Plus vieille que la Vieille Dame, Cécile de Brunhoff a quitté le monde des hommes et le royaume des éléphants à l’âge de 99 ans. Nul n’ignore qu’elle fut la créatrice de Babar, et qu’elle demeure reine dans l’imaginaire des enfants.
Qu’il s’agisse des rapports entre l’éléphant et le monde des hommes, de la structure de Célesteville, du traumatisme originel (la mort de la mère, tuée par le chasseur), du thème du Voyage (éléphanto viator eût dit Gabriel Marcel), Babar offre aux philosophes, aux anthropologues, aux urbanistes, aux psychanalystes ample matière à méditations.
Nous retiendrons pour notre part la figure du Roi Babar, époux attentif de la délicate reine Céleste, père aimant ses trois enfants, Pom, Flore et Alexandre. Le royaume de Babar est étranger au racisme – le singe Zéphyr fait partie de la maisonnée – et le Roi mène contre le fascisme au front de rhinocéros un combat exemplaire sous l’égide du sage Cornélius, aussi rusé qu’Ulysse. L’infâme Rataxès et sa bande de tape-durs casqués en surent quelque chose, les misérables.
Loin de nous la tentation de vouloir récupérer Babar, qui appartient au royaume de l’enfance.Mais avec l’insigne maladresse des adultes, il est permis de dire que l’inconscient politique de millions de citoyens est structuré par Babar, sans qu’il y ait jamais eu la moindre intention manipulatoire.
Babar prépare à la lecture de Tintin (Le Sceptre d’Ottokar), dément Machiavel, réfute Max Weber et adoucit l’austère figure hégélienne du Prince incarnant la réalité de l’Etat rationnel.
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Publié dans « Royaliste », numéro 815 – 2003
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