Aux assises de Banlieue 89

Déc 17, 1990 | Res Publica

 

Concevoir et mettre en œuvre un projet pour la ville, auquel la colère des banlieues donne une brûlante actualité : tel était l’objet des troisièmes assises de Banlieue 89, tenues les 4 et 5 décembre derniers.

Quant au succès médiatique, celui obtenu par Roland Castro et son équipe fut incontestable. Mais l’important pour eux n’était pas d’être dans l’actualité, à la manière dont certains se font un « coup de pub », mais de répondre à l’actualité et plus précisément encore à l’urgence. Or une réponse immédiate, cohérente, manifestement pensée, cela se prépare longuement. Tel est l’avantage, non pas stratégique, mais politique de Banlieues 89 : avoir fait depuis plusieurs années la critique de l’anti-urbanisme contemporain, avoir travaillé depuis plusieurs années sur le terrain, en accumulant une réflexion et une expérience qui permettent d’aller plus loin, en rassemblant, comme l’a dit Roland Castro, des élus, des architectes, des citoyens qu’il a définis comme des « gens d’émotion, gens de passion, gens de savoir ».

Tous ceux-là ne se satisfont pas de ce qui est : « Le pays », a poursuivi le Délégué à la Rénovation des Banlieues en s’adressant au président de la République, « souffre d’un déficit d’émotion. J’ai employé à dessein le terme déficit pour pointer le drame sémantique que nous vivons : nous ne connaissons plus que les mots de l’économie pour dire l’essentiel : la vie des citoyens, leur souffrance ou leur joie ». D’où l’attente d’un « réveil de la passion, de la politique » sur le plan national comme dans les municipalités afin que les réformes législatives indispensables soient entreprises selon le savoir architectural, urbain et social qui a été accumulé : « dans les villes où des projets ambitieux ont été réalisés, projets culturels, urbains, sociaux, où l’on valorise la présence des émigrés plutôt que de les rejeter, le vote d’extrême droite est plus faible que la moyenne et l’abstention moins grande ».

Invité à ouvrir les Assises, le président de la République a dessiné, une heure durant, les grandes orientations d’une politique de la ville. Très réservé quant au ministère de la ville que Roland Castro réclame, François Mitterrand a cependant souhaité qu’un membre du gouvernement, placé auprès du Premier ministre, soit responsable du développement urbain. Plaidant d’une manière plus générale pour l’unité de commandement, il a d’autre part annoncé qu’un fonctionnaire, disposant d’un budget, serait placé auprès de chaque préfet pour prendre en charge les questions urbaines et que, dans chaque quartier, « un responsable pour l’Etat travaillera en coordination avec le chef du projet communal » dans les quatre cents quartiers prioritaires. Le chef de l’Etat a ensuite insisté sur la nécessité d’une redistribution des services publics (poste, sécurité sociale, école, commissariat) , pour une plus forte présence des entreprises dans les quartiers sensibles afin d’y créer des emplois, et pour un développement de l’arsenal législatif : loi sur la maîtrise foncière, qui devrait être examinée par le Parlement lors de sa prochaine session, et loi sur la dotation globale de fonctionnement des communes (sommes versées aux municipalités par l’Etat) afin qu’il y ait une meilleure répartition entre les communes riches et les communes pauvres. Comme dit l’association France Plus, « il est temps que Neuilly soit en mesure de payer pour Nanterre »…

Deux jours durant, les participants des Assises ont réfléchi à la manière d’en finir avec les grands ensembles, ont approfondi la définition de la « ville républicaine » (la citoyenneté, le travail en ville, la beauté, le concept de « ville-Monde ») et envisagé la civilisation urbaine avant d’adopter une Déclaration du Droit à l’urbanité et d’entendre le discours de clôture du Premier ministre. Trop de thèmes, trop d’idées, trop d’interventions pour qu’on puisse tenter une synthèse immédiate. Qu’importe, puisque c’est Roland Castro lui-même qui nous fera part de ses conclusions, au « Mercredi de la NAR » du 19 décembre …

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Article publié dans le numéro 548 de « Royaliste » – 17 décembre 1990

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