Oligarchie : N’oublions pas la haine

Nov 22, 2016 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Les primaires de la droite et les embrouilles de la gauche suscitent des tonnes de commentaires sur les tactiques, les stratégies et les semblants de programmes. Jetons un coup d’œil derrière les apparences.

Il y eut le temps des projets – le « Projet socialiste » – puis celui des programmes. Nous en sommes réduits aux formules fabriquées par les communicants, aux simples assemblages de mots qui sont censés faire monter les sondages puis les bulletins de vote. Ces assemblages sont composés pour les primaires mais ils seront recomposés par la présidentielle selon que l’on veut paraître plus droitier ou plus centriste que le rival. Cette fabrique de l’illusion est bien connue mais il faut souligner sa très lourde conséquence : la « droite des valeurs » et la gauche des valeurs qui composent une seule et même oligarchie ont produit une dévaluation de toutes les valeurs qui est la marque du nihilisme. À gauche, l’invocation rituelle des valeurs du socialisme recouvre une pratique ultra-libérale tandis que la droite ne cesse depuis Jacques Chirac de sacrifier la nation sur l’autel bruxellois. Dernier signe en date de ce nihilisme : la publication par Emmanuel Macron d’un livre intitulé Révolution. Le candidat du Patronat et de la Banque, qu’on dirait échappé d’une mauvaise bande dessinée marxiste-léniniste, s’affirme révolutionnaire : les mots n’ont plus de sens, ils font place à l’image du bon jeune homme qui n’est ni de droite ni de gauche, ou le contraire, ou au-delà, ou vice-versa mais toujours devant les caméras. Vous me direz que la reconversion d’une égérie xénophobe en madone des banlieues, (1) ce n’est pas mal non plus. Mais cela, c’est une autre histoire. Pourquoi les oligarques agissent-ils ainsi ? Beaucoup de serviteurs de l’État se posent la question depuis deux bonnes décennies, ainsi que d’innombrables électeurs. Sans exclure bien d’autres explications pertinentes, je propose qu’on s’intéresse à ce que les candidats à la présidence cherchent à cacher sous diverses formules et gestes convenus : la haine du rival. Le service de la patrie impose des limites aux conflits politiques selon les principes communs, le combat pour les idées autorise le compromis, mais quand on est persuadé que la France n’a pas d’avenir, que les idées n’ont pas de sens et que les mots ne valent que par leur efficacité, le moteur de l’action « politique » n’est plus que le désir passionnel et personnel du pouvoir. Comme le désir de l’un est contrarié par le désir de l’autre, la haine fouette les énergies. Haine recuite d’Alain Juppé contre Nicolas Sarkozy. Haine toute fraîche de Manuel Valls contre Emmanuel Macron… Pas étonnant que ces gens-là, soudés par leur haine, ne voient plus le peuple, ni le monde.

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(1) « Marine Le Pen à la conquête des banlieues », Le Figaro du 15 novembre 2016

Article publié dans le numéro 1110 de « Royaliste » – 22 novembre 2016

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