Professeur de la Faculté des sciences humaines de l’Université catholique portugaise, de Lisbonne, membre du conseil d’administration du Centre pour l’étude de la Philosophie, Mendo Henriques, qui a été conseiller et directeur des services à l’Institut de la défense nationale (1990-2007) et président de l’Institut de la démocratie portugaise (2007-2015) a bien voulu me communiquer un nouvel article sur la guerre russo-ukrainienne.
Le 23 juin, en fin de journée, le chef des mercenaires wagnériens, Yevgeny Prigojine, lance un coup d’État. Après des mois à accuser le ministre de la Défense Choïgou et le chef d’état-major Gerasimov de retenir des munitions dues et de ne pas savoir gérer la guerre, il commence le putsch après avoir diffusé un vidéo amateur sur les réseaux sociaux, les accusant d’avoir commandité un attentat contre un camp de Wagner. Comme le putsch des généraux d’Algérie le 21 Avril 61, il sait qu’il peut faire trembler le pouvoir avec des probables répliques en suivant.
A l’aube du 24, des mercenaires wagnériens amènent des chars à Rostov-sur-le-Don où ils occupent le quartier général du district militaire sud et entament une soi-disant « marche pour la justice » vers Moscou. Il existe de nombreuses vidéos de quelques milliers de militaires et de véhicules circulant sur l’autoroute M4, y compris des transports de chars blindées.
Samedi après-midi, il y avait déjà des colonnes Wagner dans les régions de Voronezh et de Lipetsk. Il y a des indications qu’ils ont abattu sept hélicoptères russes – dont quelques pilotes sont morts – qui ont survolé les colonnes militaires en marche avec l’ordre d’attaquer.
La nuit vint le revirement. Prigojine annonce que les mercenaires ont « renversé la marche » et retourneront dans les camps « selon le plan ». Quelques heures plus tard, sous les applaudissements des habitants de Rostov ils s’en vont. Il n’y a pas d’effusion de sang.
La rébellion de Prigojine a duré un jour, mais elle a montré aux Russes que le roi est nu. Le 24 au matin, alors que les Wagner avancent sur Moscou, Poutine prend la parole, en nommant Prigojine comme « traître » : il parle d’un « coup de couteau dans le dos » – l’expression favorite d’Hitler pour désigner la Grande Guerre – et indique que les rebelles seront punis. Le FSB a ouvert un procès judiciaire.
Simultanément, Poutine fait jeu double. Il a entamé des pourparlers avec le dictateur biélorusse pour qu’il entre en contact avec les rebelles, lui promettant des garanties de sécurité et de satisfaction des revendications. Après tout, ils étaient les « héros de Bakhmut ». En même temps, es forces de Kadyrov avancent sur Rostov-sur-le-Don.
Loukachenko entame les pourparlers avec Prigojine et vers 17 heures il a un accord. Dans les négociations, le Kremlin a révélé une capacité politique considérable pour fermer une crise politique interne, la plus grave de la présidence de Poutine. On a poussé un soupir de soulagement dans tout le monde : l’ancien cuisinier n’ait pas atteint la puissance des armes nucléaires russes
Ce qui est le plus décisif pour l’avenir, c’est que les citoyens russes ordinaires ont vu que Poutine, le roi, est nu. Au matin, il a considéré les rebelles comme des traîtres et invoque le monopole de la violence pour l’État. Dans l’après-midi, il bat en retraite, pardonne aux rebelles et leur promet des garanties.
Prigojine et son « armée » étaient un projet personnel de Poutine. Ils combattaient dans les conflits civils africains, du Mali au Mozambique, dans la guerre en Syrie et dans la guerre contre l’Ukraine. Dans tous ces pays, ils ont commis des crimes de guerre. Ils recrutaient des mercenaires dans les colonies pénitentiaires. Ils ont fait de la publicité pour volontaires dans toute la Russie ; ils ont envoyé des photos avec des maillets à des opposants russes et à quelques politiciens européens. Ils ont diffusé des vidéos de l’exécution brutal d’anciens prisonniers avec les mêmes maillets. En même temps, Prigojine a obtenu une loi de Poutine qui légalisait rétroactivement la conscription militaire dans les prisons, même pour les criminels condamnés à de lourdes peines. Désormais, seule l’armée peut recruter dans les prisons.
Au matin du 24 juin 2023, a pris fin l’idylle du Président que le Tribunal de La Haye attend tout à l’heure, avec ses criminels favoris. Prigojine, publiquement qualifié de « traître », est supposément emmené en Biélorussie où le dictateur le retient.
L’avenir dira si la raison principale du coup d’État de Prigojine était une question de ravitaillement depuis que Choïgou a cessé de commander de la nourriture pour les l’armées russes auprès des entreprises de l’ancien cuisinier de Poutine.
Demain est un autre jour !
Mendo HENRIQUES
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