Conjoncture : C’est ailleurs que ça se passe

Déc 29, 2015 | Economie politique

 

Activité économique médiocre, désindustrialisation, chômage de masse, endettement… la conjoncture économique est déplorable mais qu’y faire ? Le gouvernement français ne contrôle plus rien.

Dans un système ultra-libéral, c’est, si l’on ose dire, le nec plus ultra : la convergence de facteurs favorables qui devraient nous annoncer des lendemains ensoleillés. On appelle ça la convergence des planètes. Pour utiliser cette expression dans un dîner en ville, souvenez-vous que cette belle métaphore signifie qu’on bénéficie en même temps de la baisse du pétrole, de la baisse de l’euro et de bas taux d’intérêt. Quand on fait des économies sur l’essence on a plus de pouvoir d’achat. Quand la monnaie baisse, on exporte plus facilement. Quand les taux d’intérêt baissent, on achète plus facilement une maison. C’est simple !

Oui, très simple mais trop simple ! Les journalistes qui font référence à l’astronomie oublient un point décisif : les mouvements des planètes échappent à la volonté des hommes et même à celle des Etats. Si l’on file la métaphore, le gouvernement français, par exemple, ressemble à un symposium d’astrologues essayant de déduire des évolutions planétaires de rassurants pronostics.

On aurait tort, cependant, de prendre au sérieux la métaphore ultra-libérale : il n’y a rien d’automatique en économie puisque des décisions politiques modifient ou bouleversent régulièrement le cours des choses. A l’aide de jumelles de théâtre, MM. Hollande, Valls, et Sapin peuvent observer ce qui se passe à la Réserve fédérale des Etats-Unis, à la Banque centrale du Japon, à la Banque centrale européenne, là où l’on crée massivement de la monnaie pour soutenir le système – surtout le système financier. Ils peuvent aussi observer de loin les négociations sur le traité transatlantique qui sont menées par la Commission européenne ou encore commenter la conjoncture économique en Chine – qui ne va pas bien – ou aux Etats-Unis menacés de récession l’année prochaine… Comme tous ces évènements dépassent le gouvernement français, il ne feint même pas d’en être l’organisateur car il s’occupe seulement de faire ce qu’on lui a demandé à Bruxelles et Berlin : des « réformes de structures » pour flexibiliser l’emploi et pour aider le patronat.

Est-il du moins bon astrologue, notre gouvernement ? Non ! Dans leurs mouvements, les « planètes » ont des effets variables selon les pays car les pays, figurez-vous, sont différents !  Un exemple ? La France est peu dépendante du pétrole en raison de son parc de centrales nucléaires donc la baisse des prix de l’énergie est de peu d’effet. Un autre exemple ? La baisse de l’euro a un effet positif pour les produits exportés à l’extérieur de la zone euro or la France fait une part importante de son commerce extérieur à l’intérieur de cette zone. Et les taux d’intérêts, me direz-vous ? Il est vrai que la France emprunte à bas prix pour financer sa dette publique mais les bonnes conditions que nous font nos amis de la finance n’empêchent pas la dette publique d’augmenter ! Elle se situera à plus de 96% du PIB à la fin de l’année 2015 et les espoirs de baisse pour 2016 sont des plus ténus.

Tout de même, la croissance est de retour et cette croissance, nous dit-on, se confirmera l’année prochaine ! Vrai. La croissance en 2015 sera légèrement supérieure à 1%, pour 2016 il s’agit encore d’un pari mais une chose est certaine : cette croissance molle n’est pas en mesure de faire baisser la courbe du chômage. Quant à l’emploi, la petite amélioration de novembre (- 15 000 personnes en catégorie A) ne peut faire oublier le désastre : entre avril 2011 et octobre 2015, le nombre des demandeurs d’emploi des catégories A, B et D est passé de 2,61 millions à 4,58 millions sous la houlette de MM. Fillon, Ayrault et Valls (1). Toutes catégories confondues, plus de 6,1 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi – soit une augmentation de 5,1% sur un an.

Ces chiffres sont accablants mais ils n’ont rien d’étonnant. La consommation des ménages est faible – elle a reculé de 0,7% en octobre 2015 – de même que la production industrielle qui avait reculé de 1,4% en 2014 et qui n’augmentera que de 0,5% en 2015. Au total, la production industrielle française est en recul de 13% par rapport à 2008. Et l’avenir reste sombre car l’augmentation des dépenses de recherche-développement est trop faible pour combler nos retards technologiques.

En ce début d’année, les demandeurs d’emploi et la plupart des Français – entre autres peuples assaisonnés à l’ultralibéralisme – n’ont qu’un seul recours : piétiner symboliquement les couronnes de fleurs envoyées par les médias aux dirigeants de la zone euro et à leurs « réformes structurelles ».

Merci Angela Merkel pour le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui prétend imposer l’équilibre budgétaire et qui est pour partie responsable de l’asthénie économique et du chômage.

Merci Jean-Claude Juncker pour le plan d’investissement qui porte ton nom. En novembre 2014, tu annonçais un plan colossal de 315 milliards d’euros destinés à créer plus d’un million d’emplois dans les trois ans, à redonner confiance aux investisseurs et à soutenir la croissance européenne. Merci pour ce mensonge – le budget européen n’était mis à contribution que pour 16 milliards – et merci pour l’introuvable résultat.

Merci François Hollande pour le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui n’a permis ni la réduction du nombre de demandeurs d’emplois ni le rétablissement de notre commerce extérieur.

Merci à tous pour cette constance dans l’imposture.

***

(1) L’analyse de Jacques Sapir sur son blog le 29 novembre 2015 : « Le drame silencieux », http://russeurope.hypotheses.org/4514

Article publié dans le numéro 1091 de « Royaliste » – 29 décembre 2015

 

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