Anne d’Autriche, au rang des plus grands rois

Sep 7, 2022 | Res Publica

 

L’histoire d’Anne d’Autriche est celle d’une femme saisie par l’Etat, dès lors qu’elle doit assumer les charges de la régence dans une période troublée.

Les rois de France épousaient des princesses étrangères pour des raisons diplomatiques et pour ne pas avantager une famille française au détriment des autres. La raison politique prévalait sur les inclinations personnelles – qui souvent n’avaient pas le temps de se manifester. Fille de Philippe III d’Espagne, Anne fut promise toute jeune au futur Louis XIII, et c’est Marie de Médicis qui, après l’assassinat d’Henri IV, obtint le mariage espagnol afin d’en finir avec les lourdes ingérences de Madrid dans les affaires du royaume de France.

C’est une Espagnole qui arrive à Paris, nostalgique de son pays et profondément marquée par le catholicisme rigide qui lui avait été inculqué. L’infante n’a que 14 ans, son mari est inexpérimenté, la nuit de noces se passe mal – elle ne se passe pas du tout -, la Cour est d’autant plus pesante qu’une partie de son entourage espagnol est renvoyé. Au Louvre, la reine est confrontée à la forte présence de Marie de Médicis, à l’encombrant duc de Luynes, le favori du roi, à son incapacité à enfanter l’héritier mâle que la Couronne attend après une brève période de joies charnelles.

Imprudente avec le duc de Buckingham qui l’aime éperdument, elle le sera plus encore avec ceux qui complotent contre Louis XIII en faveur de son frère, le calamiteux Gaston d’Orléans, puis contre Richelieu. Par catholicisme intégriste, par attachement à l’Espagne, Anne sympathise avec le parti dévot, qui est la nouvelle appellation du parti espagnol formé au temps de la Ligue. Elle est proche de la duchesse de Chevreuse, qui complote contre la France et plaide la cause de la paix lorsque Louis XIII décide en 1629 d’intervenir, contre l’Espagne, en Italie. Il lui faudra affronter Richelieu et accepter sa surveillance.

C’est cette femme ballotée entre ses devoirs de reine de France, ses liens familiaux et ses amitiés personnelles qui va révéler ses capacités politiques, par souci de protéger les intérêts du royaume dans l’attente de la majorité du dauphin né en 1638. Devenue régente, elle est entièrement saisie par la fonction et gouverne le pays avec l’inestimable concours de Mazarin.

Alors que la France victorieuse (Condé à Lens) négocie et signe la paix de Westphalie, l’autorité royale subit la même année la fronde parlementaire marquée par la Journée des barricades d’août 1648 et par la fuite de la famille royale à Saint-Germain en janvier 1649. La régente et son Principal ministre d’Etat sont durement exposés à la fronde des princes qui est menée par Condé, “plus appliqué à ses affaires domestiques qu’à celles de l’Etat” (La Rochefoucauld) et où Gaston d’Orléans montre une fois de plus sa capacité de nuire au royaume. Comme aux temps des guerres de Religion, les insurgés se vendent à l’Espagne…

Trahie, humiliée, la régente doit manœuvrer, composer, exiler provisoirement Mazarin, combattre avant de remporter, en 1652, la victoire militaire et politique sur les factieux. Sacré le 7 juin 1654, Louis XIV se souviendra des humiliations de sa jeunesse et s’ingéniera à domestiquer la haute noblesse pour éviter les guerres civiles et les complots noués avec l’étranger…

De sa mère, le Roi-Soleil dira qu’elle “n’était pas seulement une grande reine, mais qu’elle méritait d’être mise au rang des plus grands rois”.

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(1) Jean-François Solnon, Anne d’Autriche, Perrin, 2022.

 

Article publié dans le numéro 1239 de « Royaliste » – 7 septembre 2022

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