Pierre Maillard fut conseiller diplomatique du Général de Gaulle. Son ouvrage est celui d’un acteur, d’un témoin, d’un remarquable historien soucieux de voir la France retrouver rapidement l’esprit et les méthodes de son grand dessein européen.
Il ne suffit pas d’écrire que le livre de Pierre Maillard constitue une indispensable référence. (1). Comme la formule est un peu usée, il importe de préciser : ce « De Gaulle et le problème allemand » devrait figurer dans toutes les bibliothèques publiques dignes de ce nom et dans tous les centres culturels français à l’étranger. Je dis « devrait » car les dirigeants français, qui n’ont pas ou plus idée de ce qu’est la politique étrangère de la France, n’ont pas le souci d’en faire connaître les principes, les méthodes, et les exemples marquants.
Mais cette période misérable, qui évoque la IVème République, n’aura qu’un temps. La lecture de Pierre Maillard, au lieu de plonger le lecteur dans la nostalgie, donne furieusement envie de hâter la fin des démissions molles. Pierre Maillard y incite lui-même, dans une conclusion qui pourrait faire l’objet d’un autre livre, mais qui déjà nous invite à relancer la dynamique historique de la nation française.
Pour se convaincre de l’importance du livre, pour l’intelligence du passé et pour l’avenir de la grande Europe, deux approches sont possibles.
On peut choisir une lecture sage, de la première à la dernière ligne, qui conduit de la jeunesse de Charles de Gaulle à l’affaire Soames, en passant par les deux guerres mondiales : ce cheminement comblera les historiens, qui trouveront une information solide sur les origines et l’évolution des conceptions gaulliennes, et une fine analyse des différentes étapes des relations franco-allemandes entre 1958 et 1969.
Normalien (un normalien qui écrit bien, ce qui n’est pas si fréquent !), conseiller diplomatique du général de Gaulle de 1959 à 1964, Pierre Maillard est le témoin privilégié des années décisives et un acteur qui répugne manifestement à se mettre en scène – ce n’est pas non plus très fréquent. Nous tenons donc un excellent livre d’histoire.
On peut aussi aller prendre chez Pierre Maillard des leçons de politique, sans trop de respect pour la chronologie. En ce cas, je conseille de commencer par le chapitre consacré à « L’entrevue de Colombey » qui est à tous égards au cœur du livre : portraits du Général et du Chancelier, mise en perspective de la rencontre, évocation émouvante d’une amitié naissante, voici des pages admirables.
Il faut aussi être immédiatement attentif à une phrase peu connue du Général de Gaulle, par laquelle Pierre Maillard conclut son évocation de la deuxième guerre mondiale – celle où le Général se demande si « au moment où tout finit, le Titan vaincu et écrasé n’est pas redevenu un homme, juste le temps d’une larme secrète ». On se gardera de tout commentaire : il faut être théologien et philosophe pour expliciter la pensée gaullienne.
Ceux qui se préoccupent de la reconstruction politique de l’Europe, après la faillite prochaine des eurocrates ultra-libéraux, étudieront d’abord le chapitre XI, « Du Rhin à l’Oural » avant d’aller aux pages de conclusion qui démontrent que la reprise d’un projet politique n’est pas la répétition de ce qui fut.
Ayant ainsi butiné, on sera nécessairement porté à reprendre le livre par son commencement afin de redécouvrir Charles de Gaulle. Statufié, mille fois raconté et commenté comme tout autre grand politique ou philosophe, il reparaît, cette fois en compagnie de Pierre Maillard, inépuisable et surprenant, toujours en avance sur notre temps.
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(1) Pierre Maillard, De Gaulle et le problème allemand, Les leçons d’un grand dessein, 2ème édition augmentée, F-X. de Guibert, 2001. Préface d’Yves Guéna.
Article publié dans le numéro 775 de « Royaliste » – 25 juin 2001
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