Convention européenne : Fantasme, mensonge, imposture

Juin 23, 2003 | Union européenne

 

Le fantasme des Etats-Unis d’Europe accouche d’un monstre juridique : celui d’une prétendue « constitution européenne » qui tente d’annuler les effets paralysants du traité de Nice par un nouveau compromis ente les Etats.

Telle est ma première phrase, plate comme un constat d’huissier.

La deuxième est une vibrante injonction : et d’abord, on se calme !

La troisième sera perçue comme outrageusement polémique alors qu’elle procède d’une froide vision médicale : ne nous laissons pas gagner par les fièvres ultra-souverainistes car ce n’est pas une misérable copie bruxelloise qui pourra défaire la nation française.

Il faut traiter le produit de la « convention européenne » à la manière dont un médecin psychiatre examinerait un cas grave mais pas mortel :

Nous avons affaire à un sujet (Valéry Giscard d’Estaing) qui compense son manque à être (… à être encore président de la République française) par une auto-représentation de soi comme président-fondateur d’une entité dénommée « Etats-Unis d’Europe ». De vieux valets fidèles ,comme Alain Lamassoure, l’ont conforté dans cette illusion grandiloquente et ont clamé que le travail de la « convention européenne », achevé le 13 juin, pouvait se comparer à celui de la convention de Philadelphie.

Si nous étions dans le domaine politique, cette enflure verbale serait inquiétante : nous sommes heureusement sur un terrain strictement clinique, face à un gros fantasme qui se brise à chaque énoncé sur le principe de réalité. Exemple : quand on se souvient que l’ex-fasciste Gianfranco Fini représentait son pays à la « convention », quand on pense que l’Union européenne va être présidée par Silvio Berlusconi, c’est folie que de se comparer à Georges Washington et à Thomas Jefferson.

Certes, on voit poindre une pulsion de mort lorsque Alain Lamassoure s’écrie : « Nous sommes vingt-huit Etats. Ils étaient treize, ils étaient une nation et avaient déjà réglé à leur manière le problème des Britanniques ». Cette grossièreté, étonnante dans la bouche d’un homme qui se croit européen, nous rappelle à point nommé que les Etats-Unis d’Amérique se sont fondés deux fois dans la guerre – contre l’Angleterre et contre eux-mêmes. Après la guerre d’agression contre la Yougoslavie, à quels sacrifices sanglants le premier valet de la maison Giscard veut-il inconsciemment nous convier ?

Ce que nous pouvons appeler désormais « fantasme de Philadelphie » est curieusement à l’origine d’un mensonge collectif dénoncé par de trop rares juristes. Le texte de la « convention » est verbalement présenté par ses auteurs comme une « constitution européenne » alors qu’ils étaient chargés de rédiger un projet de traité constitutionnel. Bien entendu, les médias répandent la formule mensongère et leur conception du débat démocratique ne leur permet pas de donner la parole à ceux qui dénoncent la fabrication d’un monstre juridique. C’est tout simple :

  • un traité est un accord conclu entre des Etats souverains ;
  • une Constitution est la loi fondamentale d’une nation, qui est adoptée par une Assemblée constituante composée de représentants élus par le peuple.

A strictement parler, les « conventionnels » bruxellois ont fabriqué une antinomie : une loi qui en contradiction avec elle-même, dans sa genèse, dans son principe et dans ses effets.

Ce montage n’est cependant pas sans raison : il fallait à tout prix tenter d’échapper aux mécaniques auto-paralysantes du traité de Nice par un nouveau traité qui ne se présente pas comme tel parce que la superposition des traités et des pactes (Acte Unique, traité d’Amsterdam, Pacte de stabilité) finit pas être regardée pour ce qu’elle est : le symptôme d’un échec.

Las ! On n’a pas échappé aux marchandages entre les Etats, aux oppositions entre les intérêts des nations concernées, aux rivalités entre les divers organismes de l’Union. D’où un compromis médiocre relevé par des effets d’annonce – sur le président du Conseil européen, qui ne sera pas le « président de l’Europe », sur le ministre des Affaires étrangères européen qui sera chargé d’une politique indéfinie…

Autrement dit : en seize mois, cent cinq « conventionnels » ont produit une fantastique ânerie, et les mots qu’ils emploient sont autant d’impostures. A rejeter avant usage.

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Article publié dans le numéro 819 de « Royaliste » – 23 juin 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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