Azouz Begag : Les loups et le chic type

Mai 14, 2007 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Un sociologue, de condition très modeste, débarque avec sa bonne tête d’adolescent des quartiers difficiles dans une louveterie de droite. Devinez ce qui arriva ?

Les loups le déchirèrent à belles dents. Il faut dire que c’étaient des loups particulièrement dangereux, des sarkoziens qui ne tuent pas seulement pour manger mais pour le plaisir de voir le sang gicler sous leurs griffes – surtout quand la victime de leur cruauté est « l’Arabe de service ».

C’est que la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, parfaitement à l’aise dans la vie comme dans ses costumes de bonne coupe, magnifiquement humaniste et républicaine sur les estrades, retrouve les mots du racisme dès qu’un type un peu bronzé avec un nom pas de chez nous et un pedigree de pauvre – en l’occurrence Azouz Begag – se trouve à coté d’eux. « Allez, fissa, sors de là ! Dégage d’ici je te dis, dégage ! » lui intime Brice Hortefeux alors qu’ils siègent tous deux au banc du gouvernement, à l’Assemblée nationale.

C’est bien sûr le chef de meute qui est le plus violent de tous. Insulté « Tu es un connard ! Un déloyal, un salaud ! », menacé : « je vais de casser la gueule, salaud ! », Azouz Begag confirme par son témoignage que Nicolas Sarkozy est un homme qui ne se contrôle pas – sauf lors qu’il se produit sur la scène médiatique.

« Un mouton dans la baignoire » (1) ne vaut pas seulement par ce qu’il confirme sur l’ancien ministre de l’Intérieur. Azouz Begag explique très bien ce qui se passe lorsqu’on est un ministre-prétexte, une figure emblématique en forme d’effet d’annonce dans un gouvernement. Le voici, « fils de pauvre, élevé dans un bidonville, nourri au couscous trempé dans du lait de chèvre » promu par la grâce de Dominique de Villepin au rang de ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances.

L’intitulé est ronflant. Mais le ministre, rattaché à Matignon, n’a aucun pouvoir, aucune administration, aucun crédit lui permettant d’accomplir la mission immense qui lui a été confiée. L’imposture est patente. Azouz Begag n’ignore pas qu’il est l’« Arabe de service » mais il décide courageusement de faire front. Il sera humilié en permanence, méprisé, mené en bateau, interdit d’expression sur certaines antennes et dans les quotidiens influents comme un vulgaire dissident.

C’est pourtant un bon petit soldat de la droite, qui déjeune avec Laurence Parisot et défend le CPE, mais il a le tort d’être villepiniste, crime majeur pour les sarkozystes, alors que dans la rue on lui reproche de rester solidaire d’un gouvernement qui proclame l’état d’urgence lors de la révolte des banlieues. Situation impossible, assumée au prix de douleurs physiques, d’angoisses et d’insomnies…

Il n’est pas inutile de savoir que c’est ainsi que ça se passe pour maints ministres de droite et de gauche, traités par comme des moins que rien par la super-élite – même et surtout lorsque ce sont des chics types.

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(1) Azouz Begag, Un mouton dans la baignoire, Fayard, 2007.

 

Article publié dans le numéro 904 de « Royaliste » – 14 mai 2007

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