Ce n’est certainement pas un bloc populaire que Jean-Luc Mélenchon a réuni pour les législatives. L’agrégat évoque le vieux Cartel des gauches, formé en 1924 par les radicaux et les socialistes.
La France insoumise se présente volontiers comme le fer de lance du bloc populaire. C’est faire preuve de beaucoup d’imagination. Il n’y a pas plus de “bloc” que de beurre en broche : l’électorat populaire est divisé entre une droite qui vote Le Pen et une gauche qui vote Mélenchon. De surcroît, l’électorat mélenchonien du 10 avril est interclassiste : il mêle des ouvriers et employés, des cadres moyens, des artisans et commerçants, des membres des professions intellectuelles.
L’accord conclu début mai entre la France insoumise, les Verts, le Parti communiste et le Parti socialiste n’a pas de base sociologique cohérente. Les partis qui composent la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) sont soutenus par des électorats qui ont très peu en commun : ouvriers et employés de la France périphérique, bourgeoisie urbaine. Les références culturelles et idéologiques de ces électorats sont antinomiques : les classes populaires sont attachées à la souveraineté et aux valeurs traditionnelles catholiques ou musulmanes ; les éléments bourgeois qui votent pour les Verts ou le Parti socialiste sont libéraux en économie, adeptes des réformes sociétales et pétris de culture woke.
La NUPES est une coalition de défense des intérêts électoraux, qui évoque le Cartel des gauches formé voici presque cent ans par les radicaux de gauche et de droite, la SFIO et divers groupes socialistes. Une différence cependant : le Cartel de 1924 associait des formations démocratiques alors que la France insoumise, fer de lance de la NUPES, n’est pas une organisation démocratique : pas de congrès, pas de vote sur la ligne même quand elle change du tout au tout sur l’Union européenne, pas d’élection des responsables – tous nommés par le chef autoproclamé qui affirme désormais une légitimité de type plébiscitaire. Prétendre au poste de Premier ministre en raison du nombre de voix obtenues au premier tour de l’élection présidentielle, c’est mépriser la Constitution et faire croire que le vote utile dont on a bénéficié est un vote d’adhésion.
Les éléments déjà connus du programme de la NUPES montrent les contradictions et les impasses du nouveau cartel des gauches. Les bonnes intentions affichées dans l’accord conclu entre la France insoumise et le Parti socialiste ne sont pas négligeables : planification écologique, développement des services publics, revalorisation du Smic… Mais, c’est seulement le programme d’une coalition ne prétendant pas au gouvernement qui peut concilier les convictions des Verts et celles des communistes, par exemple. Surtout, le texte de l’accord précise que “Le gouvernement que nous formerons pour cette législature ne pourra avoir pour politique la sortie de l’Union, ni sa désagrégation, ni la fin de la monnaie unique”. C’est consentir, d’entrée de jeu, à l’impuissance.
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Article publié dans le numéro 1234 de « Royaliste » – 8 mai 2022
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