La gauche de la gauche refuse de combattre l’euro et se situe délibérément hors du champ national. Pour mobiliser les masses populaires, il faut pimenter l’antihollandisme primaire par un antifascisme résolu. Le problème, c’est de trouver des fachos.

En Turquie, au Brésil, en Egypte, des foules considérables étaient en mouvement pour diverses raisons mais en France, le mois de juin fut antifasciste. Motif : la mort de Clément Méric, militant « antifa », décédé le 6 juin au lendemain d’une bagarre avec des skinheads. Sans attendre les conclusions de l’enquête policière, Jean-Luc Mélenchon évoque un assassinat. Le meurtrier présumé est rapidement identifié et incarcéré, des rassemblements sont organisés, le gouvernement se saisit de l’affaire et annonce la dissolution de deux groupuscules d’extrême-droite dans un grand tintamarre médiatique.  On n’entend guère ceux qui rappellent que les groupes fascistes et antifascistes sont liés par une rivalité violente qui est leur raison d’exister. La mort, heureusement très rare, peut frapper dans les rangs des uns et des autres. Qu’importe, si la lutte antifasciste trouve des martyrs.

Las ! Le 25 juin, on apprend que la police dispose d’une vidéo qui montrerait Clément Méric frappant Esteban Morillo dans le dos. Celui-ci se retournerait et porterait au visage du jeune « antifa » le coup qui a provoqué sa mort. Nous sommes très probablement en présence d’un tragique fait divers, qui méritait une émotion proportionnée. Pour l’avenir, l’affaire devrait inciter à la prudence dans les réactions et dans les commentaires. Tel ne sera pas le cas. Au premier incident ou accident exploitables, Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain et l’inévitable Caroline Fourest se précipiteront sur les plateaux. Tandis que le Parti socialiste espère tirer profit de la progression réelle ou supposée du Front national, la gauche de la gauche a besoin de fachos parfaitement typés pour nourrir son discours sur le retour des heures-les-plus-sombres.

Ah ! Les années Trente… La Crise, les Ligues, la guerre et, pour conjurer les périls, la Gauche pure et héroïque ! N’est-ce pas la même situation aujourd’hui ? A nouveau la crise, le Front national, donc le fascisme qui pourrait nous précipiter vers de nouveaux conflits… Il s’agit de faire peur, en exploitant des images fortes, pour mobiliser le camp du Bien – autant que possible en recrutant dans son propre parti, groupe ou groupuscule. Tout occupés à prendre des poses, les artisans de la machine à fantasmes oublient bien des pages d’histoire : la responsabilité du Komintern dans la victoire des nazis, le basculement de maints antifascistes et antiracistes patentés dans le pétainisme et la Collaboration, la disparition des affrontements militaires en Europe de l’Ouest et surtout, surtout, la disparition des totalitarismes. Les partis totalitaires étaient des communautés militantes soudées par une idéologie et religieusement fixées sur un Chef porteur du projet messianique. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans le Front national, qui est un parti nationaliste classique : tout confondre dans un même Ennemi intangible conduit à des erreurs tactiques et stratégiques majeures – celles que l’on commet avec une obstination remarquable depuis trente ans. Malgré l’antifascisme et parfois grâce à lui – les campagnes agressives de la LCR l’ont beaucoup servi – le Front national est toujours là.

Que faudrait-il faire ? Montrer que le nationalisme trahit la nation et développer en contrepoint un projet d’intérêt national. Il faudrait donc que la gauche de la gauche, qui se dit fidèle à la Révolution française, prenne en considération la nation. Elle ne le peut puisqu’un internationalisme mué en européisme figure parmi les débris idéologiques du communisme et du socialisme. D’où l’hystérie antifasciste, qui permet de maintenir l’ancrage à gauche, ou plus exactement dans une fiction de gauche. Observée de l’extérieur, cette pose est grotesque. Mais elle procure aux chefs de la gauche vraiment à gauche un grand confort politique et moral puisqu’ils répètent du matin au soir le discours du Bien.

Il faut imaginer Mélenchon heureux.

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Article publié dans le numéro 1039 de « Royaliste » – 7 juillet 2013

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