Fleurs rhétoriques, couronnes de lauriers et médaille d’or : la France est le pays le plus attractif d’Europe ! Recevant les investisseurs étrangers à Versailles pour le septième sommet de Choose France, Emmanuel Macron était aux anges. Au point d’oublier combien ça coûte, l’attractivité.
Cent quatre-vingt investisseurs étrangers à Versailles ! Cinquante-six projets dévoilés ! Quinze milliards d’euros investis ! Dix mille emplois créés ! Les médias ont vanté la réindustrialisation en marche et Gabriel Attal a célébré “l’attractivité retrouvée de la France” tandis qu’Emmanuel Macron s’admirait dans son exercice d’autosatisfaction. Maintenant que la fête est finie, il faut revenir à de plus justes mesures.
Quant à l’attractivité, plusieurs économistes ont fait observer que le record obtenu était douteux. Si l’on intègre le critère de la création d’emplois, la France passe au troisième rang – et au huitième si l’on prend en considération la taille du pays. Le bilan des précédents sommets n’est pas exaltant. Depuis 2018, on a recensé 122 projets d’investissement mais seulement 27 projets de nouvelles usines et les créations d’emplois sont peu nombreuses. Seuls 3% des investissements étrangers créent plus de 250 emplois et les deux tiers n’en créent qu’une vingtaine.
Cette année, les principaux investissements sont annoncés par Microsoft, Amazon, IBM, Pfizer, AstraZeneca, Mc Cain (production de frites et de pommes de terre) et de mauvais esprits affirment que les projets étrangers auraient été réalisés sans le raout versaillais. Il faut aussi souligner que les annonces portent sur des investissements pluriannuels, ce qui dilue dans une période indéterminée les créations d’emplois et les retombées positives sur les régions où les activités seront implantées. Les 15 milliards annoncés, répartis sur plusieurs années, sont à comparer aux 200 milliards qui sont annuellement investis en France.
La glorification de “l’attractivité” mériterait d’être tempérée par l’examen de son coût social et financier. A bas bruit et avec des mots compliqués, les experts de plateaux télévisés se félicitent des réformes du marché du travail réalisées sous la houlette d’Emmanuel Macron : loi El Khomri, réforme de l’assurance chômage, réforme des retraites, suppression de l’impôt sur la fortune. Il s’agit de faire plaisir aux futurs investisseurs en leur montrant que la gouvernance business friendly est capable d’abaisser le niveau de protection sociale et de favoriser fiscalement le capitalisme rentier dans une ambiance générale de contrainte salariale. Les nouveaux emplois qu’on nous annonce ont déjà été lourdement payés en souffrance sociale. Mais comme il est impossible de calculer le coût social de l’attractivité, on peut se congratuler en toute quiétude.
Aux gains en emplois lourdement supportés par les salariés, il faut ajouter le coût pour les finances publiques. Il ne s’agit pas de dépenses consenties pour le show versaillais, qui devraient d’ailleurs être comptées dans le budget de campagne de la liste Renaissance puisque les décisions des investisseurs étrangers ont été prises hors du cadre de Choose France. Le problème porte sur le montant des aides aux entreprises, estimé à 200 milliards par an. Il serait très instructif de calculer plus précisément les aides consenties aux entreprises qui s’installent et qui investissent en France – sans oublier de calculer les impôts non perçus en raison des subtilités de l’optimisation fiscale.
On ne s’est guère préoccupé, par ailleurs, du coût environnemental de l’installation du centre de données que Microsoft veut construire près de Mulhouse. En fait, on prend ce qui se présente, sans se soucier des effets négatifs – par exemple lorsqu’on se réjouit des nouveaux investissements d’Amazon – et en négligeant le fait que les investissements étrangers ne favorisent pas automatiquement la réindustrialisation puisque la moitié d’entre eux porte sur le secteur des services.
Il faut aussi se souvenir qu’un groupe étranger qui s’installe en France peut également s’en retirer ou privilégier les suppressions d’emplois hors de son territoire national. Quelques jours après la fin de la scénographie Choose France, on a appris que Ryanair avait décidé de fermer sa base à l’aéroport de Bordeaux, “après s’être bien gavée d’aides faramineuses” versées depuis 2009 par les collectivités territoriales et l’Etat comme le souligne le syndicat FO du personnel navigant commercial.
Les effets d’aubaine et la loi du profit maximal démentiront toujours les belles déclarations d’intention des patrons en goguette. Ce constat est banal mais le clou du spectacle versaillais ne l’est pas. Alors qu’il célébrait l’attractivité made in Choose France, Emmanuel Macron a clairement envisagé, en réponse à une question, le rachat par une banque européenne (probablement Santander) de la Société générale. “Oui, bien sûr, c’est possible. Cela fait partie du marché. Agir en Européens signifie avoir besoin de consolidation en tant qu’Européens”. On attire des investisseurs étrangers qui partiront s’ils aperçoivent ailleurs de meilleures opportunités” et on met quasiment en vente une banque française : avec Macron on choose toujours l’inconséquence.
***
Article publié dans le numéro 1279 de « Royaliste » – 17 mai 2024
0 commentaires