Afghanistan : non à la guerre ! (2001)

Oct 21, 2001 | Chemins et distances

Dès qu’il en fut question, nous avons dit non à la guerre manichéenne et vindicative décidée par George W. Bush, dans l’intérêt des Etats-Unis et selon les normes de l’idéologie américaine.

Les quinze premiers jours de bombardements ont confirmé nos appréhensions et justifié notre colère. C’est donc avec une détermination décuplée que nous disons non à la participation militaire française à cette guerre, non à l’envoi de soldats français sur le sol afghan.

Comme sur le territoire irakien, comme sur celui de la République yougoslave, les « frappes ciblées » évoquent pudiquement des raids de terreur qui tuent ou blessent un nombre jamais calculé de civils, aussi innocents que ceux qui travaillaient dans les tours du World Trade center. Le président Bush et ses acolytes galonnés veulent-ils massacrer autant d’Afghans que d’Américains le 11 septembre ? La France ne doit pas entrer dans cette logique de la vengeance, dans ce délire sacrificiel qui ouvre une perspective infinie au ressentiment et à la haine.

Comme les guerres d’Irak et de Yougoslavie, celle d’Afghanistan procède d’un moralisme punitif et purificateur dans lequel un saoudien halluciné et un cow-boy demeuré se retrouvent et se complaisent. La France ne doit pas participer à ce jeu de double mortifère.

Comme les bombardements de la Yougoslavie, ceux qui meurtrissent l’Afghanistan ne résultent pas d’une décision prise selon les traités en vigueur. Ni la guerre d’agression, ni la réplique guerrière aux actes terroristes ne sont autorisés par l’OTAN. La France ne doit pas cautionner de telles opérations militaires, qui sont manifestement illégitime, au regard de la disproportion inouïe qui existe entre l’objectif assigné (la destruction d’un réseau terroriste) et les moyens utilisés.

Comme au Kosovo, les Américains ne mènent pas en Afghanistan une guerre de libération puisqu’ils méprisent l’opinion des artisans futurs de la libération effective et de la paix. La France devrait soutenir publiquement Zaher Shah et tous ceux qui envisagent favorablement son retour et faire écho, de toute la puissance dont nous sommes capables quand nous le voulons, à leur dénonciation des bombardements qui prolongent le martyre du peuple afghan.

Nous ne soutenons pas, pour le principe, une cause monarchique. En Afghanistan, comme dans les Balkans, tout homme de paix est le bienvenu, car la guerre civile est le plus grand des maux – surtout quand elle se double d’une agression militaire extérieure. Nous voulons simplement agir en citoyens français, et en journalistes porteurs de revendications minimales.

Nous ne demandons pas aux dirigeants de notre pays de tirer les conséquences des effets terriblement pervers de l’ultra-libéralisme. Nous ne leur demandons pas de s’interroger sur l’hégémonie des Etats-Unis, dont ils se font les complices, et de mettre en question l’idéologie américaine qui est le négatif des valeurs européennes. Le président de la République et le Premier ministre méprisent toute réflexion approfondie, ils ne réagissent qu’en fonction de leurs intérêts du moment.

Nous ne demandons pas au président de la République et au Premier ministre de dénoncer l’impérialisme américain, de s’opposer aux décisions de l’Otan, d’entraîner leurs partenaires européens sur d’autres chemins diplomatiques. Il suffirait qu’ils soient, à leur habitude, irrésolus et pusillanimes – qu’ils s’en tiennent à une solidarité formelle avec les Américains, qu’ils différent leurs réponses aux sollicitations avant de décider de ne pas s’engager. Hélas, MM. Chirac et Jospin ont choisi une forme supérieure de lâcheté : celle qui consiste à envoyer les autres se faire tuer pour rehausser sa réputation de chef de guerre et d’éminent moralisateur.

Nous leur demandons simplement de respecter la Constitution qui stipule que « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ».

Nous leur rappelons, enfin, qu’ils sont déjà passibles de la Haute Cour, pour avoir participé à la guerre d’agression contre la Yougoslavie sans l’autorisation du Parlement.

Le chef de l’Etat s’abaissant au rang de préfet impérial, le chef du gouvernement ordonnant à des éléments de l’Armée française de jouer les supplétifs dans une opération punitive, désastreuse pour le peuple afghan : c’est intolérable.

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Editorial du numéro 780 de « Royaliste » – 2001.

 

 

 

 

 

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