Une force en mouvement

Déc 15, 2008 | Economie politique

 

Le plan de relance présenté par Nicolas Sarkozy le 4 décembre ne mérite pas de longs commentaires. Dès le lendemain, tout était dit : un gros chiffre a été lancé mais on a additionné des remboursements de dettes de l’administration, des programmes déjà décidés et, in fine, des aides à l’automobile et à l’immobilier, une incitation à l’emploi, une obole pour les plus pauvres.

C’est mieux que rien… Mais on se contente de colmater des brèches sans comprendre que nous sommes entrés dans une période d’effondrement généralisé. Pour l’affronter, il nous faut une analyse globale de la crise et une théorie générale en vue d’une nouvelle politique économique et sociale : secteurs à nationaliser, stratégie des investissements publics, effacement des dettes des ménages modestes, tarif extérieur commun, contrôle étatique de l’arme monétaire, hausse massive des salaires, plan de développement (1) concerté avec nos partenaires du continent européen…

Cette analyse globale de la crise, nous en disposons. Cette théorie générale, nous la connaissons. Nos propres propositions en procèdent et s’inscrivent dans un projet commun formulé avant la crise et précisé depuis qu’elle a éclaté par Jean-Luc Gréau, Jacques Sapir, Emmanuel Todd et par des dizaines d’économistes qui travaillent selon l’impulsion keynésienne.

Cette société de pensée n’a pas de nom et c’est bien ainsi : il serait réducteur de l’enfermer dans le petit catéchisme interventionniste qui devient à la mode dans la grande presse ou dans le courant régulationniste qui charrie le meilleur et le pire. Elle n’a pas non plus d’organigramme ni de contours politique précis ce qui lui permet de diffuser largement ses propositions. Elle n’a pas besoin de techniciens de la communication : pour ne pas perdre entièrement leur crédit, les grands médias seront de plus en plus obligés de donner la parole à ses animateurs.

Nous faisons partie de cette société de pensée : notre journal et nos Mercredis parisiens y servent de points de rencontre. Nous savons qu’elle devra trouver des relais politiques puissants et soutenir celles et ceux qui se montreront décidés à prendre le pouvoir afin de mettre en œuvre le projet commun. Pour le moment, ce projet n’a qu’un faible écho dans les formations politiques. Le gaullisme de droite est marginalisé, la gauche du Parti socialiste et Jean-Luc Mélenchon rêvent au fédéralisme européen et cultivent l’illusion d’une Europe sociale. L’extrême gauche progresse – dans les mêmes impasses. Mais la faillite idéologique de l’ultralibéralisme, la crise générale qui en résulte, l’échec du sarkozysme et les rivalités haineuses qui ruinent le Parti socialiste provoqueront tôt ou tard des bouleversements et des recompositions politiques que nous ne pouvons pas encore imaginer.

Pour nous puissions tous nous préparer à ces échéances sans doute dramatiques, il me paraît nécessaire de réaffirmer nos principes communs. Nul besoin de texte fondateur : comme nous autres, les gaullistes, les socialistes authentiques et les communistes ont pour références essentielles la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 qui leur commande de défendre et d’enrichir les idées de la Résistance. Je crois tout aussi nécessaire de passer un compromis sur les institutions : quelles que soient nos critiques et nos ambitions ultérieures, il me paraît judicieux de s’en tenir à la Constitution de la 5ème République qui permet, malgré les atteintes portées à sa cohérence, de réaliser la politique économique et sociale que nous voulons mener. Tout en poursuivant nos objectifs nationaux par le moyen de l’Etat, il nous faudra aussi préciser la forme que prendra la nouvelle organisation politique, militaire et économique de l’Europe continentale.

Telles sont, à mon avis, les trois précisions qui nous permettraient d’associer un nombre croissant de citoyens au projet commun.

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(1) Ne pas viser le seul retour à la croissance mais le plein développement : état de bien-être social, puissance industrielle et réaménagement des modes de production et de consommation. Nous y reviendrons.

Editorial du numéro 937 de « Royaliste » – 15 décembre 2008

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