Le jour même de la sortie du film « Indigènes » sur les écrans, le gouvernement annonçait que les pensions des anciens des troupes coloniales seraient revalorisées. Ce « geste de justice » célébré par le Premier ministre n’avait que trop tardé.

Hypocrites, divers journalistes « découvrent » le scandale des pensions militaires et surenchérissent dans la compassion à l’égard des anciens des troupes françaises devenus étrangers lors de la décolonisation.

Ces messieurs et ces dames feraient bien de lire attentivement « Royaliste », qui est gracieusement adressé aux principales salles de rédaction. Ils auraient appris qu’en mars 1999, le 18ème Congrès de la Nouvelle Action royaliste avait invité au « devoir de justice élémentaire envers les anciens combattants africains et asiatiques ». Le scandale était alors patent et l’indifférence quasi générale.

Puis survint, à la suite de longues procédures, la décision prise par le Conseil d’Etat le 30 novembre 2001 : la haute juridiction administrative déclarait illégale toute différence de traitement entre anciens combattants français et étrangers – la nationalité ne pouvant être invoquée comme le critère d’une discrimination. Le gouvernement aurait donc dû prendre acte de la décision et procéder sans délai à la « décristallisation » des pensions bloquées depuis 1959. Lionel Jospin était alors Premier ministre et l’on pouvait espérer qu’un gouvernement de gauche – plurielle de surcroît – sentirait l’urgence de la réparation.

Tel ne fut pas le cas. Dans un article riche d’informations qui inspiraient sa juste fureur (1), Michel Fontaurelle montrait comment les ministères concernés s’ingéniaient à diminuer autant que possible les sommes dues aux anciens des troupes coloniales. Dans l’entourage du secrétaire d’Etat au Budget, on expliquait gravement que le paiement à égalité des pensions militaires provoquerait « une véritable perturbation de l’économie locale en créant de subites fortunes pour quelques centaines de personnes ».

Je n’ai pas souvenir que Laurent Fabius, alors ministre des Finances, ait immédiatement publié une rectification. De même, Lionel Jospin laissa dire le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants qui, par le biais de son entourage, fit courageusement savoir que le paiement à égalité « serait un séisme africain de plus ».

Ces considérations imbéciles aboutirent à une proposition injuste : indexer les pensions et retraites des anciens combattants sur le niveau de vie de leur pays de résidence. Ceux qui avaient la malchance de se trouver dans les pays les moins développés se trouvaient ainsi pénalisés : cela revenait à ajouter de l’injustice à l’injustice et le racisme au mépris des pauvres. Ainsi, la retraite d’ancien combattant est actuellement de 461,65 € par an pour un Français, elle tombe à 193, 71 € pour un Sénégalais ; 106, 26 pour un Tunisien, 101, 97 pour un Algérien, 60, 06 pour un Marocain, 38 et 28 euros pour un Vietnamien.

Le président de la République fit part le 14 juillet dernier de ses bonnes intentions en matière de revalorisation mais il a fallu attendre la sortie du film « Indigènes », le 27 septembre pour que le gouvernement en vienne à appliquer aux anciens combattants français et étrangers le principe d’égalité.

Le mérite de cette décision tardive revient au réalisateur du film, Rachid Bouchared, et aux principaux acteurs du film, Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Sami Naceri et Roschdy Zem, qui ont réussi à réunir les fonds nécessaires au financement du film, brisant peu à peu les réticences des financiers et parvenant à susciter l’adhésion et le soutien du roi du Maroc, de Jacques Chirac, de Claude Bébéar, de Jean-Paul Huchon…

Décerné à Cannes cette année, le prix collectif d’interprétation a récompensé les efforts de ces jeunes gens qui ont entonné « Le Chant des Africains » dans la salle du festival, non par provocation à l’égard du public, mais par respect pour les anciens tirailleurs et goumiers et dans une intention patriotique qu’ils ont remarquablement exprimée lors de la campagne de promotion du film.

Tout de même, il aura fallu un film, réalisé à l’arraché, pour qu’une injustice vieille de 47 ans soit réparée et pour qu’une décision prise voici cinq ans par le Conseil d’Etat soit pleinement suivie d’effets.

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(1) « Royaliste » n° 789, page 4.

Article publié dans le numéro 889 de « Royaliste » – 16 octobre 2006

 

 

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