Les élections provinciales et communales du 13 octobre ont confirmé la complexité du système politique belge, une partie significative de l’électorat s’abstenant.
Deux nouveautés ont marqué les élections locales belges. Pour la première fois le vote n’était plus obligatoire en Flandre. Les électeurs désignaient directement le bourgmestre. Les politologues flamands annonçaient avant le scrutin un recul limité de la participation, arguant du fait que les élections locales sont celles qui concernent le plus directement les citoyens dans leur vie quotidienne. Ils tablaient sur au moins 75 % de participation. En fait le chiffre a été inférieur de dix points, ce qui a surpris observateurs et acteurs politiques. Mais le recul certes beaucoup moins sensible est observable aussi en Wallonie et en Bruxelles où pourtant le vote est obligatoire. En Wallonie, seuls 85 % des électeurs se sont déplacés et si on tient compte des bulletins blancs et nuls, ce ne sont plus qu’un peu plus de 78 % des électeurs qui ont soutenu une liste. A Bruxelles, moins de 80% des inscrits se sont déplacés et seuls 75% des bulletins de vote expriment un vote en faveur des candidats présentés. Il y a donc un malaise réel.
Comment l’expliquer ? Sans doute y-a-t-il un rejet du système politique dans son ensemble par une partie de l’opinion qui ne se reconnaît plus dans ce système partisan fractionné à l’extrême et où dans certains cas, la branche wallonne d’un parti n’est pas sur la même ligne que sa branche flamande ou bruxelloise. Le cas des socialistes en est un exemple flagrant. On peut aussi se demander si le fait que les coalitions partisanes ne se constituent la plupart du temps qu’après les élections ne créent pas chez une partie des électeurs au moins une perte de repère, d’autant que ces coalitions peuvent varier d’un échelon à l’autre, d’une ville à l’autre. Enfin on peut mettre en avant l’heure de fermeture des bureaux de vote, la plupart du temps à 15 heures, voire 13 à certains endroits. Pourtant, deuxième réforme pour ce scrutin en Flandre, grâce au vote préférentiel les électeurs choisissent directement leur bourgmestre (maire). Peu importe sa position sur la liste, c’est celui qui obtient le plus de voix qui est désigné. Ainsi à Charleroi, le leader du PS wallon est a recueilli le plus de voix bien qu’en troisième position. Il a cependant confirmé son refus de rester à son poste, se contentant d’être échevin . Il ambitionne en effet d’être le leader de l’opposition de gauche au Parlement fédéral, ce qui implique à terme des ambitions gouvernementales majeures.
Et de tout cela qui sort vainqueur ? Difficile à déterminer chacun clamant sa victoire ou expliquant que sa défaite a quand même un parfum de victoire. Les deux grands perdants restent quand même les écologistes et le parti DéFi, deux profils très différents. Le premier perd plus de la moitié de ses sièges provinciaux et ne conserve pratiquement aucune direction de ville, en tous cas de ville majeure. Il demeure une force d’appoint rien de plus. Le second vit une véritable crise d’identité. Se voulant au départ le parti des francophones bruxellois, il a tenté de se développer en Wallonie, en vain. Son crédo libéral était déjà celui du MR (Mouvement Réformateur) dont il était lui-même issu. Et on voit pas en quoi les intérêts francophones seraient suffisamment menacés à Bruxelles au point de mériter l’existence d’un parti ad hoc. Quant à la défense de la laïcité à Bruxelles, c’est un peu maigre pour nourrir un programme. Et au nom de quoi pourrait-il s’en octroyer le monopole ? C’est donc son existence même qui, à terme, se trouve menacée. Certains partis ont connu des fortunes diverses selon l’échelon concerné et la région. Les listes Team Fouad Adihar ne sont pas parvenues à entrer dans les conseils provinciaux en Flandre. Par contre, comme lors des régionales du 9 juin, le parti s’implante dans la région Bruxelles-Capitale, particulièrement à Molenbeek. Faut-il y voir l’expression d’un vote communautaire musulman ? Sans doute, mais peut-être pas uniquement.
En fait le grand vainqueur de cette élection reste la droite. En Flandre, les deux partis nationalistes maintiennent leurs positions, ainsi que le CD&V démocrate-chrétien. Le parti libéral Open-VLD, lui, continue d’enregistrer des pertes tant au niveau provincial que local. C’est en Wallonie et à Bruxelles que la droite obtient ses plus beaux succès. Certes, Georges-Louis Bouchez est battu à Mons par le bourgmestre socialiste sortant mais son parti progresse dans son implantation à travers la Wallonie. Le vainqueur le plus spectaculaire est Maxime Prévôt, bourgmestre de Namur, et son parti, Les Engagés, qui réalise une percée tant au niveau provincial que local. Le leader centriste bénéficie sans doute de ne pas avoir arrimé son parti à la coalition Vivaldi en 2021 et d’avoir fait une cure d’opposition. Il a renouvelé les cadres de son parti, s’est émancipé de l‘étiquette démocrate-chrétienne et a su se démarquer de Georges-Louis Bouchez et du MR par son ton conciliant et posé. Sa nomination comme médiateur en juillet dernier pour réconcilier les différents partenaires de la coalition Arizona a renforcé sa crédibilité et donné de lui l’image d’un homme de pouvoir.
Les socialistes de leur côté ont ployé sans jamais céder comme en témoigne l’excellent résultat de Paul Magnette, leader des socialistes francophones à Charleroi. En Flandre, Vooruit (socialistes flamands) n’a pas pâti de sa participation à la coalition Arizona en gestation, coalition où il est le seul parti de gauche. Le PTB continue son implantation en conquérant des sièges tant dans les conseils provinciaux que dans les communes. A Anvers, ville dont Bart de Wever est le bourgmestre, il obtient même 20 % des suffrages exprimés et devient le premier parti d’opposition, la Flandre n’étant pourtant pas la région où son parti est le plus implanté.
Celui qui se porte le plus mal est le cordon sanitaire qui devait empêcher le Vlaams Belang et, dans une moindre mesure le PTB d’accéder aux affaires. Dans trois communes à Rands notamment, le Vlaams Belang est assuré de participer à l’exécutif local voire de le diriger comme à Ninove. Quant au PTB il devrait participer à la direction de Molenbeek et de Schaerbeek, et peut-être même à Gand où les socialistes locaux ont refusé de favoriser une majorité de gauche et de refuser de diriger la ville avec le MR et la N-VA nationaliste. Ce cordon sanitaire est-il pertinent ? Dès lors qu’on accepte qu’un parti participe à la vie démocratique, l’ostraciser ne peut contribuer à terme qu’à le renforcer.
Marc SEVRIEN
NB : Cet article reprend et développe une chronique publiée dans le numéro 1287 de « Royaliste » le 4 novembre 2024.
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