand est accusé d’avoir installé sur ses modèles diesel un logiciel permettant de réussir les tests antipollution alors que les moteurs des Golf, Passat, Audi A 3 et autres marques dégageaient beaucoup plus de dioxyde de carbone que la quantité autorisée. Or ce gaz polluant provoque des malformations fœtales et des accouchements prématurés, des maladies cardiaques et des affections respiratoires. La direction de Volkswagen a avoué que le logiciel truqueur équipait onze millions de véhicules et se place ainsi au premier rang mondial des empoisonneurs par tuyau d’échappement. Elle gagne aussi la palme du cynisme grâce à Martin Winterkorn, PDG de Volkswagen qui a mis du temps à démissionner mais qui se consolera en comptant sa cagnotte : 60 millions d’euros de retraite et de primes. Au pays des salariés à 400 euros par mois, c’est du plus bel effet…

Prédateur en col blanc, herr Winterkorn est parfaitement représentatif d’une stratégie de prédation et de filouterie qui consiste, pour Volkswagen et autres entreprises allemandes, à faire fabriquer leurs produits hors d’Allemagne, dans des pays où la main d’œuvre est bon marché et le taux de change avantageux – par exemple en Pologne, en Hongrie, en Bosnie-Herzégovine, au Maroc…

L’amende que devra payer le constructeur allemand est considérable – 16 milliards d’euros – et d’autres plaintes seront sans doute déposées, suite aux enquêtes effectuées dans divers pays. Il y a pire pour Volkswagen : l’atteinte durable à la réputation du groupe intervient au moment où sa stratégie mondiale est mise en échec. Comme l’austérité frappe les pays de la zone euro et réduit le pouvoir d’achat des Allemands, Volkswagen avait cru pouvoir assurer son développement en exportant ou en faisant fabriquer des véhicules au Brésil, en Russie et en Chine. Mais la firme a souffert des sanctions contre la Russie, le Brésil ne va pas bien et la croissance chinoise connaît un net ralentissement alors que le Chine est le principal marché du constructeur. Quant au marché étatsunien, sera difficilement accessible pendant plusieurs années…

La compétitivité allemande ne tenait pas à la qualité des productions ni à la rigueur de la gestion mais à des opportunités exploitées sans le moindre scrupule. De bons observateurs rappelaient récemment que Volkswagen, BMW et Daimler-Benz avaient convaincu Angela Merkel d’imposer à l’Union européenne le report de 2020 à 2024 de l’abaissement des normes de pollution – de 130 grammes de CO2 par km aujourd’hui à 95 grammes. Sous la pression des mêmes, la vitesse n’est toujours pas limitée sur les autoroutes allemandes.

Qui osera imposer aux Allemands le respect de la sécurité et de la santé publiques ?

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Article publié dans le numéro 1085 de « Royalise » – 2015

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