La mise en scène quotidienne des rivalités au sein de l’oligarchie, pimentée par la progression lepéniste dans les sondages, ne saurait nous faire négliger les signes de durcissement du jeu politique.
En novembre dernier, nous avions dénoncé le renforcement légal du dispositif destiné à restreindre le nombre des candidats à l’élection présidentielle (1). Il s’avère que les candidats présentés par le Nouveau Parti Anticapitaliste, par Lutte ouvrière et par de petites formations souverainistes s’exposent à de très nombreux refus car les maires subissent plus que jamais la pression des préfets et des élus nationaux ou régionaux, qui font le chantage aux subventions. Comme les noms des signataires sont tous rendus publics, comme les formulaires signés sont transmis par courrier au lieu d’être remis aux candidats, les cinq cents signatures seront très difficiles à obtenir par les formations pauvres en militants et dépourvues de moyens financiers.
Le système de démocratie restreinte est aggravé par les sélections de candidats que les médias opèrent au vu de sondages tenus pour véridiques. Qui ne se souvient des innombrables démentis apportés aux sondages par les résultats électoraux… Pourtant, le critère sondagier assorti d’appréciations pifométriques a été retenu par le législateur : désormais, les temps de parole hors campagne officielle sont régis par un « principe d’équité » au vu de la représentativité des candidats et de la contribution de chacun à l’animation du débat électoral. Le législateur précise que cette représentativité est établie en fonction des précédents résultats électoraux et des sondages d’opinion. Du coup, la chaîne TF1 s’est crue autorisée à exclure Nicolas Dupont-Aignan du débat qu’elle organise le 20 mars entre François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Les cinq bénéficiaires de cette sélection arbitraire dénonceront certainement cet attentat contre la démocratie et refuseront de s’en rendre complice en participant à cette émission…
Autre signe de durcissement : la suppression du service Macroéconomie de La Tribune, sur décision de Franck Julien, président du groupe Atalian et nouvel actionnaire du journal. Romaric Godin, qui couvre l’Union européenne, est l’une des victimes de cette liquidation, dénoncée par les salariés de La Tribune comme une « décision politique » dans un communiqué qui appelait à une journée de grève le 23 février. Nous ne commenterons pas cette opération de nettoyage idéologique pour ne pas alourdir le dossier de Romaric Godin mais nous observons que les grands organes de la presse sont en l’occurrence d’une discrétion de violette.
Au durcissement de l’oligarchie politico-médiatique, s’ajoutent les violences de la rue. Plusieurs manifestations contre la loi El Khomri avaient été gravement perturbées par des groupes d’extrême gauche spécialisés dans l’agression des policiers. L’émotion provoquée par l’interpellation du jeune Théo – sur laquelle beaucoup se sont prononcés sans connaître les résultats de l’enquête – a été exploitée par divers groupes d’extrême gauche qui travaillent depuis longtemps à une alliance avec les bandes de banlieue. Après plusieurs nuits de violence dans la région parisienne et en province, l’explosion générale n’a pas eu lieu mais à Paris les mobilisations lycéennes du 24 février « contre les violences policières » et la banderole « Vengeance pour Théo » agitée place de la Nation montrent que la stratégie de la tension reste à l’ordre du jour.
La tension va monter en raison de la progression de Marine Le Pen dans les sondages et, déjà, la mouvance antifasciste appelle à la mobilisation contre le meeting que tiendra le Front national à Paris le 17 avril. Inutile d’aller dire aux « antifa » qu’ils contribuent à la progression frontiste – comme naguère la Ligue communiste qui victimisa le Front national en attaquant ses réunions – car ils savent que leur mouvance est promise à la prospérité si Marine Le Pen est élue en mai prochain. Ils comptent aussi sur l’extrême fatigue des policiers, propice aux dérapages dans le feu de l’action, pour enclencher le bon vieux cycle manifestation-répression-solidarité.
Ce n’est pas le chaos, encore moins le prodrome de la guerre civile, mais les signes d’une violence qui circule de plus en plus ouvertement et qui va peser sur la campagne électorale.
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(1) l’article d’Annette Delranck, « Royaliste » numéro 1109, page 2.
Article publié dans le numéro 1117 de « Royaliste » – 28 février 2017
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