Delors : L’homme providentiel ?

Sep 19, 1994 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Toute la gauche socialiste ou presque attend Jacques Delors, qui sait que la gauche l’attend, mais qui doit attendre, ou qui ne viendra pas…

Regardez comme l’histoire est cruelle, parfois : tous les bien-pensants de gauche plaçaient leurs espoirs en Rocard, et voici que l’ancien Premier ministre de François Mitterrand, à peine viré de la direction du Parti socialiste, tombe dans les oubliettes sans qu’on entende beaucoup de sanglots.

Regardez comme les sondages sont trompeurs, bien souvent : le même Rocard, qui fut pendant des années l’homme le plus populaire de la gauche, a été balayé de la scène politique en deux défaites et un seul mouvement de l’appareil socialiste. Il semble bien que la préférence sondagière ne soit pas de même nature que la logique politique…

Regardez comme la vie est étrange, de temps à autre. Les socialistes, qui s’époumonaient depuis 1958 contre « l’homme providentiel », n’ont obtenu leurs victoires de 1981 et 1988 que grâce à François Mitterrand – si bien que l’appel à l’homme providentiel est devenu chez eux comme une seconde nature.

De fait, beaucoup d’éminences roses sont accourues à Lorient à la fin du mois d’août pour toucher de près le nouvel espoir. On y a vu Jack Lang, jamais en retard sur un événement, et Lionel Stoleru, amusante girouette, a créé un tout petit émoi en appelant Jacques Delors à prendre pour Premier ministre Raymond Barre. Depuis, les pressions se multiplient, sous forme de déclarations plus ou moins habiles.

Que d’effervescence, alors qu’il conviendrait de garder son calme. D’abord, il serait bon que les socialistes comprennent enfin qu’un candidat à la présidence de la République doit être un homme aussi libre que possible à l’égard des partis politiques, et notamment de son propre parti. Toute déclaration d’apparatchik socialiste nuit par conséquent à Jacques Delors, si tant est qu’il veuille être un rassembleur. Ensuite, les socialistes devraient se souvenir qu’ils sont censés défendre des idées et soutenir un projet. Nous savons que Jacques Delors est un homme honnête (à cet égard il trancherait…) nous savons qu’il se situe dans la mouvance démocrate-chrétienne, mais nous ignorons quel pourrait être son projet présidentiel. C’est en fonction de ce projet, et des enjeux politiques du moment, que les royalistes se décideront.

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Article publié dans le numéro 626 de « Royaliste » – 19 septembre 1994.

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