Après la conférence des ambassadeurs : Billet d’humeur d’un « ancien »

Sep 3, 2023 | Billet invité

 

Le cœur n’y était pas. S’il n’y avait pas eu la crise du Niger, la 29e conférence des ambassadrices et des ambassadeurs du 28 au 30 août aurait tristement ronronné. Le feu est éteint. La tentative des Etats généraux de la diplomatie conclue par un discours de Macron le 26 mars dernier était vouée à souffler sur des braises. Annoncer alors quelques millions de crédits de plus et 100 ou 150 emplois nouveaux par an d’ici 2027 servait surtout à évacuer le problème des travaux de la conférence. Bientôt des « administrateurs de l’Etat » remplaceront les « ministres plénipotentiaires ». A la botte. Circulez, il n’y a rien à voir.

La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, ambassadrice, ce qui ne s’était plus fait depuis Giscard d’Estaing (Sauvagnargues, Guiringaud) et la première cohabitation (J-B. Raimond), commet la même erreur que son prédécesseur Michel Barnier à la veille du référendum européen de 2005 : l’ambassadeur(rice) n’est pas un (e )préfet(te). Il (elle) n’est pas équipé (e ) pour battre campagne : pas de politique intérieure à l’étranger. Cette fois, principes obligent, il (elle) est sommé (e )de s’affirmer pour l’Europe en vue des prochaines élections au Parlement européen de juin 2024 et faire barrage à « l’extrême droite ».

A l’inverse, Emmanuel Macron n’a touché mot de cette échéance délicate. Il n’a pas non plus respecté à la lettre le thème choisi (par la ministre semble-t-il) pour cette conférence : « Affirmer nos principes, nos intérêts, nos solidarités ». Macron a clairement reformulé l’ordre des priorités en commençant par les intérêts et en soulignant les solidarités. Si ce n’est pour le Niger, les « principes » étaient peu visibles. Le cabinet de la Première ministre en revanche en est resté aux « valeurs », placées avant les intérêts et les solidarités, sans que l’on en tire d’ailleurs de conséquences. Personne n’a cru devoir mettre en avant les « démocraties », mais plutôt comment être « partenaire » des non-démocraties dominantes.

Mme Colonna s’est accrochée au verbe qui avait été choisi pour l’adresser aux ambassadrices et ambassadeurs : « affirmez-vous ! ». Elle a encore dit : « descendez dans l’arène ! » C’est bien connu : si la France a connu des déboires en Afrique, c’est, entre autres choses, que la diplomatie était trop « posée » (le mot est de Macron). « Posée » pour « reposée », passive, ne parlant pas aux bons interlocuteurs, trop familière des palais, pas assez des « maquis » (les cafés en Afrique de l’Ouest) …

L’arène ? Elle aurait pu dire « allez au charbon » ce qui aurait été qualifié de raciste. De quelle arène ? celle des gladiateurs (Wagner) ou celle des « toros » où l’on manie la véronique ? On eût préféré qu’elle eût repris Johnny : « allumez le feu ». La conférence avait un goût de cendre (pas celle des cigares, plutôt de mercredi des cendres).

Des quelques trois heures trente de discours (1h 54 pour le président, le 28, 1h04 pour la ministre le 29, et 27’45 pour la Première ministre en clôture le 30), le plus court fut le plus incisif. Mme Borne fut la seule à lever un coin du voile : « plus que jamais, notre pays a besoin de « ces » (ou « ses » ?) diplomates. Les deux versions ont circulé. Le contexte visait les services rendus à « nos compatriotes » dans des situations difficiles comme à Khartoum ou à Niamey. Ce qui suppose que l’on puisse s’être posé la question pour pouvoir y répondre ainsi, l’hypothèse impie : « un pays sans diplomates », à quoi est-ce que cela ressemblerait ?

La diplomatie est soluble entre militaires et agents du développement, entre sécurité et solidarités. Sous le second mandat du président Macron, la France devient une « puissance partenariale de confiance » (PPC). Jargon assez indigeste en français, la formule doit avoir été transcrite de l’anglais version traduction automatique par internet. Là où Macron décline sous ce chapitre tous les partenariats hors Europe, tous azimuts, en Afrique, en Indo-Pacifique, en Amazonie, au Maghreb, avec les Brics, Mme Borne y range les nouvelles orientations qu’elle dit avoir validées de la politique de développement – alors qu’on attend toujours le nouveau nom de baptême de l’Agence française de développement, désormais ringardisé – et dont personne n’a rien révélé dans les discours. On sait que pour Macron rien d’autre ne compte que « l’investissement solidaire » depuis le sommet sur un nouveau pacte financier international en juin à Paris.

La 30e session – Alain Juppé l’avait instituée en 1994 – se déroulera sur fond de Jeux olympiques : le monde entier sera à Paris. Ambassadrices et ambassadeurs ne seront pas de trop pour veiller à l’organisation et éviter les incidents diplomatiques. La diplomatie est aussi un sport et les Jeux olympiques un exercice diplomatique.

Propos recueillis par Yves LA MARCK

 

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