Fin juin, la canicule était sur tous les écrans. Car ce sont bien les chaînes du service public et celles de l’information en continu qui se sont données la formidable mission de nous apprendre qu’il faisait chaud, très chaud, trop chaud… Pics de chaleurs ! Alertes rouges ! Grâce à de courageux reporters, nous avons pu vivre en direct les suffocations du Sud et de l’Est puis recevoir les conseils éclairés de spécialistes. Boire, rester à l’ombre, veiller sur nos aînés sans oublier les petits enfants ! Nous ne savions pas qu’il fallait réagir comme ça, par temps de canicule…

Et comme cent conseils valent mieux qu’un, nous avons eu droit aux prestations télévisuelles et radiodiffusées de ministres et même du Premier. Appels à la « vigilance », appels à la « responsabilité » avec conseils sur l’hydratation en général et les baignades en particulier. On vit comparaître devant Jean-Jacques Bourdin un François de Rugy sans cravate, preuve de la solidarité sans faille de cet écologiste monté en grade avec le peuple suant et soufflant. Le pic de la communication ministérielle fut atteint le 28 juin par le ministre de la Santé, Agnès Buzyn, venue en avion à Nîmes pour s’enquérir de la situation au CHU de la ville et tenir dans l’hôpital une conférence de presse qui ne pouvait manquer de perturber le travail d’équipes médicales surchargées.

Comme si nous risquions de ne pas comprendre ce qui était en jeu, maints chroniqueurs inspirés nous ont expliqué que le gouvernement, paniqué par le souvenir de la canicule de 2003, multipliait les réunions et les déplacements pour montrer qu’il était à l’écoute, sur le terrain, au plus près des « problèmes ».

Or c’est cette réactivité spectaculaire qui pose problème parce qu’elle est inversement proportionnelle à l’efficacité de la politique du gouvernement. En pleine chaleur, nous avons pu lire dans la presse écrite le résumé du premier rapport du Haut Conseil pour le Climat. On y apprend que notre pays ne respecte pas l’accord de Paris sur le climat : la baisse des émissions de gaz à effet de serre a été deux fois moins importante que ce qui était annoncé en 2015.

Le gouvernement répondra qu’il s’active, et fait voter des lois. C’est exact mais il arrive trop souvent que les bonnes intentions se perdent dans les manœuvres des groupes de pression. C’est le cas pour les logements mal isolés. Le législateur aurait pu obliger les propriétaires à faire des travaux nécessaires, il a préféré les menacer d’une déclaration de non-conformité … en 2028, en vue de faire baisser les prix. Somme toute, c’est la prétendue loi de l’offre et de la demande qui va réguler le climat… dans neuf ans et si les propriétaires n’y voient pas d’inconvénients.

La canicule de juin n’était pas terminée qu’un rapport sénatorial nous informait par ailleurs du « mauvais état structurel » de 25 000 ponts et des « conséquences néfastes » que le réchauffement climatique pourrait avoir sur certains ouvrages « conçus pour résister à des amplitudes météorologiques acceptables ». Il se trouve que le réseau ferroviaire n’est pas non plus conçu pour de fortes chaleurs et la circulation des trains a dû être ralentie le 28 juin tandis que, la veille, la consommation d’électricité atteignait un pic. En haut lieu, on fait mine de découvrir la fragilité des infrastructures nationales et on s’efforce de recouvrir de bonnes paroles la grève des urgences qui dure depuis trois mois et celle des sapeurs-pompiers qui a commencé le 27 juin.

Ces informations partielles sur le délabrement de nos services publics et sur les nouvelles menaces qui résultent du changement climatique devraient conduire le gouvernement à mettre en œuvre un plan d’urgence écologique intégrant la politique de l’énergie, la politique des transports, la politique du logement… Au contraire, le gouvernement voudrait privatiser Aéroports de Paris et favoriser une gigantesque opération immobilière privée qui serait menée, n’en doutons pas, sans le moindre égard pour l’environnement. Au contraire, le gouvernement veut démanteler EDF en vue d’une privatisation partielle, faisant une fois de plus le choix de l’ultralibéralisme sur fond d’austérité budgétaire. C’est nous condamner à subir un changement climatique qui devrait être affronté par le financement public des révolutions écologiques que nous avons à accomplir dans l’industrie, dans l’agriculture et dans les villes.

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Editorial du numéro 1171 de « Royaliste » – Juin 2019

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